Il est l'heure.

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23h47. La dernière lumière de la maison s'éteint. 23h54. Plus aucun bruit. 23h59. Il est là, dehors, appuyé contre un des murs de la maison, et sourit dans le noir. Son heure est enfin venue. Il s'approche de la fenêtre. Pose une main sur la vitre, et pousse légèrement. Elle s'ouvre immédiatement. Il rit en son for intérieur. Ils oublient toujours de fermer cette fenêtre. Il enjambe le rebord et entre dans la maison. Traverse les pièces une par une, les balayant d'un regard indifférent. Il n'est pas là pour voler quelque objet insignifiant. Non. Il est venu prendre tellement mieux. A cette pensée, un grand sourire lui fend le visage. Il est près, si près du but. Il monte les escaliers. S'approche de...

-T'es qui?

Il se retourne vivement. Une gosse de six, sept ans tout au plus se tient devant lui et le regarde, la tête légèrement penchée sur le côté, attendant une réponse.

-Je... Tu n'es pas censée dormir, toi?

La gosse sourit, apparemment très fière d'elle.

-Nan! Je suis pas fatiguée!

-Eh! Moins fort!

Il regarde par dessus son épaule, inquiet. Si elle les a réveillés...

-Mais...

-Chut.

Il tend l'oreille. Toujours pas de bruit. Il soupire, soulagé. S'accroupit devant l'enfant, qui attend patiemment.

-Bon, dit-il en chuchotant, on va jouer à un jeu. Je compte jusqu'à vingt, toi tu te caches, et après j'essaie de te trouver. Mais on va faire tout ça en silence, on ne doit pas réveiller les autres.

-D'accord.

Elle s'en va, toute heureuse.

-Un... Deux... Trois...

Il compte, lentement. Il ne faut pas qu'elle sorte de sa cachette. Pas avant un moment. Il ne veut pas qu'une innocente gamine soit spectatrice de ça.

-Vingt. J'arrive.

Il va de pièce en pièce, entrant dans chacune d'entre elles. Pas là. Pas là non plus. Putain, mais où...?

Il ouvre une porte. C'est une chambre. Un homme et une femme dorment paisiblement. Il sourit, marche lentement vers l'homme. Ce gros con qui lui a pris sa fiancée. Il sort de sa poche un flingue avec un silencieux. On lui a dit qu'il était fou. Il va le prouver.

Il appuie sur la détente. Un coup sec. Un bruit sourd. Le sang qui coule. La femme qui ouvre les yeux, terrorisée. Lui qui tourne la tête vers elle, un rictus déformant ses lèvres.

-Salut chérie, je t'ai manqué ?

-Tu...

Il ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase. Une balle se fiche dans la poitrine de celle qu'il aimait tant. Il sort de la pièce, satisfait.

-Qu'est-ce que...?

Il fait volte-face, et, par réflexe, presse la détente et tire sur son agresseur. Qui, les yeux écarquillés, les larmes inondant ses joues, s'effondre sur le sol en sanglotant une unique phrase :

-J'ai toujours voulu te rencontrer, papa.

Recueil de textes isolés. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant