Sanon?

156 53 23
                                    

Vendredi, Quatorze heures et vingt minutes

Lunise et moi sommes assises près de la porte d'entrée. Près de moi, elle consulte sans arrêt son portable. Apparemment un message qui tarde à venir.

« Tu la connais cette fille, Lunise ? »

Elle relève la tête brusquement, l'œil aux aguets, croyant que je parlais d'une fille à notre proximité.

« De qui tu parles, Théa ? »

« De la fille qui est avec Sanon... »

Lunise me regarde bizarrement, puis me répond :

« Euh... Non. Je ne la connais pas. Je peux voir qu'elle est dans la même école que ton ami, Sanon. »

Je ne dis rien. Elle sourit largement, puis me dit :

« Tu es jalouse ! »

Je me défends.

« Qui ça ? Moi ? Surement pas ! »

« Si, tu l'es Althéa ! Tu es jalouse de voir Sanon avec cette fille ! Sinon nous ne serions pas toutes les deux assises ici. Quelques minutes plus tôt, tu étais enclin à t'éclater et à faire la fête. »

Je ne dis rien. Elle poursuit :

« Tu l'aimes ? Je veux parler »

J'ouvre de grands yeux. Je me redresse d'un bond. Je proteste :

« Mais non ! De quoi tu parles ? »

« Calme toi ma chérie ! Je te demande juste si tu n'as pas de sentiments pour Sanon. »

Je baisse la tête. Je ne me suis jamais posé cette question. Sanon est un ami pour moi, mon meilleur ami. Je me demande si je ne suis pas venu à vouloir beaucoup plus de cette relation. Lunise me dit :

« Tu veux que je te dises. Sanon n'est peut-être pas le beau gosse que j'aurais espéré pour toi, mais si tu as des sentiments pour lui, tu devrais t'imposer beaucoup plus. »

« Tu penses que je devrais faire ça ? »

« Bien sûr que oui ! Et maintenant ma chérie ! »

Je réfléchis un instant. Moi et Sanon, tout ça me parait assez bizarre. Au bout d'un instant, elle ajoute :

« Bon, voici mon chéri ! Je te laisse. Et. Stp, vire moi cette encombrante et prends Sanon pour toi toute seule. »

Je suis morte de honte. Je ris pourtant. Lunise se lève et va trouver son copain. Ce dernier me salue de loin. Je suis à présent toute seule...

***

Je me lève doucement de mon siège et rentre à nouveau dans la grande salle où le DJ continue à assurer le show sous des notes de Techno. Je cherche Sanon éperdument. Je me demande où cette Florentine a bien pu la mener.

L'endroit est bourré de jeunes les uns plus cinglés que les autres. L'alcool les manque, j'en suis certaine. Rien qu'à voir comment certains se sont bourrés avant de rentrer dans le club culturel. Je me dirige près de l'endroit où je l'avais trouvé la première fois. Sanon n'est plus ici. Je me lance dans la foule là où les jeunes s'entassent le plus. Un garçon essaie de m'attraper par le bras, je repousse l'imbécile gentiment. Je continue ma route.

Cette fois je rencontre deux membres de la sécurité en train de ballotter une jeune fille en tenue légère. L'espace de quelques secondes, je deviens pensive. Cette jeunesse est foutue.

J'avance toujours. Je n'arrive toujours pas à retracer Sanon. J'ignore ce que je lui dirai, j'ignore ce que je ferai. Mais je sais juste que je veux être avec lui en ce moment. Je regarde à ma gauche, un couple est en train de s'embrasser doucereusement. Je souris à la vue de cette scène. Je n'oserai jamais faire pareilles choses. Je continue à fixer le couple. Je pousse un cri sans le vouloir !

Il s'agit de Sanon !

Mon cri est étouffé par le bruit de la foule. J'ai les jambes qui tremblent. Je recule d'un pas, puis de deux. La fille sourie à Sanon et lui, il en fait de même.

Il me répugne ce maigrichon !

Ses yeux croisent les miens. Sanon semble étonné de me voir, là, en face de lui et de sa copine. Je tourne les talons et m'en vais rapidement.

« Althéa ! »

Je l'entends m'appeler. Je ne m'arrête pas, je bifurque, histoire qu'il ne puisse me rattraper. Je marche un peu plus vite et je me cogne contre un jeune homme, ce dernier m'injure.

« Althéa ! »

J'ai envie de me retourner et de frapper Sanon en plein visage. Je le déteste, je me déteste. Je quitte le centre culturel et je m'engouffre dans la rue. Le soleil est encore à son diapason. Je dois m'éloigner le plus vite de cet endroit. Je dois m'éloigner de Sanon...

***

Vendredi, dix-huit heures et vingt-deux minutes

Mon portable n'arrête pas de sonner. Sanon m'appelle depuis mon retour de la maison. Je ne veux pas répondre. Je ne veux pas entendre ce qu'il a à me dire. J'ai été bien idiote d'avoir envisagé l'espace d'un instant une quelconque relation sentimentale avec ce dernier.

Je jette un coup d'œil au téléphone, Jusqu'à quand va-t-il cesser de fatiguer mon portable ? Je me lève et pars me tenir devant le miroir. J'ai les yeux rougis par les larmes que j'ai versées en rentrant.

Tout ça pour un crétin. Il est comme Christian au final !

Je prends le téléphone et le décroche. Au téléphone, sa voix est étrange.

« Allô, Althéa ? Tu vas bien ? Je t'ai appelé tout l'après-midi durant. »

« J'étais occupée. Tu me voulais quoi ? »

Je sens son hésitation au téléphone. Je n'ai pas envie de parler avec lui, mais quelque chose m'empêche de raccrocher, je dois à tout prix me défouler sur lui.

« Tu es partie en toute hâte cet après-midi. Je voulais savoir si tu allais bien. »

« Je ne voulais pas te déranger, toi et ta copine... »

Sanon balbutie :

« Non, non... Tu... Tu te trompes. Florentine n'est pas ma copine ! »

Je suis morte de honte, j'ai l'impression que je suis en train de m'abaisser à un triste niveau.

« Tout cela ne me regarde pas en fait ! Tu voulais savoir si je vais bien ? Oui, je vais très bien, merci ! Tu as autres choses à me demander sinon ? »

« Ecoute... »

« Au revoir Sanon ! »

Je raccroche avec irritation et jette le téléphone sous le lit. Je me lève et pars m'enfermer sous la douche. Plus jamais je n'adresserai la parole à Sanon !

Sanon IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant