Jeudi, Seize heures et cinquante bonne minutes
« Mlle Althéa, vous devez mieux tenir votre violon ! »
La voix de mon professeur de musique retentit comme une cymbale dans la grande salle de répétition. Je sursaute et arrête de jouer pendant quelques secondes. Le Monsieur, quinquagénaire expérimenté dans les domaines d'art et de musique donne sans arrêt les consignes pour la partition que nous sommes en train d'exécuter. Remarquant mon manque de concentration, il ordonne aux autres de s'arrêter et s'avance vers moi.
« Mlle Althéa, le concert est dans exactement onze jours, ce n'est pas le moment de perdre votre concentration ! Allez, on recommence ! Trois, quatre ! »
J'ai les mains toutes moites. Je ne me sens pas trop bien. Je ne suis pas du tout motivée en ce moment. Dire qu'un mois plus tôt j'étais toute excitée à l'idée de jouer ce récital. Là je me perds, comme une débutante, j'enchaine les mauvaises notes.
« Mlle Althéa, c'était un Mi, pas un La. Bon sang ! Qu'est-ce qui vous arrive ?
Ça y est, je viens d'énerver mon professeur. Il me regarde froidement. Je m'excuse discrètement et tente de rejoindre les autres dans l'exécution du morceau. C'est encore un fiasco.
« Mlle Althéa, déposez votre violon, et écoutez les autres jouer, de grâce ! »
J'ai honte. Je m'installe sous un tabouret et je laisse mon esprit divaguer.
J'ignore ce que je dois faire. Je perds confiance en mes capacités et ça m'inquiète. Je ne sais pas ce que j'aime, je ne sais plus ce que je suis sensée aimer. Le violon a été depuis une année mon bien le plus précieux et voilà qu'aujourd'hui je me demande si c'est ce que j'aime vraiment.
« Voilà comment vous êtes supposée jouer Mlle Althéa. Ce n'est pas une bataille que vous êtes en train de mener avec votre violon, vous devez la caresser, la rassurer... »
La voix du professeur me tape sérieusement sur les nerfs. J'hoche de la tête pour lui faire comprendre que j'ai parfaitement saisi la leçon. Je lui demande de m'accorder une pause. Il accepte à contrecœur. Je pars m'enfermer dans la toilette pour femmes.
Et là, je vide mon esprit. Je pleure comme je ne l'ai jamais fait avant. Je laisse glisser mes peurs et mes craintes le long de mes joues. Je reste ainsi pendant plus d'une quinzaine de minutes.
***
Jeudi, vingt heures et deux minutes
« J'arrête le violon, Sanon... »
Je me suis une nouvelle fois enfermée dans ma chambre. J'ai fait ça toute la semaine durant. Je n'ai pas touché mes livres, mes devoirs ne sont toujours pas rédigés. Je n'ai pas la tête à toutes ces corvées.
« Pourquoi veux-tu faire pareille chose ? »
Je soupire, je ne sais quoi lui répondre.
« Je crains de ne pas être à la hauteur, je perds mes moyens, je suis maladroite. Je ne peux plus jouer au violon... »
Je n'ai toujours pas défait mon sac. J'entreprends de sortir mes cahiers un à un, puis je reviens à mon téléphone.
« C'est la pire chose que tu ferais, Théa. Tu traverses une zone de turbulence. Si tu égares tous tes repères, tu ne sauras te retrouver après cela. »
Ce garçon m'épate certaines fois. Je me demande si je suis en train de parler à ce même Sanon freluquet qui, quelques mois plus tôt, frappait pour la première fois à ma porte. En guise de réponse, je lui pose une question :
« Que me conseillerais-tu dans ce cas ? »
Mon regard se porte vers mon cahier de biologie. Je frémis sans le vouloir. Je déteste tellement cette matière ! Je me laisse aller sur le lit. Au même instant, Sanon me répond :
« Je ne suis pas un pro des conseils, mais, je te conseillerais de ne pas abandonner ce qui te passionne, uniquement parce que tu as des doutes. Tu es douée pour cet instrument, Althéa, sincèrement... »
Je souris. Sanon a toujours été là pour moi depuis un certain temps. Je ne souhaite nullement le décevoir. Je ferai de mon mieux pour être à la hauteur de son amitié.
Je le remercie puis prends congé de lui. Je me lève du lit et me dirige vers la cuisine. Encore une fois, je vais affronter le regard interloqué de maman.
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Sanon III
Teen FictionSa question m'invite à me questionner. Suis-je malade ? Je suis anxieuse, Je m'énerve pour un rien, rien ne m'intéresse, et je n'ai plus l'envie de sourire. Mon cœur palpite. Mes mains tremblent tout en répondant au message de mon ami : « Ça t'e...