Chapitre 25

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La première chose que je fis après le départ d'Alistair, c'est courir vers la porte du cabanon pour voir ce qu'il y avait à l'intérieur. Comme je m'y étais attendue, ce n'était plus un passage vers le monde réel. Il n'y avait là que quelques outils qui devaient servir à l'entretien de ce havre. De rage, je claquai la porte. Non, en fait ce n'était pas de la rage. Mon cœur battait dans ma gorge et dans mes tempes, trop vite, trop fort. J'avais peur.

Désœuvrée, je tournai en rond, me doutant que rien n'était possible dans un tel espace sans que le sorcier tutélaire ne l'ait décidé, et de toute évidence, Alistair ne voulait pas que je sorte... Il ne me restait qu'à attendre son retour. Que faire, préparer un piège ? Avec quoi ? Et surtout comment ? Tout ce que je savais faire, c'était appeler à l'aide, et j'étais seule, ici. Personne ne m'entendrait crier.

Le temps passait. Je finis par me rendre compte qu'il faisait éternellement jour. Des nuages cachaient le soleil qui restait immobile au loin, proche de l'horizon. Les rayons malsains du soleil me brulaient la peau, tant et si bien qu'au bout d'un moment je ne fus plus capable de rester hors de l'ombre de la tonnelle. Bientôt ça ne fut plus suffisant, je me sentais traquée, acculée, perdue. La même pensée me tournait en boucle dans la tête. À quoi ressemblerait ma ville quand enfin je pourrais sortir ? Est-ce que les gens allaient laisser leurs maisons bruler sans rien faire ? Je ne pouvais y croire.

Plus le temps passait, plus l'agressivité des odeurs et des couleurs me faisait mal. Je perdais la vue et l'odorat, ma peau me brulait, je me demandais comment Alistair avait pu me laisser dans un enfer pareil. Comment pouvait-il aimer cet endroit ?

Cachée sous la table, recroquevillée sur moi-même, dévorée par l'angoisse je restai longtemps les mains sur le nez et les yeux mi-clos pour ne pas être contaminée par toute cette agressivité, mais je ne put rester dans cette position longtemps. Il fallait que je fasse quelque chose, n'importe quoi. Rester prostrée alors que ma ville allait bruler, ça ne me ressemblait pas...

C'est en cessant de me protéger de tout que je finis par découvrir que tout n'était pas si horrible et désagréable, au contraire. L'odeur du vent, par exemple, quand elle chassait celle des fleurs était agréable, différente de celle du marais, plus fraiche, apaisante. Et si les teintes bigarrées du jardin me provoquaient des sueurs froides, le lointain château attirait sans cesse mon regard. Planté sur une colline verdoyante, ses hautes tours blanches s'harmonisant avec le ciel qui oscillait entre le bleu profond et le mauve. Les ombres soulignaient une architecture complexe et ambitieuse et ses hautes tours dépassaient les lois de la gravité. Rien ne pouvait être assez solide pour soutenir une structure aussi massive. Dans le vrai monde, le sol se serait effondré par en dessous, le terrain aurait glissé, tout aurait été détruit... Ça ne pouvait donc pas être réel. Ce ne l'était sans doute pas, d'ailleurs...

Par petites touches me revenaient des moments agréables de cette semaine catastrophique. Un homme était apparu dans ma vie, un homme qui avait beaucoup à offrir, qui m'avait déjà offert beaucoup. Un homme qui m'avait plu, avec qui j'avais partagé des moments intimes et tendres, qui m'avait initié à tout un tas de choses, dont à l'amour. Était-ce assez pour lui pardonner ce qu'il était en train de faire ?

Non. Au contraire. Pour ça, je devais le haïr.

Je dus m'endormir. Le temps passait, s'étirait en longueur, tant et tellement que bientôt, je n'eus plus rien à ruminer. Le temps avait beau passer, la boule d'angoisse qui était nichée dans ma poitrine ne cessait de grandir. Je voulais voir de mes yeux ce qu'il se passait dehors. J'en avais une petite idée. Le feu devait avoir pris. Logan devait être à la maison en train de vider les bouteilles, peut-être avait-il de la compagnie. Du haut d'un pupitre magistral, Alistair devait orchestrer la fin du monde. Il était prêt à mourir pour cela. Ce n'était qu'un sale égoïste... Mais je ne lui avais rien dit. Si je lui avais dit que je ne voulais pas qu'il meure, aurait-il pris plus de précautions avec sa vie ? Aurait-il renoncé ? Mon cœur se serra. Je voulais voir... Je voulais savoir ! Je refusais qu'Alistair meure, que Logan se soule si je n'étais pas là pour voir ça.

Au moment où je crus devenir folle d'inquiétude, j'entendis du bruit. 

ServiteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant