Partie 22

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Me revoilà dans le cimetière. Encore. Cependant, avec les révélations de ces derniers jours, tout devient plus clair.

- Marche plus vite s'il-te-plait... Il va nous dépasser.

Ash. Je le reconnais enfin. Son regard à l'air déterminé, même si en observant avec plus d'attention, on peut y lire une lueur de panique. Le décor est toujours le même, les mêmes arbres dénudés, le même froid saisissant, le même brouillard, la même humidité. Son bras toujours vigoureux qui me tire entre les dalle de pierres. Encore le son de mes pas qui craquent parmi les branches mortes. Cette fois-ci j'essaye de m'attarder un peu plus sur ce qui nous entoure, malgré la vitesse à laquelle nous marchons. Les noms passent devant mes yeux comme de vives lignes blanches. Je n'arrive pas à les saisir, nous allons trop vite. Puis, enfin, une pierre tombale attire particulièrement mon attention :


Annabelle Paris

Mère et Amie

Cave malum in circuitu vestro sunt


Nous revoilà sur le lieu originel. Serait-ce un rêve prémonitoire ? Un extrait du futur ? Je continue de capter le moins détails, même le plus inutile. Un bruit lointain me parvient, des sanglots paniqués. Effectivement, je vois une masse sombre entre les pierres. Une personne tassée sur elle-même, agenouillée dans la boue, les mains cachant son visage. Plus nous nous approchons et plus je distingue avec précision la silhouette inconnue. Elle soulève la tête, certainement alertée par notre venue. Je la reconnais en un quart de seconde, c'est Diane. Ses cheveux autrefois bien coiffés, ressemble aujourd'hui à un nid d'oiseau. Des mèches s'échappent de sa queue de cheval tombante. Ses yeux sont cernés et rouge, son maquillage a coulé à cause des larmes, formant des trainées noires sur ses joues. Ses lèvres tremblent et son regard l'indique encore plus terrifiée qu'avant. La femme sûre d'elle et séductrice a disparu pour laisser place à une petite fille épouvantée. Ses pieds sont nus et ses vêtements partiellement déchirés. Nous arrivons quasiment à sa hauteur lorsque je me rends compte que sa peau est criblée de griffures sanglantes. Cette vision devrait m'enchanter, pourtant c'est tout le contraire. Je connais la suite du cauchemar, je sais ce qui l'a mise dans cet état.

- Trop tard.

La voix d'Ash me sort de ma contemplation. L'horrible monstre du dernier cauchemar se redresse devant nous sauf que cette fois je sais ce que c'est. Eurynomos est encore plus épouvantable que dans mes souvenirs. Diane pousse un cri à faire éclater des vitres. Le démon se retourne et se met à la poursuivre. La pauvre se lève tant bien que mal et tente de courir. Si on peut appeler ça courir. J'aimerai voler à son secours mais la poigne d'Ash est bien trop forte. Tout ce que je peux faire c'est hurler à pleins poumons en sanglotant.

C'est ainsi que je me réveille, en position assise sur mon lit. Il est déjà l'heure d'aller en cours, le soleil n'est toujours pas levé et ma mère prépare le petit déjeuner. Je ne me sens pas d'aller à la fac aujourd'hui, pourtant je me force à me lever. J'aimerai pouvoir me faire pardonner au près d'Ash. Notre dispute n'était que le contre coup de mon agression, je ne savais plus vraiment ce que je faisais. Je vérifie mon portable au cas où, aucun message. La déception est au rendez-vous. Je décide alors d'aller vérifier les dégâts causés par la lutte de la veille. C'est encore pire que ce que je craignais. La douleur présente sur la joue s'est transformé en un énorme bleu, elle est légèrement enflée et me fait un mal de chien lorsque je pose mes doigts dessus. J'aurai dû mettre directement une poche de glace hier soir, ça m'apprendra. Mon poignet me fait encore un peu mal mais rien de grave. Je remarque quelques bleus parsemant ma peau sur mes bras ou encore mes jambes et pire encore on peut nettement voir des marques en formes de doigt serrant ma gorge.

- Génial.

Ma voix est encore un peu grave mais surtout ma gorge me fait extrêmement mal. Avant de descendre j'applique une dose généreuse de fond de teint sur mon visage et mon cou pour masquer un maximum les marques. Pour finir j'enfile un petit pull à manches longues et une écharpe afin d'en montrer le moins possible. Une chance que nous soyons toujours en hiver.

A peine arrivée sur la dernière marche que ma mère me saute dessus.

- Maintenant que tu es reposée j'exige de savoir ce qu'il s'est passé.

Je ne m'attendais pas à subir un interrogatoire. Je n'ai préparé aucun mensonge ! Vite ambre fais marcher ta cervelle.

- Je t'ai dit je suis tombée. Je suis allée chez Lola après les cours, on a regardé la télé et je n'ai pas vu l'heure défiler, quand je me suis rendu compte qu'il était aussi tard je me suis dépêchée et j'ai couru sauf que tu me connais. Je me suis pris les pieds dans je ne sais quoi et je suis tombé la tête la première.

Ma mère m'emprisonne le visage dans ses mains et m'examine. Elle appuie bien trop fort sur ma joue, je me mords la langue pour éviter de crier.

- Ça va tu n'as l'air d'avoir aucune marque.

Trop forte. Et alors que je me croyais sortir d'affaire elle demande :

- Et pour ta voix ?

- Ma voix ? Tu n'es pas sortie ces derniers jours ? Un jour il fait un rayon de soleil, on se déshabille et boom voilà que le froid revient. Tout le monde est malade en ce moment, une vraie épidémie.

J'illustre ma phrase par une petite toux.

- Dans une semaine je serai en pleine forme ne t'inquiètes pas.

Elle me scrute.

- Ok d'accord mais je ne veux pas que tu ailles en cours aujourd'hui.

- Quoi ??

- Tu as bien entendu. Si tu es malade je veux que tu restes à la maison, au moins pour un jour.

En y réfléchissant bien, ce n'était pas une si mauvaise idée. Je pourrai prendre au moins un jour de repos.

Enfin sortie de ce problème je me dirige vers la cuisine, j'ai beau avoir mal à la gorge, ça ne freine en rien mon appétit.

Nathan m'observe depuis déjà quelques minutes.

- Quoi ?

Il prend le temps de mâcher sa tartine avant de me répondre. Il sait à quel point il m'énerve quand il fait ça.

- Je t'ai entendue parler hier.

Ma cuillère se fige.

-  Ah oui ? Je dois devenir folle alors, je parle toute seule.

Je tâte le terrain.

- Tu étais avec quelqu'un. Un garçon.

- Bravo ! Tu m'as prise au piège. J'étais au téléphone avec un ami.

Il plisse les yeux. Du haut de ses neufs ans c'est un petit garçon plutôt intelligent. Il ne répond plus et continue de manger tout en me fixant.

Il va falloir que je fasse bien plus attention de que ça. Je remonte dans ma chambre et m'enfonce sous la couette. J'envoie un SMS à Lola pour la prévenir avant qu'elle ne déboule chez moi. Rester à la maison aura au moins un avantage, je vais pouvoir faire la grasse matinée.

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