Deux jours plus tard, le dîner chez Claire et son père est organisé. En rentrant du lycée je m'affaire à mes devoirs dans le silence planant de ma chambre, avant de me préparer pour ce soir. Quelqu'un frappe à la porte, papa se glisse dans l'entre - baillement. Il passe ses doigts sur son menton fraichement rasé avant de m'annoncer que je dois me préparer. N'ayant entendu aucune voiture depuis mon arrivé je lui demande :
"Où est maman ?
- Dépèches-toi Laure." Dit-il clairement avant de refermer ma porte et de disparaître, laissant la conversation en suspens.
Ma mère me déteste. Ma propre mère me hait. Dire que cela ne me fait rien serait un mensonge. Qui peut ne pas souffrir de voir sa mère l'abandonner peu à peu.
Elle ne m'adresse la parole qu'indirectement depuis la mort de Barbara et évite le plus possible de se retrouver dans la même pièce que moi trop longtemps. A la perte d'un enfant, je peux comprendre que les parents soient sous le choc et aient besoin de temps pour reprendre leurs esprits. Mais deux semaines sont passées et maman m'ignore de plus en plus. Elle oublie qu'elle a d'autres enfants en se bourrant la tête de travail.
Dans ma tête d'enfant je m'imagine que ma mère ne m'aime plus. Elle me rend coupable de la mort de ma soeur, alors que je n'y suis pour rien.
Tentant une nouvelle fois de faire abstraction des actes de ma mère, j'ouvre mon armoire croisant les doigts pour que je ne sois pas obliger de porter cette petite robe noire. Un nombre incalculable de fois je me suis demander ce que j'allais en faire. Je ne l'ai porté qu'une seule fois, à l'enterrement de Barbara et devoir la reporter encore me noue la gorge. Je soupire de soulagement en constatant que j'ai une autre robe.
Une fois prête, j'entre dans la chambre de Charlie pour voir où il en est. Malheureusement je le retrouve allongé sur son lit avec son casque sur les oreilles. Mon doute qu'il ne daigne venir à ce dîner se confirme. A croire que Claire lui fait peur.
D'ici j'entends le son rock d'un groupe de musique. Avant, sortait de son casque de douces mélodies de piano. Avant il passait son temps penché sur une partition à composer, écrivant, gribouillant, comblant peu à peu, de sa main gauche, la feuille anciennement blanche. Avant il était impossible d'avoir un silence absolue dans cette maison, surplombé par le touché délicat de Charlie sur son clavier de piano à cordes.
"Tu es ravissante. Me surprant mon frère.
- C'est la seule robe que j'ai qui ne soit pas noire. Si tu vois ce que je veux dire. Tu ne t'es pas encore habillé ?
- Je ne viens pas. Annonce-t-il en évitant maladroitement mon regard.
- Mais tu ne peux pas ne pas venir. Claire va être extrèmement déçu de ne pas te voir venir. Tentais-je de lui faire comprendre.
- Je me fiche éperdument de ce que Claire peut penser. Me coupe-t-il brusquement.
- Ah oui ? Et depuis quand ? Le provoquais-je. Depuis le collège tu n'as d'yeux que pour cette fille. A une époque tu t'habillais même différement rien que pour lui faire plaisir.
- Ce n'est pas vrai. Lâche-t-il lassablement.
- Barbara peut le prouver. Me précipitais-je de parler.
- Plus maintenant." Rugis-t-il.
Je reste figée, autant surprise par sa colère, que par mon propos. Barbara ne peut plus rien prouver. Elle est morte. Disparue avec les secrets de toute une famille.
Charlie se frotte rageusement le visage pour effacer et calmer sa colère. Un faible "Excuses-moi." presque inaudible sort de sa bouche. Il s'approche peu rassuré vers moi et finalement me sert dans ses bras. J'ai du mal à réagir. Au début je laisse mes bras pendre avant de difficilement les serrer autour de lui. Il se recule et tentant un sourire réconfortant déclare :
"Amuses-toi bien."
Sans un mot, ni un regard pour mon frère, je quitte sa chambre. En descendant les escaliers je tente de retrouver mes esprits. Dans l'entrée papa est déjà prêt et m'attends. Il m'annonce d'une voix la plus limpide possible que maman a une réunion et qu'elle souhaite profiter de l'occasion pour rester en tête à tête avec Charlie à son retour. Un poignard s'abat en plein dans ma cage thorassique. Jamais elle n'a fait cela avec moi. Même avant la mort de Barbara.
Dans la voiture, papa tente d'être enjoué et de faire la conversation. Mais mon esprit reste bloqué sur mon propos de tout à l'heure avec Charlie et ceux de ma mère.
En se dirigeant vers la porte de chez Claire, papa m'assène un coup de coude.
"Souris un peu."
Il sonne. Je souffle un grand coup et au moment où la porte s'ouvre sur une Claire rayonnante, mon sourire de façade refait surface. Elle nous invite à entrer et guide mon père vers le salon où se trouve son père. Discrètement elle me demande :
"Charlie n'est pas là ?
- Non." Répondis-je le plus simplement possible pour ne pas lui montrer que je suis fâchée qu'il ne nous ait pas accompagner.
Je jette un coup d'oeil à Claire, qui comme je l'avais prévu, semble très déçu. Mais en bonne maîtresse de maison, elle sourit et me propose de m'assoir. J'obtempère et tente d'être la plus aimable possible durant toute la soirée.
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De ma tablette il fait plutôt long alors j'espère qu'il le sera tout autant en mode lecture ;)
Qu'avez - vous pensez de ce chapitre et des personnages ? :)
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Le jour après la mort
RomanceLes jours après la mort d'un être proche sont les pires de notre existance. Mais ils le sont encore plus quand, avant de mourir, votre soeur s'est mise en tête de réléver au grand jour tous les secrets de chacun. Empris déjà d'un chagrin immense, so...