Chapitre 20: Alicia.

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Dans seulement quelques jours, nous arriverons dans les Vosges. Cela fait presque six mois que je l'ai quitté, abandonné. Je n'arrive pas à croire que j'ai pu passer tout ce temps sans lui. J'y pense tout les jours depuis mon départ. J'ai tellement hâte de le revoir, entendre sa voix, le prendre dans mes bras, effleurer ses lèvres, serrer sa main dans la mienne. J'espère qu'il ne m'a pas oublié, qu'il ne m'en veut pas trop... En même temps, je le comprendrait. Partir près de six mois sans le prévenir, et sans aucune nouvelle, ce n'était pas vraiment l'idée du siècle. J'appréhende un peu le jour ou nous allons nous revoir, j'ai peur de sa réaction.

Au loin, je vois notre camp. Les tentes sont visibles à quelques mètres seulement. Je descend de ma jument et la met avec les autres chevaux de la colonie. Ma famille et Rebecca partent à la recherche de Rose. Je reconnais des visages, ils me regardent comme s'ils avaient vu un fantôme. Je cherche Justin parmi la foule, je tend le cou à sa recherche. Puis je le vois, il parle avec un de ses amis; Lucas d'après mes vagues souvenirs. Je reste là, à le regarder quelques secondes, un immense sourire accroché à mon visage. Lorsqu'il me regarde enfin, je vois ses yeux s'agrandirent. Il n'arrive pas à y croire, se lève d'un bond; nous nous rapprochons l'un de l'autre. Je le prend dans mes bras, mes mains posées dans son dos. Je sens son souffle chaud dans mon cou, sa respiration est saccadée, tout comme la mienne. Je suis si heureuse de le retrouver.

-Tu m'a manqué... murmure-t-il à mon oreille.

Je n'arrive pas à lui répondre à cause du noeud qui s'est formé dans ma gorge. Il me caresse les cheveux, prend mon visage entre ses mains.

-Je n'arrive pas à y croire, me dit-il à voix basse.

Il me reprend dans ses bras, me serre jusqu'à n'avoir plus de souffle. J'entends​ à peine ce qu'il me murmure, je ne fais pas attention à tout les regards qui sont tournés vers moi. Je suis juste heureuse, cela faisait des mois que je n'avais pas ressenti cela à ce point. Nous restons là un moment, puis il m'entraîne vers les arbres.

Justin est assis contre un arbre, et j'ai ma tête posée sur son épaule. Je ferme les yeux, j'entends tout les bruits de la nature. Les sifflements des oiseaux, les bruissements des feuilles, la brise légère qui passe dans mes cheveux, les pas d'une biche qui doit être près de nous. Puis sa voix, sa magnifique voix. Il me raconte tout ce qu'il s'est passé depuis que je suis partit. Lorsqu'il a fini, je fais de même.

Nous parlons ainsi pendant des heures entières. Quand le soleil commence à disparaitre, nous rentrons au camp. Évidemment, tout le monde nous regarde. Je vois Jade au loin, je me jette dans ses bras lorsque j'arrive à sa hauteur. Je n'ai pas vraiment eu le temps de parler avec elle aujourd'hui, je lui promet de me rattraper demain.

Le matin, à l'aube, je suis réveillée par Léana; elle est heureuse de me retrouver. Lumière, lui, est encore collé à moi. Je suis soulagée de le voir en bonne santé, heureusement que ma petite protégée s'est occupé de lui. Je sors de ma tente, mes parents sont avec Rose, et Rebecca est avec sa soeur, Emma. Je salue les personnes que je connais, je suis si heureuse de retrouver certains visages. Justin s'approche de moi, il m'embrasse furtivement. Tout de suite, je suis de très bonne humeur. Au loin, je vois mes parents qui nous regardent, je l'emmène donc les rencontrer. Il est assez gêné de leur parler.

-Alors comme ça, vous vous connaissiez depuis cet été? demanda ma mère avec un sourire.

-Oui, effectivement, confirma-t-il en me lançant un regard interrogateur.

Ils parlèrent ensemble pendant près d'une heure, puis nous sommes allés rejoindre Jade. Elle me raconta tout ce qu'il s'est passé avec sa mère biologique.

-Au début, c'était vraiment dur, je n'ai pas réussi à lui parler normalement le premier jour. Je me disais que c'était une inconnue. Et puis avec l'aide de Justin, ça a commencé à aller mieux. Nous avons longuement parlé, elle a appris à mieux me connaître, et inversement. Elle m'a raconté toute sa vie, et je comprends maintenant pourquoi elle m'a abandonné; même si je pense que je ne pourrais jamais vraiment lui pardonner. Lorsqu'elle m'a laissé pour se cacher, mon père est mort quelques semaines plus tard, et elle a été atteinte d'une grave maladie. Elle savait que les custodias continueraient à la chercher, et il fallait qu'elle se cache. Mais elle était malade, et il fallait qu'elle trouve un endroit sur. Alors elle s'est exilée dans les montagnes des Alpes en attendant une rébellion.

-Je ne sais pas quoi dire... C'est tellement insensé et incroyable! m'exclamai-je.

-Oui, je n'arrive pas à y croire non plus.

Au fil du temps, nous parlons de choses plus banales. Je ne vois pas la journée passer. Nous rentrons nous coucher dans nos tentes respectives, mais Jade et moi parlons encore pendant une bonne partie de la nuit.

En pleine nuit, je suis réveillée par des hurlements de panique. Nous sortons précipitamment de notre tente et voyons l'horreur qui défile sous nos yeux. Des custodias. Il y en a partout, ils saccagent tout, brûlent nos tentes, torturent les nôtres. Les cendres me piquent les yeux et les poumons. Je commence à avoir du mal à respirer, il faut que nous nous sauvons. Je hurle à Jade de partir avec Léana, pendant que j'essaie de sauver les vies que je peux. Je ne vois Justin nul part, ni ma famille, ce qui m'angoisse encore plus. Je cours, je prends des enfants dans mes bras et les emmène à la lisière de la foret. Un custodias m'attrape par la gorge, je tente de me débattre. Je sais que je ne pourrais m'en sortir que si je le tue. J'enfonce alors un pic de glace dans son ventre. Une boule se forme dans ma gorge. J'ai encore tué un homme. Je pensais que la deuxième fois serait plus simple à accepter, je vois tout suite que ce n'est pas le cas. Il y a toujours ce sentiment intense de culpabilité.

-Attrapez là! Je veux que vous trouviez cette gamine! hurla un custodias près de moi.

Tout de suite, je me suis sentie visée. Justin arrive et m'entraîne à sa suite.

-Ça ne va pas non?! Tu n'as pas compris qu'ils te cherchent? Qu'est ce que tu fais encore là?! Pars, dépêche toi, je dois rester aider les autres, me dit-il précipitamment.

C'est la première fois que je le vois comme ça, il n'y a pas que de la peur sur son visage, il y a aussi de la colère, et je sais qu'elle m'est destinée. Malgré cela, je décide de répliquer.

-Il est hors de question que je parte alors que les purpuras se battent! Je ne suis pas une lâche, pestais​-je.

-Arrête avec tes questions de bravoure et de noblesse! On ne peut pas dire que tu as pensé à ça avant de partir pendant des mois sans me prévenir! Une lettre! Même pas le courage de me le dire en face, me crache-t-il, le visage tordu par la rancune qu'il contenait depuis des mois.

Je n'arrive pas à y croire. Ses mots me font l'effet d'un coup de poignard dans le ventre. Et avant que je ne puisse dire quoi que se soit, il tourna les talons et s'en alla. Je reste seule quelques instants, à regarder le désastre devant moi. Les tentes en cendres, les arbres déracinés et enflammés, les combats entre les purpuras et les custodias. D'un coup, je sens quelque chose s'abattre sur mon crane, puis je m'écroule à terre.

Les Âmes rebelles, Livre IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant