Partie 2

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          J'aurai juré avoir vu quelqu'un derrière les buissons. Je m'approche et colle mon nez sur la vitre. Ma maison est entourée de champs et il n'y a pas de voisins à moins de 500m. Le jardin n'est pas éclairé, il fait donc très sombre mais je distingue néanmoins deux points lumineux comme deux yeux, à la lisière de la forêt.

- Ah, mais il y a du sang partout ! Regarde, t'en as mis par terre !

Je bondis de la fenêtre et me tape le petit orteil sur le coin du lavabo.

- Argh ! Nathan tu pourrais prévenir. Tu m'as fait une peur bleue. Et baisse d'un ton ou tu vas inquiéter maman pour rien.

- Qu'est ce que tu regardais ?

Il s'avance à son tour près de la vitre.

- Rien, j'ai cru voir ... Enfin, ça n'a aucune importance, j'ai dû perdre un peu trop de sang.

Il me fixe de ses grands yeux bleu clair. Mon frère ressemble énormément à mon père au même âge. Moi j'ai plutôt hérité des yeux marron vert de ma mère.

- D'ailleurs tu n'es toujours pas au lit ? Allez dépêche toi.

- Pffff t'es pas drôle.

- Tu me remercieras demain au réveil.

Je lance un dernier regard dehors, la personne semble être partie. A moins que ce ne soit que mon imagination depuis le début. Le temps de nettoyer la salle de bain, la cuisine, de sortir les muffins du four et il est déjà 22h.
  Je m'allonge sur mon lit, le regard fixé sur le plafond. Qui pourrait être dans mon jardin à une heure pareille? Ma vie n'a rien de passionnant, Je dirai même qu'elle est plate. Je n'ai aucun objectif d'avenir, je suis à l'université histoire d'avoir un diplôme. J'avance sans vraiment savoir où je vais, j'attends le jour où une illumination traversera mon esprit, le jour où je trouverai enfin un but quelconque.

Mais en attendant ce jour, je dois déjà préparer mon sac pour demain. 

Quelques minutes plus tard, ma mère frappe à la porte.

- Oui ?

- J'aimerai te donner quelque chose.

Oh non pitié elle va pas recommencer.

Il y a 3 mois je suis sortie avec un garçon : Thomas. Il était en cours de sport avec moi, blond aux yeux bleus, il passait son temps sur les terrains d'handball. C'était une petite amourette, rien de plus. Mais elle se sentir obligé de me donner une boite de préservatifs accompagnée d'un sermon sur les risques que cela encourait de ne pas se protéger.

- Ma chérie, ne fait pas quelque chose que tu ne veux pas faire juste pour plaire à un garçon.

- Maman pitié je ne suis plus une gamine je sais me gérer toute seule.

- Je m'inquiète pour toi, tu ne me parles jamais de ta vie amoureuse.

- C'est peut-être justement pour éviter ce genre de conversation.

Et oui, première année de fac, 18 ans et toujours vierge. Le prince charmant ne s'est pas encore pointé. Et Thomas était loin d'en être un. Il passait son temps à me sortir de grands discours romantique, à me dire que j'étais une fille sincère, qu'il aurait aimé que plus de gens soient comme moi, bla bla bla...

Résultat des courses ; Au mois de décembre je suis partie à la montagne avec Lola seulement 3 jours. Cet hypocrite en a profité pour s'incruster dans une soirée étudiante de droit, et d'après lui, ses mains se sont retrouvées accidentellement sur la poitrine d'une blondasse alors qu'ils étaient dans le jacuzzi. Le pire c'est que tout le monde l'a su avant moi à cause d'une photo postée sur Instagram par ses potes.

- Mais je te jure que je n'ai rien fait ! La photo ne montre pas ce qui s'est réellement passé. J'ai essayé de me lever et j'ai glissé, tu sais, avec toute cette eau ? Je n'ai pas réfléchi et je me suis accroché à la première chose qui me venait sous la main.

Bien sûr.

Et la bosse qu'on voit pointer depuis son caleçon doit certainement être un accident aussi ?

De toute façon je comptais rompre, mais dans ma grande gentillesse je voulais attendre la fin de mon voyage à la montagne pour ne pas lui gâcher ses vacances de Noël. La prochaine fois je ne ferai preuve d'aucune pitié.

Donc aujourd'hui, fraîchement célibataire je n'ai pas besoin de conseils ou d'avertissements.

Elle s'approche de moi, le poing fermé.

- Prend ça, ça a appartenu à une de nos ancêtres.

Elle me tend alors une fine chaine en argent. Au bout de celle-ci pend une petite pierre orange en forme d'hexagone allongée. Une fine ligne de métal s'enroule tout autour. Ma mère me le mets autour du cou. Le bijou descend jusqu'à la naissance de ma poitrine.

- Il est magnifique.

- C'est une pierre d'Ambre jaune. Elle passe de génération en génération depuis maintenant 200 ans. C'est pour cela que ta grand-mère a insisté pour que l'on t'appelle ainsi. Elle pensait que tu étais destinée à de grandes choses. Et elle croyait dur comme fer aux pouvoirs de cette pierre. L'ambre est réputée pour chasser les démons et protéger des sortilèges.

Mamie a toujours eu un grain mais ce fut de pire en pire avec la maladie. L'Alzheimer peut être terrible. Je me rappelle encore des petites lignes de sel qu'elle laissait devant toutes les entrées. A chacun de mes anniversaires j'avais le droit aux fameux petits bijoux talisman ; bagues, bracelets ou colliers, si je ne les portais pas je pouvais être sûre qu'elle passerait sa nuit à prier pour moi.

Dans ses derniers jours elle ne cessait de répéter qu'un être malfaisant allait venir me chercher pour m'emporter dans son « Royaume » peuplé de défunts. Je n'aimais plus trop aller la voir, elle me terrifiait et je passais des jours à sursauter dès que je voyais mon ombre. Cela fait déjà trois ans qu'elle nous a quitté.

- Paix a son âme. Enfin bon ça n'a pourtant pas empêché ton père de nous quitter pour refaire sa vie. J'ai retrouvé ce collier hier en nettoyant mes vieux bijoux et je me suis dit qu'étant majeure, il était temps que tu l'aies, toi aussi.

- Merci, il est vraiment très beau, j'en prendrai soin.

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