Je passe mes journées à penser. Je réalise peu à peu que Barbara est morte. Elle nous a quitté et ne reviendra jamais. Et moi je dois construir ma vie. Quand je croise Laure dans les couloirs du lycée, je me dis qu'elle, elle a réussi à surmonter la situation plus facilement que ce que l'on croyait. Elle est toujours la première de sa classe. Elle a réussi à se faire de nouveaux amis alors que depuis que Barbara était malade, elle avait perdu tout ses amis. Alors qu'on pensait tous qu'elle serait la plus faible, elle se montre finalement être la plus courageuse d'entre nous.
Tandis que moi, les gens, malgré la réussite du concert de l'autre soir, continuent de moi voir comme le garçon solitaire. Mes notes commencent à chuter fortement. Claire ne m'adresse plus la parole. Surement de peur que je lui dise d'aller voir ailleurs, alors que c'est tout le contraire de ce dont j'ai envie. Je veux l'écouter me parler. Je veux la prendre dans mes bras, caresser ses cheveux, sa peau. Je voudrais tellement l'embrasser, lui dire que je l'aime.
En attendant que cela arrive, je passe mon temps à m'engueuler avec mon père. Avant on était proche. C'est lui qui m'a tout appris pour le piano. C'était pour moi un homme exemplaire. Mais depuis que la maladie a frappé Barbara, il n'est plus le même et je ne supporte pas son comportement. Il me répugne. Et maman, elle, elle est encore pire. Elle prend la maison pour un hôtel et préfère être affairé à son bureau plutôt que d'être au près de ses enfants, de les voir grandir. On dirait qu'elle ne ressent rien. Aucune émotion ne traverse jamais son visage quand ses enfants réussissent quelque chose. Je suis sûre qu'elle cache quelque chose mais je ne saurais dire quoi.
Il se passe beaucoup trop de choses dans cette maison. Personne ne veut faire éclater cette bulle dans laquelle nous nous trouvons. Personne ne veut s'exposer aux secrets que chacun cherche à cacher aux autres. Moi y compris. La peine que l'on a ressenti à la mort de Barbara n'est surement rien comparé à celle que l'on se prépare tous inconsciemment à subir lorsque nos secrets seront à découvert.
Je me lève de mon lit et marche vers la chambre de Laure. Sa porte est entre-ouverte mais j'hésite à entrer de peur de la déranger. Je n'entends aucun bruit. Je pousse un peu la porte pour vérifier qu'elle est bien là. Elle est là, debout, dans le coin de sa chambre, près de sa fenêtre. Dans le reflet de la vitre je distingue son regard perdu. Je m'avance. Elle ne bouge pas sachant probablement que ce n'est que moi.
Je ne sais pas trop pourquoi je suis venu la voir. D'habitude, c'est elle qui vient me trouver dans ma chambre. Je m'assois par terre, le dos contre son lit et les jambes tendus devant moi. Sa présence m'apaise. Avec Barbara je me sentais moins seul. Son énergie emplissait la pièce. Elle rayonnait de bonheur.
Je soupire un grand coup. Laure tourne la tête à ce moment là. Son regard est tellement vague que je me sens soudain mal pour elle. Elle détourne les yeux et s'assoit sur son fauteuil, près de sa fenêtre. Quand elle relève la tête vers moi, elle est à nouveau la petite Laure que je connaîs. Celle qui fait attention aux autres, qui ressemble tellement à Barbara.
"Pourquoi est-ce que la vie n'est jamais comme on l'espère ? M'entendais-je briser le silence. Pourquoi est-ce si compliqué de vivre tel qu'on l'entend ?
- Ce serait trop facile, je suppose. Répond Laure.
- Elle ne veut plus me parler. Laure, qu'est-ce que je dois faire ?"
Elle plonge son regard dans le mien. Je sais qu'elle a comprit que je parlais de Claire. Elle remonte ses genoux en dessous de son menton en silence. J'ai l'impression d'être pitoyable. Je me frotte le visage des deux mains pour tenter d'enlever ce regard désespéré que je pose sur ma petite soeur.
"Tu dis n'importe quoi Charlie.
- Pourquoi elle me parelerait après ce que je lui ai dit ?
- Parce qu'elle t'aime."
Je relève la tête vers elle. Un sourire en coin se dessine sur ses lèvres.
"Et tu l'aimes aussi. Poursuit-elle.
- Pendant tous ce temps, l'aimer n'a pas suffi.
- Parfois il faut laisser le temps faire. Argumente-t-elle.
- Du temps j'en est déjà trop perdu. Rétorquais-je.
- On a tous perdu notre temps."
Son ton est singlant et son regard devient vague à nouveau. Elle se met à fixer un point par terre.
"Est-ce que ça va Laure ? Demandais-je.
- Ca va." M'assure-t-elle en hochant la tête.
Je me lève et m'approche d'elle. Je m'agenouille pour être face à elle et pose une main sur son genoux. Elle essaye de soutenir mon regard pour me prouver qu'elle va bien. Mais je sais que ce n'est pas vrai.
"Laure, je n'ai jamais douté de toi. Et depuis la mort de Barbara, tu t'es montré la plus courageuse d'entre nous. Quoi qu'il puisse t'arriver, tu resteras toujours la personne la plus forte que je connaisse. Rien ne peut t'atteindre."
Ses yeux s'emplissent de larmes. Mais elle se force à ne pas les laisser couler. Soudain elle enroule ses bras autour de mon cou et me serre contre elle. Son étreinte me réchauffe un peu le coeur. J'entends à peine ce qu'elle me murmure à l'oreille :
"Merci."
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Il est court mais le prochain chapitre sera plus long et fort en émotion !
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Le jour après la mort
RomanceLes jours après la mort d'un être proche sont les pires de notre existance. Mais ils le sont encore plus quand, avant de mourir, votre soeur s'est mise en tête de réléver au grand jour tous les secrets de chacun. Empris déjà d'un chagrin immense, so...