lettre à un pansement.

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une nouvelle fois. encore, encore, encore. tu n'es rien d'autre. rien d'autre qu'un pansement. un pansement qu'on applique avec prudence, gentillesse. un pansement duquel on prend soin parce qu'il aide à aller mieux. il faut toujours prendre soin de ce qui nous fait aller mieux. mais un pansement qu'on finit par arracher brusquement quand on en a plus besoin. on l'arrache d'un coup sec et on l'oublie. ce n'est pas ta faute, tu es sûrement fait pour être un pansement. tu devrais même apprécier qu'on prenne soin de toi un temps ; même de ça, tu pourrais en être privé. mais non, tu ne peux pas t'en contenter. c'est plus fort que toi, tu t'attaches. tu sais pourtant que tu ne dois pas t'attacher. ta vie entière en est la preuve. sauf que tu es stupide, alors tu préfères jouer aux amnésiques, et démarrer une nouvelle valse. tu souffres, comme d'habitude, tu souffres mais tu continues, tu n'arrives plus à sortir de chez toi mais tu continues, tu ne sais plus ce qu'est le sommeil mais tu continues, tu reçois chaque pensée comme une torture mais tu continues. parce que c'est ton rôle, parce que tu ne peux pas t'empêcher d'espérer. tu espères tout en tombant toujours plus bas, tu ne savais même pas que c'était possible mais le gouffre est interminable, tu sais. tu souffriras toujours plus. même pleurer est au dessus de tes forces. alors évidemment tu écris, parce que tu es un pansement bavard, parce qu'on t'a toujours dit qu'il est important d'extérioriser. donc tu écris, tu te dis que ça formera peut-être des jolies phrases, et comme l'inverse se produit tu tombes encore plus profond. c'est ça qui est aberrant chez toi. tu réfléchis trop. beaucoup trop. comment tu fais pour être aussi stupide en réfléchissant autant ? parfois tu aimerais bien ne plus réfléchir du tout. parce que c'est épuisant de réfléchir, et puis ça fait mal aussi. tu te fais du mal en réfléchissant, et tu es quand même stupide. tu devrais vraiment arrêter, tu vois bien que tu ne sais plus respirer, tu étouffes en étant toi. alors sincèrement, le mieux pour toi serait juste. d'abandonner.

p.s. tu n'es même pas un bon pansement, en plus.

Recueil de textes isolés. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant