Panique

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Jeudi, huit heures et vingt-huit minutes

Victor veut se porter candidat pour être le président de la Terminale. Victor gagnera cette élection. Je suis foutu. Mon année scolaire est hypothéquée !

Tout à l'heure, Victor a fait un très grand impact en faisant son discours devant les classes de Terminale. J'ai de la pitié pour les autres candidats. En plus qu'il est très populaire, Victor a présenté un discours cohérent, sans broncher même une fois. Ce mec me fout la boule.

Tout ça m'inquiète grandement. Victor veut instaurer des matches de football interclasse tous les vendredis. S'il y parvient – Et il y parviendra– notre book club sera définitivement enterré, puisque la direction ne laissera jamais deux activités se faire simultanément, Victor est en position de force. Les élections sont pour demain après-midi...

Je me tourne vers Fénelon. Le mec semble avoir été percuté par un camion, tellement son visage est terrassé par la panique. Lui aussi a compris que ce book club ne pourrait survivre face à cette menace imminente. Les « Lépreux » sont vraiment dans de la merde !

Je jette un regard sur Victor. Il se la coule douce. Il garantit déjà aux autres qu'il leurs offriront leurs meilleurs bal de fin d'année. Franchement, tout ça m'énerve. Comment ne peuvent-ils remarquer que le mec est en train de tous les embobiner ?

« Je ne comprends toujours pas pourquoi les autres promotions de terminale n'ont jamais pu mettre sur pied des activités récréatives génératrices de revenus. C'étaient des bornés ceux-là. Je vous le dis, nous allons inverser la tendance. Nous aurons au moins un programme par trimestre. Je vous le garantis ! »

J'ai envie de l'étrangler, de le poignarder, de le noyer, de... Le mec m'énerve trop. Près de lui, Katia sourit bêtement. Elle est assurément déjà sous le charme du candidat.

Le prof de Physique nous explique que le programme de Terminale sera long et compliqué. Je me fous de lui. Il n'a qu'à faire ce pour quoi on le paye ce chauve ! Je jette un dernier regard à Fénelon et lui chuchote qu'on doit avoir une réunion au plus vite. Il hoche de la tête subtilement.

***

Jeudi, Midi et vingt minutes.

Fénelon est assis à mes côtés dans la salle de cafeteria. Je plains le mec. Il n'a pas touché à son assiette. Au bout d'un instant, il murmure :

« On aura fait tout ça pour rien. »

Je ne vais surement pas laisser cet idiot de Victor me gâcher l'appétit. J'ai déjà eu à contrecarrer des imbéciles qui se croyaient tout permis auparavant (Christian). Je bois une gorgée d'eau. Puis lui répond sous le même ton que lui :

« Cet établissement ira toujours dans le sens de ce qui est rentable. Un championnat de football rapporte. Tandis qu'un club de lecture est juste... un club de lecture. »

Fénelon me donne raison. Puis dit :

« Ils nous ont quasiment humilié l'an dernier... ils nous ont pris pour des fous. J'ai mal à la tête Sanon. »

« Il faut qu'on fasse quelque chose ! »

Fénelon relève la tête et me regarde étrangement. Il rétorque :

« Comment ? En nous alliant avec un autre candidat ? Tu ne comprends nullement la situation vieux frère, nous sommes les lépreux ! Qu'avons-nous à les offrir ? »

Je passe une main dans mes cheveux, puis dit :

« C'est donc vraiment fini pour notre petit groupe ? »

Fénelon goute pour la première fois sa nourriture, puis dépose instantanément la fourchette. Il me dit :

« Les règles sont strictes, les activités de groupe commencent à partir du mois d'octobre et la direction est la seule à donner les licences de fonctionnement. Et tu le sais bien, une même classe ne peut entreprendre deux activités différentes. Donc oui, si Victor devient président, notre book club est mort et enterré ! »

Je ne dis rien. Je finis de manger, puis, Fénelon et moi nous nous séparons.

Sanon IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant