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Je n'ai pas dormi depuis vingt-quatre heures. A vrai dire, elles sont passées plutôt vite, et hors de question de fermer l'œil alors que ma confiance pour mes alliées - tout spécialement Clary - vacille dangereusement. L'idée qu'elle puisse me tuer dans mon sommeil me noue la gorge et, même si j'essayais, je sais que je n'arriverais pas à dormir. Alors je reste là, éveillée, l'œil vif, les sens en alerte, tandis que la lourde respiration des deux filles résonne dans le noir total.

Encore une fois, je me maudis. Je me maudis d'avoir pris des alliées, je ne cesse de me répéter que, si j'avais tracé mon chemin seule, je n'aurais pas eu cet insignifiant problème de confiance. Mais, si j'avais pris la bonne décision, je ne serais pas moi. 

Je ne m'appellerais pas Lily Smolan, je ne viendrais pas du district Neuf, je n'aurais pas quatre merveilleux frères, rien de tout cela. Je serais sûrement une personne radicalement différente, peut-être égoïste, peut-être laide, peut-être gentille, qu'en sais-je ? Ce n'est pas ma préoccupation première pour l'instant, je l'avoue.

J'essaie en mon for intérieur de créer un avatar qui serait mon image de la perfection. Elle serait blonde; j'ai toujours rêvé d'être blonde, mais pas trop pâle, aux yeux verts, limpides, couronnés par de longs cils noirs. Si j'étais parfaite, je serais généreuse mais sans me laisser marcher sur les pieds, je serais sociable et franche, je ne serais pas vraiment moi non plus. Mais si j'étais parfaite, je ne serais pas dans cette position si inconfortable, dans ces Hunger Games, je saurais si je dois ou non faire confiance à mes deux alliées.

Et, subitement, tout en pensant à l'image de moi qui serait absolument parfaite à la vue de tous, je m'endors.

Mes yeux se ferment, et je ne pense plus.

Du vert.

Du vert.

Des prunelles vertes devant les miennes, de couleur semblable, que je reconnais immédiatement. Hermès. Ses yeux, ses cils, ses joues, ses tâches de rousseur, ses cheveux noirs corbeaux qui sont éternellement désordonnés, son nez haut et fin, sa carrure parfaite, ses lèvres ... ses lèvres qui me donnent tellement envie de les embrasser, de leur faire subir toutes sortes de choses peu orthodoxes.

Mes yeux s'ouvrent sur son visage, son si beau visage, et je me hisse sur la pointe des pieds, pour embrasser ses joues, sa bouche, tandis qu'il est occupé sur mon cou, me faisant lâcher d'infimes gémissements. Il saisit la peau fragile de mon cou entre ses dents, et je continue de l'embrasser, jusqu'à ce qu'au plaisir succède la douleur.

La douleur car ses dents s'enfoncent profondément dans ma chair, tel le ferait un animal enragé envers moi. Et soudain, il disparaît. Totalement. Je porte la main à mon cou, et la ramène couverte de sang. Je suis plutôt surprise, étant donné que je ne ressens aucune douleur; alors, pourquoi ces larmes coulent-elles sur mes joues pâles ? Tout simplement parce qu'ils me manquent. Tous. Pas seulement Hermès.

Et soudain, ils sont tous face à moi. Ray, Loïc, Leroy, Logan, Samuel, Hermès, et même Clara et Tamarah, parce que, malgré tout, je tiens à elles. Mais, lorsque j'essaie de les approcher, ils se déplacent tous, un par un. Ils forment un cercle autour de moi. Je tente de me jeter au cou d'Hermès, mais seul le vide lui succède; c'est la même chose avec Ray.

Finalement, je me laisse tomber au sol, fixant par le même coup le plafond inexistant, un simple fond noir et brun qui se déplace, se déplace, se déplace. Et des yeux se plantent en face de moi, des yeux inhumains, des yeux d'animaux. Un animal qui n'a qu'une hâte, finir ce qu'il a commencé. Et, tandis que mon sang se répand sur le sol immaculé, tandis qu'il s'emmêle dans mes cheveux bruns, la bête se jette sur moi pour terminer son travail, tandis qu'une douleur hors du commun prend part de mon être.

Lily Smolan | DISTRICT 9Where stories live. Discover now