Chapitre 15

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La suite de mon plan pouvait passer par une propagande plus ciblée. Si cette ville avait quelque chose de spécial, c'était bien son gouvernement. À Coralina, il y avait un roi, un homme qui avait été assez sage pour avoir sa milice, pour protéger sa ville des intrusions et en gérer la pérennité. Ce roi acceptait des doléances tous les matins, il était possible de le rencontrer. Je ne pouvais m'empêcher d'espérer que si je le rencontrais, je pourrais peut-être agir plus efficacement. Sauf que je n'étais pas à l'aise avec les puissants. Je savais que le moindre faux pas pouvait m'attirer des ennuis... Ma victoire en poche, je marchai jusqu'aux portes de son palais souterrain et regardai les gens entrer avec envie, me demandant si j'oserais. Mes moyens étant rarement légaux, rarement honnêtes droits et justes, j'hésitai, puis finalement, renonçai. Un roi était forcément assujetti aux sorciers. J'allais m'attirer des ennuis d'une tout autre ampleur.

Au moment où je me retournai pour m'en aller, deux mains se posèrent sur mes épaules et me poussèrent en avant, m'obligeant à m'arrêter juste devant les gardes. Et quand je me retournai, il n'y avait plus personne. Alors devant les soldats perplexes, je demandai une audience. Quand on me demanda à quel sujet, je répondis qu'il s'agissait d'avertir Sa Majesté d'une menace. Ce que je ne savais pas c'était que ce genre de sujet n'était pas abordé en public aux doléances, mais en privé avec le roi. Je fus conduite dans une salle toute simple où brulait un feu de cheminée. Je n'étais pas habillée pour parler à un roi. Je ne savais pas encore comment j'allais lui parler, ce que j'allais lui dire... Mais une chose était sure, maintenant je ne pouvais plus reculer.

La seule lumière de la pièce était cette immense cheminée où brulait un feu ronflant, et forcément, mes yeux étaient attirés par sa chaleur. C'était mal, Alistair était mon ennemi, pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher de m'approcher et de tendre ma main vers les flammes, et comme toujours, ce qui se produisait à chaque fois, une main en sortit et prit la mienne. Sans un mot, je me laissai tomber tout au bord de l'âtre pour mêler mes doigts aux siens.

— Que fais-tu, ma douce ? demanda sa voix dans ma tête.

— Tu le sauras quand tu me retrouveras.

— Je sais où tu es. Tu es dans l'antichambre du château de Coralina.

— Je vais vous empêcher d'agir.

— Ne fait rien qui te mette en danger, je t'en prie.

— Je fais très attention, assurai-je.

— Le roi de Coralina n'est pas un homme sympathique, et si ce que tu dis ne lui plait pas, ça pourrait très mal finir.

— Ne t'en fait pas pour moi. Inquiète-toi plutôt de ce que je vais te faire si je parviens à mes fins.

Cette fois, ce ne fut pas seulement une main qui sortit du feu, mais tout un bras, puis deux qui m'enlacèrent. Je basculai dans l'âtre sans ressentir la brulure du feu et des braises, juste la tendresse de l'étreinte d'Alistair.

— Si tu savais comme je t'aime, souffla-t-il.

— Je sais. Si seulement les choses étaient différentes...

— Si tu me faisais confiance...

— Tu vas détruire le monde.

— Tu te trompes.

— Tant que nous serons tous les deux convaincus d'avoir raison, nous resterons séparés. C'est comme ça. Tu as aimé l'accueil de Coralina ?

— C'est toi qui as mobilisé les gens comme ça ? Tu as fait des progrès depuis Mératorine.

— Merci.

ServiteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant