Chapitre 11

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Aujourd'hui, j'ai musique, français, mathématiques, anglais, et l'après-midi gymnastique.


J'allai à mon premier cours de la journée : Musique. En temps normal, j'aime la musique, mais sûrement pas avec elle.


Et, aujourd'hui était un jour particulier. On est le vingt janvier, la première épreuve pour le Championnat arrive à grands pas. Il faut que je passe les qualifications – dans deux semaines, parce que ça a été plus long que prévu – et la finale. Mais, ce n'est pas ça le plus important. C'est l'anniversaire de maman. Elle aurait eu quarante-cinq ans.


J'entrai dans la salle. Je me retenais vraiment de pleurer, mais la date n'arrêtait pas de me hanter. En plus, on dû chanter une musique tellement triste : « Cry – Rihanna ».

Quand c'était mon tour, j'avais une boule au ventre, ma tête me faisait atrocement souffrir, et les échos de mon souffle dans le micro ne me rassurait pas. On aurait dit les tuyaux que ma mère avait dans le nez le jour de son décès. Madame Bertrand commença à jouer au piano. Je respirai un grand coup, mais aucun son ne sortit de ma bouche.

Elle recommença à jouer l'introduction, mais je ne voulais pas – je ne pouvais pas – chanter.

« Qu'est-ce qui se passe ? Tu as le trac ? Tu chantes bien, et juste,alors chante !

Je n'avais pas envie de pleurer devant tout le monde, mais, pourtant, ma souffrance fût plus forte.

-Pleurer c'est pour les faibles, Noémie, souffla-t-elle.

Je vociférai en relevant mes yeux rouges vers elle :

-Pleurer, c'est pour les mauviettes ? J'aimerais vous y voir à mon âge,vous ! Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de ma mère ! Mais il y a un hic : je ne peux plus lui souhaiter ! Elle est morte quand j'avais trois ans !

D'habitude, je ne dis jamais ça à personne, mais là, je n'en pouvais tout simplement plus.

-J'ai aussi perdu ma maman, ce n'est pas pour ça que je...

-Vous l'avez perdu à mon âge ? Je ne pense pas. Moi, elle n'a même pas pu m'apprendre les choses de la vie. Alors, avant de savoir ce que les autres endurent, remettez-vous en question. Et je supporte tellement de choses en ce moment, et depuis toute petite, qu'au bout d'un moment, il faut que ça sorte. Je suis toujours sous stress, en ce moment.

Elle ne répondit rien, choquée, mais je continuai :

-Vous avez vu votre mère avec des tuyaux vous, à l'âge de trois ans ?Je ne la laissai pas répondre. Votre mère qui a préféré mourir pour laisser sa fille en vie ? Qui s'est battu pour son rêve,qui n'a pas pleuré une seule fois. Et qui a été débranché après avoir fait ses adieux ? Comme si elle avait envie de partir,parce qu'elle n'en pouvait plus. Et des détails que je passe, parce que ça ne vous regarde nullement. Non, je ne pense pas, madame que vous avez vécu tout ce que j'ai vécu, et ce que je vis en ce moment. Alors, s'il vous plaît, ne prenez pas votre cas pour une généralité. »

Énervée au plus au point et tellement éplorée, je pris mon sac sur mon dos, et posai le micro sur ma chaise.


Je me posai sur un banc, dans la cour. Je mis ma tête dans mes mains,et pleurai à m'en fendre l'âme, les larmes chaudes.


Je décidai de sécher tous les cours de la journée, et de n'y retourner que pour la gymnastique. Je me promenai alors dans la vieille ville de Paris, sous les yeux des passants ébahis – une jeune fille de quinze ans, en pleine matinée, qui n'a pas cours,avec les yeux rouges et brillants.

La Gymnastique, une passion. Tome 2.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant