Chapitre 13

32 6 2
                                    


Mes repérages faits, je retournai frapper à la porte de la fille aux yeux d'or. Au bruit, j'entendis que je tombais en plein ébat. Je m'en fichais. J'attendis, et comme on mit du temps à me répondre, j'insistai. C'est la fille aux yeux d'or qui vint m'ouvrir en me foudroyant du regard.

— Il a du travail, m'excusai-je.

— Oh... Si monsieur doit sauver le monde, alors je ne vois pas où est le problème...

Logan arriva quelques instants plus tard, entièrement nu. Soit il me claquait la porte au nez, soit j'obtenais la victoire la plus douce de toute ma vie.

— Des bandits à chasser, dis-je. J'ai un marché à te proposer.

— Je suis tout ouïe. Mais sache un truc, maquereau. Si tu m'as dérangé pour rien, je te le ferais payer. Cher.

J'avais parfaitement compris. C'était quitte ou double. Je sortis mon atout et le lui présentai. Il s'agissait de la pomme, prise chez Alistair ce matin. J'avais choisi le plus beau fruit, rouge et or, celui qui à mes yeux représentait le plus le soleil. Elle irradiait, tellement elle était belle. Pourtant Logan la regarda sans s'en émouvoir.

Il tendit la main et je la mis hors de sa portée.

— C'est une vraie, c'est ça ? Pas une peinte avec un vernis pour faire beau.

— C'est une vraie. Une de ces... gorgées de soleil.

Il pesa le pour ou le contre. Chaque seconde qui passait, je sentais sa colère s'évanouir.

— Donne, dit-il.

— Après.

— Maintenant, insista-t-il.

Je le connaissais trop bien pour me faire avoir. Et là, j'avais besoin de lui.

— C'est sans appel.

Je lui tournais le dos pour m'en aller.

— Où ? demanda-t-il.

Je jubilai, heureuse d'avoir gagné.

— À la sortie de la ville, porte ouest. Il est important que tu ne détruises pas la baraque, parce que c'est là que tu vivras.

— Tu plaisantes ?

— Pas le moins du monde.

— Tu ne me feras pas crécher dans un taudis à bandits.

— Fais-moi confiance.

— Ok, j'y vais.

Il me referma la porte au nez. Il avait dit qu'il irait, je n'avais pas besoin de plus. Je me dépêchai de redescendre de cet appartement que je détestais de plus en plus. J'entendis Logan passer par la fenêtre au moment où je traversais la rue. Je me retournais pour l'attendre.

— Elle est furieuse, rit-il en venant vers moi. Tu es contente, j'imagine.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

— Une impression.

Nous courûmes vers la porte ouest de la ville. Nous dépassâmes l'enceinte de Mératorine constituée du dernier cercle des maisons, puis nous continuâmes à peine quelques minutes. L'ancienne ferme était tout près de la ville, proche de la route, parfaite pour que Logan et moi puissions être un minimum en paix.

— Ils sont combien ? me demanda-t-il avançant vers la porte.

— Nombreux, répondis-je. Et armés.

— Pas trop de dégâts, alors.

— S'il te plait.

— Tu sais...

Je le vis se raviser et me sourire.

— On n'en reparlera quand tu m'auras payé.

Je le regardai entrer, tentée de le suivre. J'avais envie de le voir se battre... Je crois que je n'aimais rien tant au monde que regarder Logan au combat. Je restais néanmoins cachée, s'il y avait une chose qu'il ne fallait jamais faire, c'était gêner Logan.

Je surveillai la façade. Je n'entendis pas un bruit. Inquiète, je me rapprochai un peu, mais rien. Pas un souffle. À un moment, je perçus des bruits de pas précipités, mais cela ne dura pas. J'hésitai. Devais-je entrer pour voir ce qui se passait ?

À défaut, je me penchai par une fenêtre en espérant l'apercevoir. Et je ne fus pas déçue. Jamais je n'avais vu Logan se battre de cette manière. Embusqué derrière un vieux meuble, il en sortit presque sur la pointe des pieds pour se retrouver derrière un des bandits et l'assassiner sans le moindre bruit. Pas de murs qui explosent, pas de jurons et de crachats de bandits, pas de spectacle, pourtant une fois encore, Logan était redoutable. Je retournai à couvert, médusée. Pourquoi s'y prenait-il de cette manière ? La majeure partie des bandits ne devait pas être là, sinon il aurait déjà dû y avoir des cris, une alerte, des bruits de bataille... Je n'arrivais pas à comprendre.

Logan ressortit à peine quelques minutes plus tard, l'épée au fourreau, détendu comme s'il venait juste de visiter une maison vide. Il me sourit et me tendit la main.

— Ma récompense.

— Il ne reste plus personne là-dedans ? demandai-je suspicieuse.

— Tu ne me fais pas confiance ?

— Ils n'étaient pas là ?

— Ils étaient là. Dix-sept têtes.

Ébahie, je lui tendis la pomme.

— J'adore quand tu fais cette tête, sourit-il. Ça veut dire que j'arrive encore à te surprendre. Ton sorcier peut se rhabiller.

— Tu es extraordinaire, Logan. Personne ne t'arrive à la cheville. Tu sais très bien que je le sais.

— Tâche de t'en souvenir. Maintenant, j'espère pour toi que tu ne comptes pas me faire vivre dans ce taudis.

— À ton tour de me faire confiance, assurai-je. Je ne te décevrai pas.

— Ça marche.

Il mordit dans la pomme. Je frissonnai rien qu'à le voir fermer les yeux pour savourer. Alors il leva la main et la jeta dans les marais alentour. J'en restai sans voix.

— Deux choses, dit-il en se délectant de ma surprise. Si tu m'avais dit tout de suite que c'était pour nous, cette maison, tu n'aurais pas eu besoin de m'acheter.

J'acquiesçai, pas tout à fait convaincue.

— Deuxième. Je te fais confiance, parce que tu ne m'as jamais déçue.

Il me tapa sur l'épaule et repartit. Moi, je jubilais tellement que c'était comme si j'étais habitée par le gout de mille de ces fruits gorgés de soleil. Il avait jeté la pomme, certes, c'était de la provocation. Mais rien ne valait ces quelques mots. Aujourd'hui, Logan Knight s'était battu juste pour moi et avait fait de son mieux pour me surprendre. Mon héros m'avait fait un honneur tel qu'aucun mot ne pouvait le décrire. 

ServiteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant