Chapitre 4

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Chez moi, c'était en fait chez mon maitre, juste une auberge miteuse, en périphérie ouest de la ville. Vieille baraque grinçante tout en bois au bord du marais, c'était un petit établissement abandonné par son propriétaire, un gouffre à fric mal situé destiné à la ruine. Un jour, l'aubergiste n'était plus revenu. Le cuisinier avait décidé d'assurer les repas quand ça lui chanterait, mais vint de moins en moins. La bonne finit par disparaitre elle aussi. Le bâtiment était composé de deux parties, la taverne au rez-de-chaussée dont Logan se servait comme d'une pièce à vivre, et les chambres de l'auberge au premier avec des escaliers donnant directement sur l'extérieur. La cour derrière avait vue sur les marécages. Ancienne terrasse, c'était un endroit tranquille où je passais l'essentiel de mon temps libre.

Aujourd'hui, j'entendais le bâtiment tout entier se plaindre des ébats de mon maitre. Je n'y prenais pas garde. Je m'occupai de mes corvées habituelles, faire les comptes et mettre de l'ordre avec un soin maniaque pour éviter tout commentaire désagréable. Puis je montai dans ma chambre me laver et ôter toute la poussière et le sang que j'avais accumulé depuis le début de la journée. Je passai une nouvelle tunique pendant que la première séchait. Je n'en possédais que deux, identiques. Je les alternais depuis des années. Le motif vaguement fleuri et leur teinte sombre plus proche du vert que du noir avaient passé avec le temps, mais c'était un tissu solide.

Propre, je quittais ma chambre et me rendit dans la cour dernière l'auberge. Là, je dégainais mon épée. C'était une vieille arme rouillée récupérée par Logan sur un cadavre pour que j'aie de quoi me défendre. Il l'avait appelée Tétanos, je ne savais pas trop pourquoi, mais le nom lui était resté...

Je me faisais souvent agresser, et Logan détestait me voir rentrer en sang. Alors je m'entrainais. Un jour, il y avait de ça quatre ans, il m'avait appris quelques mouvements. Depuis, je les avais répétés assez de fois pour pouvoir les exécuter sans même y penser. Je n'étais pas vraiment douée pour ça, mais le pouvoir dissuasif de l'arme m'était déjà d'un grand soutien.

En règle général, Logan émergeait au milieu d'après-midi. Il quittait sa chambre et s'attendait à ce que son repas soit prêt. Alors quand l'auberge cessa de grincer, je me rendis en cuisine pour préparer son déjeuner et manger un peu aussi. De la viande séchée et du gruau, comme toujours. Je rajoutai quelques pommes de terre et des champignons. Logan et moi mangions rarement de légumes, ou alors noyés dans une sauce forte, et jamais de fruits. L'un comme l'autre, nous détestions cela. Les repas n'étaient un plaisir pour personne.

— Macaque ! Appela Logan depuis la grande salle.

Ce n'était pas bon signe, Logan avait l'air de mauvaise humeur. Je lui apportais des couverts et un verre d'hydromel, puis m'éclipsai.

Je rentrai dans sa chambre de mauvaise grâce. Une odeur moite de sueur et d'hormones empuantissait l'air et me soulevait l'estomac. Je repoussai les rideaux qui bridaient la lumière et ouvris grand les fenêtres pour aérer.

— Knight ? Appela une voix ensommeillée dans le lit.

— Je ne suis pas Logan Knight, répondis-je d'un ton neutre. Et je vais vous demander de partir pour que je puisse faire le ménage.

C'était la seule excuse plausible que j'avais trouvée. Il en fallait bien une.

Deux femmes émergèrent des draps. Deux grandes brunes aux formes généreuses, comme d'habitude. Au premier coup d'œil, bien qu'elles ne portent pas leurs habituels tabliers de serveuses, je reconnus Somya et Maryse, les filles de l'aubergiste de la place Nord.

Je me plantai devant elles.

— Je vais vous demander de partir maintenant, insistai-je d'une voix neutre.

ServiteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant