24. L'ange s'envola

272 11 0
                                    

  On chuchotait sur mon passage dans les couloirs. Personne n'osait me parler. J'entendais des bribes de phrases, toute concernant ma sœur. J'avais envie de me retourner face à eux et de leur dire « Oui! Oui, et alors? »

Même mes amis avaient peur de me parler, comme s'ils pensaient qu'au moindre mot je puisse m'effondrer. Voilà pourquoi je ne voulais rien dire à personne, j'avais peur de la pitié que les gens pouvaient me porter. Seule Emy me considérait encore comme quelqu'un de normal.

C'est d'ailleurs avec elle que je passais la plupart de mes journées, maintenant. On omettait de parler de Collins, même si ses « ça va? » n'attendaient pas forcément des « oui » lancés à la va-vite. Elle s'attendait toujours à ce que je dise que non, ça n'allait pas, et c'était ce que je faisais, mais elle ne me regardait pas comme si elle se sentait de jouer Mère Thérèsa, elle reprenait la conversation comme si de rien était et me faisait penser à autre chose, car c'était la seule manière pour elle de m'aider.

Les semaines passèrent et c'était toujours la même routine. Je me détachai petit à petit de Hugo et Lucas qui ne comprenaient pas mon mal-être. L'état d'Amber se dégradait à vue d'œil. On voyait la fin approcher.

Je rentrai tard des cours car on avait passé des heures à discuter avec Emy et on avait traîné un peu. Il était 19heures. Romane et papa m'attendaient. Ils étaient sagement assis dans le salon, un dans la canapé, l'autre sur un fauteuil. Ils étaient silencieux.

Je débarquai dans la pièce et ils relevèrent les yeux comme un seul homme vers moi.

Je les regardai, surpris, remarquai le regard las de papa et les yeux rougis de ma belle-mère puis mon père se racla la gorge:

— Elle est partie.

Je ne compris pas tout de suite. Qui ça? Partie où?

Mais je fis le rapprochement rapidement, en essayant de prier pour que je me sois trompé. Mais il y avait peu de chances.

— On l'a retrouvé...

Un sanglot le coupa. Mon père pleurait. Il essuya pudiquement ses larmes mais de nouvelles se montraient au jour. Il pressa son pouce et son index contre ses paupières. Romane masqua son visage avec ses mains et devant ce spectacle, aucune larme ne parvenait à s'échapper. J'étais vide. J'avais mal, mais j'avais à peine conscience de cette douleur. J'étais dans un état second.

Je m'assis sur une chaise. J'étais si perdu, j'avais l'impression que la Terre s'était arrêtée de tourner.

La pièce était silencieuse, seuls les pleurs des adultes se faisaient entendre.

Je m'étais préparé à ça, enfin je crois, mais maintenant que ça se produisait, j'avais l'impression que je ne m'y attendais pas. Pas aujourd'hui en tout cas. Ça ne pouvait pas arriver.

Et au fond je pense qu'il n'y a pas de bons moments pour ce genre de choses. Ça arrive c'est tout.

On avait rendez-vous au funérarium vers 15heures. Maman n'était même pas venu. J'avais espéré que ça lui permettrait de se rendre compte qu'on avait besoin d'elle tant qu'on était encore là.

Ça m'acheva encore un peu plus, alors que je croyais déjà être au fond du gouffre. Qui ne viendrait pas à l'enterrement de sa propre fille? Ça m'en donnait des frissons.

Amber était magnifique dans sa grande robe grise. On aurait pu croire qu'elle ne faisait que dormir.

J'ai appris quelque part qu'on maquillait les morts pour ne pas qu'ils aient l'air de morts-vivants.

Je l'imaginai pâle comme un linge et froide comme la glace, et cette vision me donna envie de gerber, alors je me contentai de la vision qu'on m'offrait.

Juste pour le jeu...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant