Charlie

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Le soir commence à tomber quand je me décide à rentrer. Les lumières du salon sont allumées et Laure lit sur le fauteuil le plus près de la fenêtre. Aux grincements du portillon elle lève sa petite tête inquiète et m'apperçoit. J'entends son soupir d'ici. Elle lâche son bouquin et disparaît de l'encadrement de la fenêtre. Je m'attends à la voir m'ouvrir la porte, souriante. Malheureusement c'est mon père qui m'invite à entrer moins joyeux. Ses traits tirés traduisent de son anxiété et sa manie d'agir rapidement et sans impatience montre son énervement. En résumé il va encore se faire un malin plaisir à me passer un savon. A peine ai-je fermé la porte que la première hostilité est lancée.

"Où étais-tu passé ? Ta soeur s'est fait un sang d'ancre.

- Papa, c'est bon. S'interpose ma petite soeur.

- Excuses-moi Laure. J'aurais dû t'envoyer un message.

- C'est pas grave. Tente-t-elle pour appaiser la situation.

- Non c'est pas bon. Non. S'énerve papa. Laure monte dans ta chambre."

Ma soeur obtempère. Ses pas se font entendre dans l'escalier et jusqu'à ce que le claquement de sa porte résonne dans toute la maison l'homme en face de moi ne pipe pas mot.

"Charlie. Le lycée m'a encore appelé. Reprend-t-il plus calmement. Deux fois en deux jours. Ça commence à faire beaucoup tu ne trouves pas ?"

Voyant que je ne réponds pas il recommence à s'énerver. Qu'il se mette en rogne pour quelque chose d'aussi insignifiant m'éxaspère.

"Charlie, réponds-moi quand je te parle. Où étais-tu ? Continue-t-il.

- Qu'est ce que ça peux bien te faire ? T'en a rien à foutre de toute façon. M'énervais-je à mon tour.

- Qu'est ce que ça peut me faire ? S'étonne-t-il brusquement. Charlie tu es mon fils. Je pense à tes études moi. C'est pas en séchant les cours que tu vas avoir ton bac. Alors pour la dernière fois je te repose ma question, où étais-tu ?

- Au cimetière. Hurlais-je. Tu es content maintenant. Tu l'as ta putain de réponse."

C'est bon il a réussi à me mettre plus en colère que je ne l'étais déjà. Je me retourne et repasse la porte d'entrée en la claquant de toute mes forces derrirère moi. Mes poings se serrent instinctivement et comme pour faire sortir ma rage je fous un coup de pied dans l'herbe. Je finis par m'asseoir sur la marche du perron. Un long soupir m'échappe et j'enfouis mon visage entre mes mains en m'arrachant presque les cheveux.

Quelques minutes plus tard le bruit du portillon me réveille de ma torpeur. Claire s'avance timidement en voyant que j'ai relevé la tête. Elle s'arrête quelques pas devant moi et semble hésiter à prendre la parole.
La colère bouillone encore en moi et je ne suis pas prêt à lui reparler après ce qu'elle m'a dit ce midi.

"Charlie. Commence-t-elle.

- C'est pas le moment  Claire. Va t'en s'il te plait. La coupais-je en évitant son regard.

- Bien. Est-ce que je peux parler à ton père ? Demande-t-elle.

- Dans la cuisine."

Pendant un moment elle reste là. Mais je ne peux pas la regarder. Elle finit par laisser tomber et par se décider à entrer. Elle ressort à peu près dix minutes plus tard ma soeur sur les talons. Laure s'assoit près de moi tandis que Claire continue son chemin vers le trottoir. Elle passe le portillon et avant de partir, nous adresse un sourire amicale.

Ma colère évaporée, la fatigue a pris place sur mes traits. Alors avec une tête plutôt dépitée je regarde Claire disparaître au coin de la rue, jusqu'à ce que Laure fasse cogner ses genoux contre les mieux pour que j'arrête de rêvasser. J'en profite pour engager la conversation le premier, avant qu'elle n'ait le temps de me faire une réflexion.

"Qu'est-ce qu'elle voulait ?

- Elle et son père nous invite à déjeuner chez eux. Sa mère est morte d'un cancer du foie et ils veulent nous aider, tu vois.

- Je ne veux pas de son aide.

- Qu'est-ce que tu peux être soulant, des fois, Charlie."

Pour faire passer sa pique en petite plaisanterie je lui assène un coup d'épaule, ce qui l'a fait quelque peu la basculer. Elle se replace comme avant, s'accompagnant d'un soupir qui dissimule son envie débordante de rire. La voir se retenir de la sorte me fait toujours sourire.

Après ce bref éclat de rire, le silence retombe. Le soleil qui commence sa descente vers l'autre monde nous berce d'une lumière appaisante. Malgré un mois d'octobre bien avancé, la chaleur du soir est toujours là et rester assis dehors, avec ma petite soeur atténu ce mal-être en moi.

Je jette un coup d'oeil vers Laure. La tête penchée en arrière, fixant de son oeil expert les premières étoiles de la nuit, elle semble tranquille. Mais à bien regarder, quand on l'a connaît, elle pince ses lèvres pour empêcher les mots de lui échapper. J'en déduis qu'elle a quelque chose à me demander. Sentant que cela a un rapport soit avec Claire, soit avec Barbara, j'envisage de rentrer à la maison et d'échapper à cette conversation. Mais elle est plus rapide.

"Tout à l'heure, tu as dit à papa que tu étais allé au cimetière. C'est vrai ? Tu es allé la voir ? Demande-t-elle d'une voix triste.

- Je n'ai pas pu. Avouais-je.

- Comment ça ?

- Je me suis arrêté devant la grille.

- Pourquoi ? Continue-t-elle de m'interroger.


- Trop dur." Dis-je dans un souffle en me levant pour couper court à la discution.

Je n'ai pas envie de lui expliquer que je suis incapable de regarder une tombe, que je me sens mal de ne pas avoir été présent dans ses derniers instants de vie moi qui ne demandais que ça, que je me sens coupable.

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Un chapitre un peu plus long! Dsl mais je les écris d'abord à la main et ils font plus longs :/

Le jour après la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant