Le jour après la mort

Laure

En rentrant à la maison, après le concert du lycée, je monte voir Charlie dans sa chambre. Je l'ai vu quitter précipitamment la salle après qu'il ait parlé avec Claire. Il est maintenant affalé sur son lit avec son casque sur les oreilles.

Je m'avance et m'assois à côté de lui. Il tourne la tête et me fixe un instant avant de se retourner à nouveau. Je sais que Charlie et moi pouvons rester assis l'un à côté de l'autre sans se parler pendant des heures. Mais là je vois sa mâchoire encore crispée par la colère et ce mélange de haine et de tristesse dans ses yeux.

"Pourquoi tu ne m'as rien dit pour le groupe ? Débutais-je doucement.

- Ce n'est pas ce que tu veux savoir Laure.

- Réponds d'abord à ma question. Insistais-je.

- Je n'arrivais pas à te le dire alors quand tu m'as dit que ton ami t'avait invité au concert, je me suis dit que ce serais une surprise pour toi. Avoue-t-il.

- Et c'était une très bonne surprise. Souriais-je.

- Maintenant demandes moi ce que tu veux savoir.

- Je t'ai aperçu parler avec Claire. Et je t'ai aussi vu la planter au milieu de la salle.

- Et donc ?

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Demandais-je enfin.

- Tu me connais. J'ai tout foiré."

Son regard devient vague. Il est surement en train de se repasser la scène. Mon frère n'est pas très doué avec les filles malgré le fait qu'il ait deux sœurs. Ou plutôt qu'il avait deux sœurs. Mais j'ai surtout l'impression qu'il cherche à s'éloigner de Claire parce qu'elle lui rappelle des moments de complicité qu'il avait avec Barbara. Je ne peux pourtant pas l'aider à chaque fois. Il doit trouver la solution par lui-même, ce rendre compte que repousser Claire ne changera rien ni au sort de Barbara, ni à ses sentiments pour cette fille.

"Au lit vous deux. Il y a école demain. Intervient papa au seuil de la porte.

- C'est bon papa, on n'est plus des enfants. Lui répondis-je.

- Laure, s'il te plait. J'ai besoin d'être seul de toute façon."

Papa n'intervient jamais pour nous demander d'aller nous coucher quand il juge que c'est l'heure. Papa veut parler à Charlie et Charlie semble l'avoir compris. Je quitte alors la chambre pour les laisser tous les deux.

Pendant que je me prépare pour aller au lit, je les entends parler. Leurs ne s'élève pas. On dirait presque qu'il cherche à chuchoter pour ne pas que j'entende. Et soudain papa dit la phrase de trop. Charlie s'énerve. Il avait déjà eu on compte pour ce soir mais papa a le don de venir remettre le couteau dans la plaie et de le faire rager encore plus. Leurs voix graves et fortes finissent par combler le silence de la maison. Papa connaît les limites de son fils mais il n'a pas l'air de s'en soucier ce soir. Il continue de provoquer son fils comme pour lui faire avouer quelque chose.

Allongée dans mon lit, dans le noir, seul les cris de Charlie et de papa résonnent dans toute la maison et ce depuis la mort de Barbara. Les hurlements se font toujours de plus en plus sanglant et les secrets de plus en plus inavoués dans cette famille.

J'essaye de fermer les yeux et de me remémorer la soirée que je viens de passer du moment où Jules m'a invité à ce que je franchise le seuil de cette maison à mon retour.

J'étais la tête dans mon casier. Je repensais à ce que Harry m'avait dit la veille ; que la vérité pouvait nous surprendre à tout moment. Il y a quelque chose que je ne sais pas, que l'on me cache. Un secret de plus. Et grand-père en a conscience. Que cela vienne de lui me surprend encore plus. Lui qui ne se confie jamais cherche à faire éclater un secret aux yeux de tous ?