Musiques et Sentiments

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Dimanche, Dix-sept heures et cinq minutes

Les musiciens engagent la scène un à un. Ils sont élégamment vêtus. Je surveille la rentrée d'Althéa. Je ne suis pas le seul apparemment. Non loin de moi, la maman d'Althéa et à ses côtés une fille que je ne connais pas encore, attendent elles aussi impatiemment la rentrée de la jeune femme.

Lorsqu'elle engage la scène, je ne puis m'empêcher de sourire bêtement. Althéa est sublime. Sa robe noire lui sied à merveille. Je ne sais pas ce qui se passe en ce moment dans sa tête mais quant à moi je suis déjà sous le charme rien qu'à la voir ici, sous cette large scène

Elle est la plus belle de toutes...

Le premier morceau est un Tchaïkovski en D mineur. C'est du moins ce que j'ai vu dans le programme imprimé que j'ai entre les mains. L'orchestre exécute le morceau pendant dix minutes. C'est une pure merveille. Les applaudissements ne tardent pas à venir. Althéa jette un regard vers ma direction, puis me sourit. J'en fais autant.

La plupart des musiciens s'éclipse pour ne laisser sur la scène qu'un pianiste, quatre violonistes et un violoncelliste. Je jette un regard vers mon programme, ce morceau est d'Ernest Chausson. Althéa fait partie des violonistes. Ce morceau est interprété en presque quinze minutes. Je n'ai d'yeux que pour Althéa. Elle est maîtresse de chacun de ses mouvements. Je me demande pourquoi s'inquiétait-t-elle autant. Althéa aime ce qu'elle fait. Ça se voit sous son visage.

Althéa rayonne...

Une pause de cinq minutes s'ensuit après ce long morceau. Les gens profitent pour bavarder entre eux. Je prends mon téléphone et pars changer mon statut de Whatsapp : Concert de violon. Et je poste une photo que j'ai prise de la scène illuminée, composée de nombreux musiciens. Je sais, il m'arrive de faire ces genres de choses moi aussi.

Les prestations s'ensuivent. Des morceaux de Drake Adam, de Schmidt Julius sont interprétés. Le public est réceptif, le public est heureux et applaudit à chaque fois.

Il est presque dix-huit heures trente. Je n'ai pas vu le temps passer aussi vite. Althéa regagne la scène qu'elle avait quittée quelques minutes plus tôt pour laisser place à la précédente prestation. Elle est accompagnée du monsieur qui l'appelait à vive voix cet après-midi avant le début de tout cela. Je suppose que c'est lui son professeur. Ils s'asseyent après avoir salué majestueusement l'assistance, puis commencent à jouer The mirror for two violins de Mozart.

Les notes de cette musique m'imprègnent particulièrement. La partition est parfaitement exécutée. Althéa se hisse à la hauteur de son accompagnateur. Celui-ci semble lui aussi sous le charme de la jeune femme. Il lui sourit tout en enchaînant avec elle les douces notes de la composition. Je me perds pendant un instant sur la personne d'Althéa. Je me laisse aller dans la contemplation de son visage, sa bouche, ses yeux, son nez... Je me perds dans les cheveux de la jeune fille. J'avais oublié à quel point elle pouvait me faire autant d'effet, j'avais oublié à quel point j'étais fou amoureux d'elle.

La musique continue, je ne m'arrête non plus dans ma contemplation. Althéa est celle que j'aime. Mais, pourrai-je un jour l'avoir pour moi seul ? Je sais que je ferais tout pour ne pas la faire souffrir et être à hauteur de ses espérances, mais j'ai des doutes. Voudra-t-elle de moi, je veux dire tel que je suis ?

Quand le morceau se termine, la salle entière se met debout pour applaudir les deux exécutants. Althéa et son tuteur saluent une nouvelle fois le public et se retirent. Les rideaux se ferment, le concert vient de prendre fin.

***

Mardi, Quatorze heures et quinze minutes

Après le concert du dimanche dernier, j'ai accompagné Althéa, sa mère et son amie Lunise à un fast-food non loin de chez nous. Althéa m'a paru heureuse. Sa maman l'a comblé de bisous pour lui montrer à quel point elle était fière de sa fille unique. J'ai adoré la scène, c'était touchant.

Elle m'a ensuite remercié devant les autres, me disant que sans mes conseils et mes motivations, elle aurait tout laissé tomber. Bien sûr, j'ai joué la modestie en disant que tout ça n'est rien puisqu'on est amis, mais au fond, j'ai été content d'entendre ces paroles, venant d'elle surtout.

A présent, je suis dans la bibliothèque de mon école en compagnie de Florentine. Elle m'a apporté un coca, j'ai sévèrement refusé. Je crois que ça l'a un peu fait mal, vu le ton rembruni qu'elle a arboré après cela.

« Alors, quel est ton niveau en dissertation ? »

Je chuchote, pour ne pas briser l'atmosphère de la grande salle. Des élèves commencent déjà à l'occuper en grand nombre.

« Je suis quasiment toujours hors du sujet... »

Je ris sans le vouloir. Puis, demande :

« Tu ne fais pas des fautes d'orthographe à tout bout de champ ? »

Elle secoue la tête négativement, puis me répond :

« Non ! J'ai juste des problèmes dans l'arrangement de mes idées. Je n'arrive jamais à bien traiter mes sujets. A chaque fois, je laisse le sujet de côté et je déblatère des stupidités. »

Je reste silencieux pendant quelques secondes, puis je lui dis :

« Je pourrai t'aider, mais va falloir que tu sois très réceptive. »

« Je peux faire ça.»

« Le premier travail que tu vas faire, c'est apprendre à maîtriser certains concepts clés afin de mieux rédiger tes choses... »

A mesure que je fais mon exposé, je me rends compte qu'avant cet incident, entre Florentine et moi, il n'y a jamais eu de discussions. Nous sommes des étrangers l'un pour l'autre.

Florentine n'arrête pas de secouer la tête pour me montrer qu'elle comprend parfaitement les informations que je lui présente. Nous passons plus de quarante-cinq à discuter de dissertation, puis je lui annonce que je vais devoir partir. Ma faiseuse de chantage ne semble pas s'y opposer...

Je ramasse mes effets, et je lui dis un simple au-revoir. Subitement, elle se lève, me barre la route, et bredouille :

« Sanon... Écoute... Je pense qu'entre toi et moi, les choses ont mal commencé. Je ne suis pas aussi mauvaise que tu le crois. Je veux te le prouver. »

« D'accord. »

Florentine continue à me barrer la route. Elle semble avoir quelque chose à me dire. Je l'invite à continuer :

« J'ai deux billets pour la Cultur'act ce vendredi après-midi. Accompagne-moi, stp... »

Je suis particulièrement étonné par sa proposition. Je réfléchis un instant, puis je lui réponds :

« D'accord Florentine. A quelle heure ça commence ?

Sanon IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant