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A peine quelques heures plus tard, le soleil est levé. Comme s'il avait attendu que Tamarah meure pour apparaître, réglé comme une horloge, sauf que, à défaut de chiffres, elle pointe les morts. Et je sais que mon amie ne fut pas la seule à succomber : trois autres coups de canon ont retenti cette nuit-là, et, avec eux, j'entendais presque les hurlements de leurs amis, alliés ou famille, faisant écho aux miens.

Désormais, la clairière aux saules pleureurs est baignée de lumière, lumière qui se reflète sur la peau dorée de la défunte. J'ai refusé de m'éloigner d'elle, et Clara n'a rien fait pour m'en empêcher, c'est pourquoi l'hovercraft flotte au-dessus de nos têtes depuis quelques heures maintenant. J'imagine sans peine les Capitoliens se moquer de moi, mais je m'en fiche. Ont-ils déjà eu à faire face à la mort d'un ami ? Et, même si oui, l'ont-ils laissé partir si aisément ? Je ne crois pas. Quoique, venant d'être si insipides et inhumains, tout est possible.

Une jolie mise en scène aurait été possible si Clara et moi étions entrain d'honorer le corps de Tamarah. Or, il n'en est rien. Nous restons simplement assises à ses côtés, mangeant,  conversant, comme si elle était vivante. Comme si elle n'avait pas été tuée par cette immondice créée par notre charmant gouvernement.

Elle commence à nous manquer à peine quelques heures plus tard. Ou plutôt, ses talents de chasseuse commencent à nous manquer. Car, hier, regorgeant de lapins, la clairière désormais n'habite plus aucune espèce comestible, et c'est à peine si je me suis retenue de dévorer les trois mantes religieuses que j'ai croisées. Les lapins dans la réserve sont pourris, de toute façon.

Alors, quand le moment est venu de nous en aller, et de laisser sa dépouille à l'engin électronique qui la remontera pour l'emballer dans un paquet cadeau et la renvoyer à sa famille, je jette les deux écœurants cadavres sur le sien, histoire que les Capitoliens aient à se salir un peu les mains, au sens propre du terme évidemment, car au sens figuré elles sont bien plus que souillées.

Enfin, l'engin volant se résigne à embarquer mon amie, et, sans un mot, Clara et moi nous éloignons de la clairière qui a été notre refuge pendant les premiers jours des Jeux. Elle se retourne, pas moi. Je n'ai pas besoin de voir Tamarah m'être enlevée de manière si mécanique, car elle est toujours avec moi. Quand je tourne la tête à ma gauche, je vois ses courts cheveux noirs et son nez en trompette, et j'entends son rire maladroit et taquin.

Je saurais réciter ses anecdotes habituelles par cœur, je les entends encore se bousculer dans ma tête, comme si les Jeux ne me provoquaient pas assez de troubles comme ça. Mais, pour une fois, c'est une sensation agréable d'avoir à me soucier de divers Tomas ou Zoé. Tamarah se plaint d'eux, mais je sais qu'ils lui manquent.

Elle est là. Je l'entends. Alors j'incite mes deux alliées à me suivre.

Clara rechigne, tandis que Tamarah me suit avec des exclamations de joie. Je n'ai jamais vraiment apprécié son enthousiasme, mais maintenant il me paraît réconfortant, face au silence de marbre de l'autre.

Nous demeurons presque une journée entière dans la forêt, qui, loin d'être verdoyante après la fin de la longue nuit, paraît desséchée, comme si l'on avait épuisé toutes ses capacités naturelles. Les mares sont donc presque vides, tandis que tous les animaux ont disparu. Mes alliées et moi nous empressons de remplir nos gourdes tant qu'il est encore temps, nos pas foulent encore la mousse sèche du sol.

Ce sentiment malsain d'ennui me poursuit. Quoique je fasse, il est omniprésent. Seuls les moments où je discute avec mes alliées m'en paraissent dénués, mais la longue nuit leur a cloué le bec, donc je m'ennuie tranquillement, tout en survivant. J'en viens presque à espérer croiser une alliance ennemie.

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⏰ Last updated: Apr 08, 2018 ⏰

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Lily Smolan | DISTRICT 9Where stories live. Discover now