Partie 3

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Le lendemain matin, le réveil sonne à 6:30. Je me lève les cheveux humides, collés à mon visage. Les draps sont froissés et à moitié avachis par terre, comme si j'avais lutté avec mes oreillers une bonne partie de la nuit. Je prends une douche et descends pour le petit déjeuner. L'odeur du bacon et des œufs me donnent la nausée.

Je ne comprendrai jamais comment on peut manger salé dès le matin.

- Bonjour ma chérie, bien dormi ?

- Hum

  Je ne suis jamais très bavarde lorsque mon cerveau est encore endormi. La douche n'a pas suffi à me réveiller complètement. C'est comme si j'avais très peu dormi alors que je suis tombée direct.

- Tu as parlé hier soir.

  Ah. Ca explique peut-être pourquoi je suis si fatiguée.

- Parlé ? Comment ça ?

- Je n'ai pas tout bien compris mais tu avais l'air d'être comme prise au piège. Tu demandais à ce qu'on te laisse partir. J'ai voulu te réveiller mais tu t'es calmée rapidement. 

   Ça y est ça me revient.

  Des bribes de souvenirs me reviennent en mémoire. J'ai effectivement fais un mauvais rêve. J'étais dans un cimetière en pleine nuit. Les allées étaient allumées et il régnait une étrange atmosphère, une odeur de mort flottait dans l'air. Les ombres projetées par les arbres ressemblaient à des spectres. Il faisait chaud et j'avais les mains liées. Mes vêtements étaient déchirés, j'avais dû essayer de m'enfuir. Un homme me poussait entre les dalles de pierre, mais je n'arrive pas à me souvenir de son visage ni de ce qu'il voulait faire. Il avait l'air plutôt jeune, brun et Il avait de grands yeux noirs.

  Ce n'était rien qu'un cauchemar. Ils étaient fréquents après le divorce de mes parents, mais cela remonte déjà à sept ans.

  C'est surement dû au bijou de grand-mère qui réveille en moi toutes ces terreurs incongrues.

- Ca ne devait pas être grand chose.

  Nathan arrive, encore habillé de son pyjama, sa peluche sous le bras.

- Ouais, tu parlais super fort et tu m'as réveillé. J'ai mis au moins une heure à me rendormir.

- Hé ce n'est pas toi hier qui nous a dit que tu étais un grand garçon ? Commence déjà par te débarrasser de ton Doudou, bébé !

- Je suis pas un bébé! Maman, dis à Ambre de me laisser tranquille.

- C'est bon, j'arrête, de toute façon il faut que je file si je ne veux pas rater le bus. Je me penche vers la joue de ma mère et y dépose un bref baiser. A ce soir!

- Ce serait bien si tu pouvais aller chercher ton frère ce soir. Je vais rentrer un peu tard, j'ai pas mal de boulot.

  Je soupire avant de répondre.

- Ok, ok, j'irai te chercher l'affreux.

- C'est toi qui est laide, lardon !

  Je ris intérieurement, lardon, où est-ce qu'il va pécher des insultes pareilles.

~

   Le bus passe à 7:00 et arrive à la fac a 7:45. Lyon est difficilement accessible le matin. J'habite en bord de Saône (plus précisément à Quincieux), avec mon frère Nathan et ma mère ; Laurence. Les quais sont systématiquement bouchés aux heures de pointes.

  Etant en février, à cette heure-ci le soleil ne pointe toujours pas le bout de son nez. Je ne trouve rien de plus déprimant que d'aller en cours alors qu'il fait encore nuit.

La nuit sert à dormir, sinon comment voulez vous qu'on puisse suivre les cours correctement ?

Lola sèche régulièrement les premières heures ... voir la matinée entière. Il faut dire qu'après être sortie retrouver son copain en cachette et se coucher à 5h du matin, je comprends qu'elle ne veuille pas, ou ne puisse tout simplement plus se lever tôt.

  C'est Réda, son père, qui lui interdit toutes fréquentations avec le sexe opposé ne faisant pas parti de la famille. Du coup Lola et Paul sont ensemble depuis maintenant un an et son père n'est toujours pas au courant. Je la plains sincèrement, ce n'est pas une relation de tout repos. Sa mère est dans la confidence, c'était un secret trop lourd à porter, Marie est plus laxiste. Elle aime beaucoup Paul et aide le plus souvent possible Lola à le voir. Mais ma meilleure amie commence à en avoir marre de cette situation, elle m'a confié il y a une semaine qu'elle comptait mettre au courant son père très vite. Elle sait qu'elle peut compter sur moi en cas de grosses crises de cris, ce qui risque bien d'arriver.

  Je regarde les arbres défiler, les écouteurs sur les oreilles. Je partage une playlist Deezer avec Lola, par chance nous avons quasiment les mêmes goûts musicaux. Mon vieil iPod tient encore la route malgré le fait que le bouton principal ne marche plus et que les mises à jour deviennent impossibles à faire. Il me sauve la vie chaque jour me tenant compagnie pendant ces longues minutes de route.

  Les phares de voitures m'éblouissent. Le manque de sommeil de cette nuit me force à fermer les yeux de temps à autre. La journée s'annonce très longue. Heureusement, aujourd'hui je finis à 13:30, je songe à la petite sieste que je pourrai faire en rentrant.

  Ah non l'option de ce semestre commence dès cet après- midi. Zut.

  Au bout de dix minutes de trajet, un garçon que je n'avais encore jamais vu s'assied derrière moi. Il arrive régulièrement que de nouveaux arrivant prennent le bus de temps en temps, mais lui a quelque chose de spécial.

  Je sens ses yeux me fixer la nuque et je peux voir son reflet dans la vitre. Il a la tête penchée vers l'avant de sorte que ses cheveux noir corbeau lui tombent dans les yeux. Puis, comme s'il avait senti que je le fixait, son regard croise le mien. Ses yeux sont d'un noir très sombre. Je tourne la tête d'un geste vif. Nerveuse je triture mon nouveau collier. Pendant tout le reste du chemin je garde les yeux rivés vers l'avant. Je tente de lui jeter un coup d'œil de temps en temps mais à chaque fois il me regarde.

   Le bus s'arrête devant l'université. L'étranger descend également et passe devant moi. Ainsi je peux approfondir mon inspection.

  Il est entièrement habillé de noir, ne portant qu'un simple blouson de cuir. Sa démarche est souple et rapide, ses épaules carrées. On peut apercevoir une chaine autour de son cou. Ses cheveux sont coupés courts à l'arrière et plus longs sur le sommet.

  Au bout de cinq minutes il ralentit et sort quelque chose de sa poche. Une photo de taille réduite. Il l'examine longuement, ralentissant de plus en plus. C'est peut-être un membre de sa famille ou un ami. Quoi qu'il en soit, il tourne légèrement la tête de mon côté et sa bouche s'étire en un curieux sourire. Puis d'un coup il reprend sa marche et s'enfonce dans une petite ruelle.

  Il est trop bizarre ce type.

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