Cela fait un peu plus d'un mois que je suis chez mes parents. Le mois de mars débute, et avec lui, vient le printemps. Les bourgeons commencent à éclore et les jours se rallongent, je trouve que cela ramène un peu de vie. Ce sera plus facile de survivre dans ces conditions.Tout est redevenu presque comme avant. Aujourd'hui, Rebecca revient, ce qui annonce que nous allons devoir repartir. Nous sommes dans la salle à manger, près à partir; nos sacs sont à terre. Les chevaux sont cachés dans la forêt. Rebecca devrait arriver vers midi, ensuite nous attendrons la nuit pour partir.
A midi et demi, nous entendons quelqu'un frapper. Ma mère part ouvrir, c'est bien Rebecca. Lorsqu'elle me voit, j'ai l'impression que nous ne nous sommes jamais connue; elle n'a jamais été aussi froide. Elle me lance un regard transperçant, je ne me sens pas bien. Ma mère tente de sourire pour détendre l'atmosphère; elle se ravise quand elle croise le regard de Rebecca.
-Bon, on part cette nuit. Je vous préviens c'est pas jeu, on risque notre vie à chaque instant. Il y a une salle où je peux m'installer en attendant? demanda Rebecca.
-Nous avons une chambre d'amis, je vais vous y conduire, annonça ma mère.
Je les vois partir à l'étage, tandis que je reste muette. J'étais plutôt contente de la voir, j'ai bien vu de suite que ce n'était pas réciproque. Ma soeur me serre la main, je lui sourit. Après quelques instants, je décide de rejoindre Rebecca dans sa chambre. Je frappe trois coups, et elle me dit d'entrer. Elle est assise sur le lit, c'est à ce moment que je vois son changement physique. Elle n'a que de la peau sur les os, ses joues sont creusées, des cernes violettes sont en dessous de ses yeux, sa peau est plus pale que jamais. Ses yeux me détaillent de haut en bas.
-Qu'est ce que tu veux? me demande-t-elle.
-Je voulais savoir comment tu allais?
-Bien, je suppose que toi aussi. Autres choses?
Je soupire, je n'arrive pas à croire que c'est la personne qui m'a sauvé la vie il y a seulement quelques semaines.
-Je pensais que tu serais un peu plus sociable après ce qui nous est arrivé.
-Je n'aime personne, c'est bien connu, dit-elle avec un rire mauvais, sarcastique.
Je ne sais même plus quoi dire, alors je décide de partir. Lorsque j'atteignais la porte, elle m'appela.
-Alicia? Je ne serais jamais ton amie, on ne m'a pas vraiment appris à être sociable, comme tu dis, me dit-elle d'une voix dur.
Elle me regarde d'un air triste, et je me demande ce qu'a été sa vie jusque ici. Elle a dut être malheureuse.
-Je sais, répondis-je avec un haussement d'épaule.
Je referme la porte et me dirige vers ma chambre. Je m'affale sur mon lit et ferme les yeux. Je soupire longuement. Un immense sourire se forme sur mon visage lorsque je pense à Justin. Je le reverrai bientôt.
Je prends une plume et commence à écrire les mots qui me viennent à l'esprit. A la fin, je vois que toutes ses phrases forment un poème. Un poème pour Suzie, et pour tout ce qui se passe en ce moment dans mon esprit.
"Mon âme est meurtrie,
La mort m'a tout prit.
Mon esprit est embué de nuage,
Je ne vois que son visage.J'aimerais voir le printemps,
Qui ne durera qu'un temps.
J'aimerais voir l'éclaircie,
Qui me sauvera la vie.Les larmes ont cessé,
La haine les a remplacé.
Je me vengerais,
Je te le promet."Une larme coule le long de ma joue, je commence à hoqueter. Je tente de reprendre mon souffle, sèche mes larmes. Je passe une main sur ma joue. Je créé une petite flamme dans ma main et brûle la feuille, je ne sais pas vraiment pourquoi. Je souffle doucement sur les cendres grises, elles s'envolent.
La nuit vient de tomber. Je regarde le ciel, les étoiles qui brillent dans l'infinie. Il pleut dehors, les gouttes dégoulinent le long des carreaux. Je passe ma main lentement dessus pour enlever la buée. La lune scintille, haute dans le ciel. On frappe à ma porte, ma mère entre.
-Ma chérie, Rebecca dit que nous devons y aller.
-J'arrive dans deux secondes.
-D'accord, à toute à l'heure.
J'ai besoin d'être seule un moment. Ici, j'ai passé toute mon enfance, et quitter cet endroit me serre le coeur. Je ne pense pas que je reviendrais un jour dans cette maison.
Je descend ensuite, tout le monde y est déjà réuni. Rebecca nous dit d'y aller, nous la suivons dans la nuit obscure. Le croissant de lune ne nous éclaire pas beaucoup, nous nous tenons pour ne pas que l'on s'égare. Arrivés à l'endroit où sont les chevaux, nous nous arrêtons. Nous buvons quelques gorgées d'eau, puis partons. Lucille et moi sommes sur la même jument, celle de Suzie, Plume.
Mes deux petits frères commencent à être vraiment fatigués. Je propose à Rebecca de s'arrêter pour dormir. Elle refuse, veut attendre que le jour se lève. Je rassure mes frères en leur disant que cela va arriver bientôt. Ma soeur s'est endormie contre moi.
Après quelques semaines, nous étions en Suisse. Nous nous sommes ravitaillés dans un camp de purpuras, et nous avons dormis deux journées là bas. Hier soir, nous les avons quitté pour reprendre notre route.
Cela me fait du mal de voir ma famille vivre tout ça. Mes frères et ma soeur ont considérablement maigrit, mes parents également. Rebecca ne me parle toujours pas, elle est encore plus mystérieuse qu'avant. Elle envoie une multitude de lettres, je ne sais pas pourquoi, ni pour qui. Tout les jours, quelques minutes avant le coucher du soleil, elle se met à l'écart et commence à écrire. J'ai tenté de lui parler à plusieurs reprises; n'ayant eu aucune réponse, j'arrêtais.
Nous galopons à travers les arbres, le vent me fouette le visage, j'ai les joues et le nez rougi. Mes mains et mes pieds sont engourdis par le froid. Pourtant, je me suis couverte de la tête aux pieds. Je porte des gants, un bonnet, une écharpe, un gros pull en laine... La pluie fine tombe sur nous, elle commence à humidifier mes vêtements. Cette nuit, nous voyons peu, la pleine lune éclaire notre route, mais il y a beaucoup plus de nuage que les nuits précédentes.
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Les Âmes rebelles, Livre II
FantasyCeci est le deuxième tome, vous ne pourrez pas comprendre avant d'avoir lu le premier tome, "Les âmes maudites". Alicia et Justin ont fini par trouver les colliers, mais leur retour ne s'est pas passé comme prévu. Le peuple et les custodias ont déco...