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Le lendemain, lorsque je me réveille, il fait encore et toujours noir. Je retiens un soupir ennuyé, comme si ces Hunger Games devenaient anodins à mes yeux. Lorsque je promène mon regard aux alentours, j'aperçois mes deux alliés, l'une dormant, l'autre taillant un morceau de bois en pointe. Clara m'adresse un regard complice, avant de retourner à son œuvre, lorsque je remarque que son but n'est plus d'en faire une arme, mais quelque chose de plus personnel.

C'est le dernier jour, le dernier jour que nous passerons sous couvert de cet effroyable ennui qui nous prend lorsque nous sommes sous ce noir total. Mes alliées et moi avons tout fait, réellement, tout, pour ne pas s'ennuyer, mais à un moment, il n'y a plus rien à tenter ; chasser dans le noir, déjà fait, et puis, très peu pour nous, car nous avons déjà de prodigieuses réserves, grâce aux talents de Tamarah.

Nous avons il y a peu dévoré nos premiers lapins. Nos premiers, oui, car il doit bien en rester trois ou quatre, seulement si nous ne nous hâtons pas, ils finiront sûrement complètement pourris, et ce n'est assurément pas notre but.

Ignorant les ronflements de Tamarah, je me rapproche de Clara en souriant, les yeux posés sur ce fameux morceau de bois. Elle ne lève pas une seule fois le regard vers moi, semblant trop occupée dans son travail. Elle doit avoir une vue exceptionnelle, car je ne parviens pas à discerner les lettres qu'elle a tracées de son couteau.

De plus, elle semble lire dans mes pensées, car, deux secondes après que j'ai plissé les yeux, elle déclare :

« Il est écrit Paula.

- Ta mère ? »

Elle acquiesce simplement, avant de plonger une fois de plus la lame de son couteau dans le bois. Je lâche un léger sourire et croise mes bras autour de mes genoux, lasse de ce noir dans lequel il ne se passe rien, absolument rien. Je réalise alors qu'il y a longtemps que j'ai perdu le fil des survivants, alors je tends une main devant moi, et, en même temps que les noms défilent dans mon crâne, je compte le reste de personnes sur mes doigts. Lara, Micka, Orotika, Aëlys, Nam, Jane, - ce qui hélas me fait remarquer que tous les carrières ou presque sont encore en vie – Clara, Lucas, Camille, Astrid, Chris, Julie, Dakatt, Tamarah, Penny, Madison et moi.

Je lâche un soupir de désespoir en remarquant que nous demeurons dix-sept, oui, Lily, tu es bien lien de la victoire.

Je jette un rapide regard en direction de mon alliée du Cinq, en qui j'ai retrouvé une entière confiance, et commence à fermer les paupières lorsqu'un hurlement, un hurlement animal m'interpelle, en même temps que Tamarah, qui se réveille dans un grand cri. Clara lui adresse un regard si noir que la nuit qui nous entoure, et s'apprête à lui faire quelconque réflexion, seulement elle se tait lorsqu'elle comprend que la menace qui nous attend est réelle.

Ma gorge se noue sous la terreur, et nous nous relevons toutes trois en même temps, armes en mains. Quant à moi, je dégaine mes boomerangs, l'œil à l'affut, les jambes encore engourdies par toutes ces heures de sommeil. Clara, Tamarah et moi formons un triangle, chacune surveillant un côté de la forêt, et, c'est lorsque qu'un frémissement surgit dans mon coin que j'hurle :

- De mon côté ! Grimpez dans les arbres !

Aussitôt dit, aussitôt fait, mes deux jeunes alliées se retrouvent toutes deux agrippées à l'écorce des arbres les plus proches, tandis que je demeure au sol afin d'assurer leurs arrières. J'adresse un regard confiant à Clara, qui hoche la tête pour m'indiquer qu'elle a compris, seulement Tamarah n'est pas de cet avis ; elle ne cesse de s'exclamer afin que je les rejoigne, et, j'ai beau tenter de la convaincre, elle refuse de m'écouter.

Et, finalement, ce qui dut arriver arrive, la menace est attirée par les cris de mon alliée et amie. Mes muscles se pétrifient, le silence se fait, et, la seconde suivante, un assortiment de muscles et de chair faisant deux fois ma taille, se jette sur moi, sous un nouveau hurlement de la part de Tamarah.

Le poids de la bête m'entraîne au sol, et, lâchant mes boomerangs, je me retrouve à repousser le chien avec l'unique force de mes bras, tandis que ses longues dents affutées n'ont qu'une envie, celle de me déchirer en pièces.

Mon visage est aspergé de la bave de cette créature, et je tâtonne de mes mains afin de trouver l'un de mes boomerangs, mais la seule chose à ma portée est un morceau de bois. Tant pis, je m'en contente, et lui enfonce mon arme de fortune dans l'œil, ce qui lui fait pousser un rugissement de fureur, avant de s'écrouler sur moi.

La surprise est ma première réaction, seulement, par un réflexe de survie, je repousse l'énorme bête qui me coupe le souffle et regarde afin d'apercevoir qui est mon sauveur, ou ma sauveuse. Celle-ci se révèle être une jeune femme aux cheveux si noirs, courts et épais qu'ils en donneraient la nausée à quiconque la croiserait.

- Tamarah ! je souffle, soulagée.

Elle m'adresse un éblouissant sourire, seulement il s'évanouit lorsque je me relève d'un bon, la poussant d'un seul coup sur le côté afin de lui éviter la mort par un nouvel arrivant. Récupérant l'un de mes boomerangs au passage, je me dépêche de lui planter d'un coup sec dans le crâne, ébranlant son cerveau au passage, ce qui le fait tomber raide au sol.

Deux bruits de talons s'entrechoquant avec le sol me ramènent à la réalité, et je tourne mon regard vers la nouvelle venue, alias Clara White. Elle m'adresse un clin d'œil, suite à quoi elle déclare :

- Pourquoi vous seriez les seules à vous amuser ?

Ce qui déclenche un gloussement dans la gorge de Tamarah, suivi par le mien.

Mais soudain, une traînée de sang gicle sur mon visage, en même temps que le corps de mon aînée qui s'écroule à terre. Je ne mets que peu de temps à réaliser ce qui se passe, et aussitôt mon arme s'est-elle plantée dans le crâne de la bête que les larmes s'écoulent seuls sur mon visage, lentement.

Je repousse l'animal à côté du corps de mon amie, et j'entreprends de m'asseoir à côté d'elle, surveillant le moindre signe de vie. Seulement la vie semble l'avoir quittée, en même temps que la chair qui composait son ventre.

Et, lorsque je me rends compte que sa vivacité l'a abandonnée, ce ne sont plus mon esprit, ni mon âme qui dirigent mon cœur, ce ne sont plus que la tristesse, la haine et le désespoir qui corrompent mon être.

Alors, mes boomerangs bien en main, placée face aux trois chiens qui me foncent dessus, je lâche un hurlement de douleur, ma douleur qui est bien réelle, avant de courir à leur encontre. N'épargnant ni les pattes, ni les yeux de mes adversaires, il n'en reste plus que du sang et des membres arrachés lorsque j'en ai fini avec eux.

Et aussitôt ceci fait, les yeux bordés de larmes, je m'accroupis devant le corps de ma défunte amie, et je hurle. Je hurle, je hurle, je hurle, sans m'arrêter.

Lily Smolan | DISTRICT 9Where stories live. Discover now