Entre Amis...

212 62 30
                                    


Vendredi Dix-sept heures

Je suis passé voir Sanon cet après-midi. Il semble surpris de me voir.  Sanon porte une chemisette truffée de petits trous. Il m'a quasiment juré qu'il ne l'a pas porté pour se rendre à l'école ce matin.

J'aime l'aspect paisible qui règne dans cette demeure. Les parents de Sanon semblent être des gens sages et avisés. C'est du moins l'apparence qu'ils me donnent. Sanon, je dois pourtant l'avouer, m'a toujours paru comme quelqu'un qui n'a pas les pieds sur terre, toujours en train de rêvasser, toujours en train de s'adonner aux abstractions. Il est bien différent des autres membres de sa famille.

J'ai remarqué que son livre de Physique était bel et bien ouvert sur sa table de travail. Il m'a paru un peu gêné quand je lui ai demandé s'il travaillait avant mon arrivée, puis il a avoué que c'était le cas. Un garçon bizarre, qui de sensé repasserait ses leçons un vendredi après-midi ?

Il m'invite à m'asseoir puis, il m'apporte une pomme. Je le fixe un peu étrangement. Il ne bronche pas. Il croque à pleine dents dans la sienne, ce qui m'incite à faire autant !

« Alors, comment a été cette semaine ? »

Pénible, aurais-je aimé dire. Peut-être le mot est-il trop faible pour qualifier mes désillusions tout au long de ces cinq derniers jours. Je ne me sens pas du tout prête pour affronter les prochains mois qui vont venir, je ne suis prête pour rien du tout.

« Je me suis débrouillée, tant bien que mal... et toi ? »

Sanon me fixe un peu trop longtemps à mon gout. Je finis par baisser le regard. Au lieu de répondre à ma question, il m'en pose une autre, sous un ton bien posé, comme s'il eut voulu me dire que je peux me fier à lui :

« Tu as fini par changer d'idée ? En ce qui a trait à ce que tu m'as dit hier ? »

Je m'éclaircis la gorge, puis je lui réponds :

« Je vais suivre ton conseil, et faire de mon mieux pour ne pas décevoir. »

Il secoue la tête comme pour me faire comprendre qu'il compatit à mes peines. Il me demande :

« Qu'est ce qui t'a amené à avoir ce sentiment d'échec ? »

« Je ne sais pas, Sanon... Ça a commencé par des doutes, puis des gestes d'hésitations. Mes hésitations ont laissé place à des maladresses, et celles-ci ont fini par devenir des certitudes que je ne puis faire correctement ce dont je suis douée pour... »

Un long silence s'ensuit. Sanon finit discrètement sa pomme. Peu de temps après, il me dit :

« S'il est une chose que mon frère m'a appris, c'est que nos doutes, ou du moins certaines d'entre elles, ne s'estomperont jamais. D'autres s'accentueront à l'avenir... »

Je soupire. Sanon poursuit :

« Il m'a aussi appris qu'au final, tout cela se résumait à ce qu'on aime et ce dans quoi on se sent bien. Tout dépend de toi, Théa. Tu pourras aujourd'hui tout abandonner et à l'avenir te constamment poser la question : et si j'avais tenu bon ? Tu pourras continuer à faire ce que tu aimes et du même coup continuer à bénir ceux qui ont le privilège de t'écouter, y compris moi ! »

Sa dernière phrase m'arrache un sourire. Il s'estompe rapidement pourtant. Je lui demande :

« Et si j'ignore ce que j'aime vraiment ? Tout est flou pour moi ces temps-ci. J'ignore ce que je dois préserver, j'ignore ce que je suis censée aimer, et ce que je dois me battre pour préserver... »

« Ce n'est qu'une impasse ma chérie, crois-moi... J'ai moi également des doutes et des appréhensions face à ce que la vie m'offre tu sais. Parfois il m'arrive de me méconnaitre. Je fais souvent de mauvaises choses qui parfois m'invitent à me demander si je ne suis pas quelqu'un de très mauvais. Parfois, je snobe les responsabilités que l'on me force à endosser, puis je me dis si toute ma vie je ne demeurerai pas un idiot immature. »

Je secoue la tête pour lui faire comprendre que j'ai parfaitement saisi ce qu'il a voulu m'enseigner. Parce que j'assimile les conseils de Sanon à de l'enseignement. Il n'arrêtera jamais de me surprendre. Je me rends compte qu'il est une source intarissable de bonnes choses, et que je vais devoir beaucoup plus apprendre de lui.

« C'est vrai que parfois tu agis comme un gamin dépourvu d'intelligence ! »

Lui et moi nous éclatons de rire. Il me fixe étrangement comme la fois précédente, et moi, je détourne une nouvelle fois mon regard, j'ignore ce qui m'arrive... »

Sanon IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant