Cela fait une semaine que nous partageons tout les matins notre petit déjeuné. Nous n'avons presque pas parlé, voir pas du tout pour dire vrai. Nous nous sommes contenté de manger en silence, profitant de notre seule présence.Je n'en sais pas plus sur lui, il n'en sait pas plus sur moi. Il s'appelle Chris et il aurait 18 ans. Je pense que pour l'instant c'est suffisant et même si j'éprouve le besoin de connaître sa vie, chaque seconde de son existence, je garde ce silence qui semble le réconforter.
Parfois, il me sourit et c'est tout ce dont j'ai besoin. Alors je lui rend son sourire et je crois que c'est ainsi que l'on apprend à se connaître. Il y a plus à savoir en se regardant dans le blanc des yeux qu'à se raconter ce que l'on veut bien faire savoir. Je crois que s'il me questionnait sur mon quotidien, je ne serais pas sincère de peur de venter une vie qu'il n'aura peut-être jamais. A l'inverse, je sais qu'il enjolivera la sienne pour ne pas me montrer à quel point sa misère est grande.
Pourtant il en porte les traces indélébiles, cette misère lui colle à la peau et je n'ai pas meilleur moyen de connaître sa vie qu'en le détaillant chaque jour. Chaque nouvelle trace, nouvelle blessure témoigne de ses journées passées. Chaque cerne atteste de ses nuits sans sommeil, chaque égratignure contre ses poings prouve son autodestruction et la rage qu'il évacue contre les murs ensanglantés de ce qu'il considère comme son endroit.
Il est désespéré,désespérément seul et seul contre le monde.
Ce Week-end, il n' y a pas une seule seconde où je n'ai pas pensé à lui. Deux matins sans le voir, sans savoir s'il va bien et si même, il est toujours là, dans cette ruelle. Je crois que de ma vie je n'ai jamais autant voulu être un lundi.
Alors ce matin, je m'empresse de quitter mon immense maison. La neige ne semble pas vouloir quitter New-York et moi qui aime habituellement cette saison, je prie pour que le printemps s'invite en avance. Qu'il offre un peu de chaleur à Chris, un peu de réconfort.
Ma mère a plissé des yeux lorsqu'elle m'a vu dévaler les marches de la cour et je jure intérieurement de traîner plus que d'usage demain matin, pour effacer ses soupçons naissants.
Alors que je passe la grille, elle m'interpelle.
-Dany, je trouve que ton goûter est beaucoup trop copieux, tu es en âge ou les petites filles prennent très facilement du poids. Demain, tu n'emportera qu'une pomme.
Les apparences, toujours les apparences. Quelle serait la réputation d'un médecin si sa fille souffrait d'obésité ? Je ressens l'envie de rire. Je suis aussi fluette qu'une danseuse étoile. Il n'est pas prêt de pointer le bout de son nez, le jour ou je serais en surpoids.
Si une pomme lui enlève tout soupçons, grand bien lui face. Chris aura au moins le plaisir de varier les petits déjeuners.
A quelques mètres de la ruelle, une pointe d'appréhension me coupe le souffle un instant. Et si il n'était plus là ? Il m'a dit que c'était chez lui que pour quelques jours. Oui, mais pour combien de temps?
Je n'ai pas le temps de m'apitoyer que je le vois, adossé au même mur, avec pourtant un autre t-shirt sur le dos. Comme à son habitude, une cigarette vient caresser ses lèvres et sans même un regard de sa part, je vois son sourire s'étirer légèrement lorsqu'il inspire une bouffée. Il sait que je suis là.
Comme tout les matins, je m'assoie face à lui et pose son Sandwich sur ses genoux pendant que je déballe le mien.
-Salut Dany. Il sourit tout en expulsant la fumée vers le ciel dénué de soleil.
-Salut Chris. Je marmonne entre deux bouchées.
J'ai déjà petit déjeuné, je n'ai plus faim mais comme toujours je me force avec plaisir.
-J'avais peur que tu ne sois plus là.
Les mots sortent tout seul et je m'étonne moi-même de cette confidence. Mal à l'aise, je triture mes gants en laine priant pour qu'il n'ai pas entendu.
Soudain, sa main quitte son sandwich et il attrape l'une des miennes, me forçant à délaissé ce tic nerveux.
Ses deux yeux indissociables et pourtant si différents prennent un air sérieux et alors mon regard se scelle au sien. Malgré mon tempérament timide et réservé, je ne peux détourner mes yeux, je suis subjuguée. C'est la première fois que son regard exprime la confiance en soi,la détermination. D'habitude si perdu, si calme, il y a dans ses traits une maturité et une force épatante.
-Je ne partirais jamais d'ici sans te prévenir Dany. Jamais.
Son ton est sec et pourtant remplie de tendresse. Comment peut-il sortir deux émotions aussi incompatibles. D'une voix froide me dire des mots aussi chaleureux.
-Tu me le promet ?
Je ne sais pas pourquoi je semble aussi suppliante. J'ai l'impression que si il disparaissait mon monde s'écroulerait l'instant suivant. Pourtant je ne le connais que depuis peu. Comment puis-je exiger de ce garçon une telle promesse ?
-Je te le promet.
Cette fois, ces yeux retrouvent leur vulnérabilité mais il ne perd pas son sourire. Je crois qu'il a compris qu'il n'était pas le seul à avoir besoin de compagnie, que je ne fais pas ça par charité. Je crois que je ne sais pas moi même pourquoi je suis là. Même si j'éprouve une puissante envie de l'aider, j'ai l'impression que c'est lui quelque part, qui m'aide plus qu'autre chose.
<3<3<3<3<3<3
Re :) :)
Voici le chapitre 6 :)
Je ne m'arrête pas en si bon chemin, j'ai du temps devant moi et ai corrigé pas mal de chapitres d'avance :)
bisouuuuuuuuuus
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Je te retrouverai...
RomanceIl y a 7 ans, un matin d'hiver, sur le trajet du Lycée, Dany, 15 ans, rencontre Chris. Alors qu'elle vit au sein d'une famille surprotectrice, dans un cocon aisé et strict, lui, vit dans la rue avec pour seule et unique compagnie sa couverture troué...