Il respira un bon coup, ferma les yeux. Ses mains glacées tremblaient légèrement. J'avais le sentiment qu'il détenait une bombe et qu'il s'apprêtait à la faire éclater. Ce qui m'effrayait le plus était les conséquences de cette révélation. Arriverais-je à me relever ?
Il respira de nouveau, laissant planer ses mots. Qu'attendait-il au juste ? Ce suspens m'était devenu insupportable. Mon esprit jouait de moi, me torturant avec des scénarios catastrophiques. Que voulait-il m'avouer ?
Dans un geste qui me sembla théâtral et calculé, ses yeux bleus s'ouvrirent lentement. Une nouvelle vague d'air vint soulever sa cage thoracique. Puis, le temps se braqua au rythme de ses lèvres mouvantes. Enfin, le son parvint jusqu'à mes oreilles :
« -Je ne sais pas vraiment par où commencer... C'est délicat comme sujet.
-Par le début serait le plus logique. »
Il détourna un instant son regard du mien. Ses traits étaient tirés par la fatigue, mais également par une chose plus profonde. De l'angoisse ? Quelle vérité pouvait bien le mettre dans un tel état ? Enfin, il plongea dans mes prunelles et se confia à travers un récit, laissant échappé un secret antérieur :
« -Ana, tu sais, toute notre existence repose sur un mensonge. Ouais, un énorme mensonge. Une grosse arnaque ! Ça peut paraître dingue dit comme ça, mais j'en ai bien peur que ce soit la triste réalité. Tu sais, tout ce que tu connais, ton chez toi... ton école... tes lieux favoris... et bien, je crains malheureusement que ce ne sont que des illusions. Tu veux savoir pourquoi ? Parce que La Terre est en réalité fictive, elle n'est rien d'autre que la copie conforme de ce qu'était notre monde à l'époque. Et le plus ironique dans toute cette anarchie est que ce fameux monde de l'époque, nous nous y trouvons actuellement. Ici, ce n'est pas qu'un univers imaginaire sorti tout droit des pensées d'un écrivain illustre, mais c'est les vestiges de la réalité. Tu vois ou je veux en venir ? Ce que nous prenons pour la réalité est en fait imaginaire et l'imaginaire est réel. Tu es dans le monde réel et ta famille est dans le monde imaginaire. La planète bleue n'est qu'un leurre, alors que Wonderland est réelle. Tu comprends ? »
Sa dernière phrase remplit l'atmosphère, fit échos à mon esprit et se répéta inlassablement dans ma mémoire. Je comprenais ses dires, mais je ne voulais pas y croire. Je ne pouvais pas. Pour moi, la planète Terre était le synonyme du monde réel, alors que Wonderland, représentait l'imaginaire, l'impossible, l'absurde. Et voilà que maintenant, Tommy Cooper m'affirmait que tout était inversé. Comment une telle chose pouvait être possible ?
Puis, je me souvenus de ce qu'on avait traversé ensemble. Je l'avais vu craquer une seule fois complètement, perdre possession de ses moyens. Peut-être que la folie était désormais nichée dans son âme, ne formant plus qu'un avec cette dernière. Moi-même, je ne savais plus très bien si je pouvais me qualifier de personne équilibrée. J'avais tué cent quatre personnes dont une de mes propres mains et Le Phénix. N'étais-je pas moi aussi devenu folle ? Ce monde nous changeait et nous étions impuissant face à cela. De plus, nous avions subi pas mal de chutes. Pour ma part, les seules conséquences était un jean arraché, des plaies ouvertes et des os brisés, mais qu'en était-il de Tommy ? Peut-être que ce dernier avait une commotion cérébrale et ainsi il confondait la réalité avec l'abstrait. Enfin, il y avait un tas de possibilités qui expliquaient son raisonnement. Une voix s'éleva et vint couper le cours de ma pensée :
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Wonderland
FantasyQue feriez-vous si on vous proposait de réaliser vos rêves au péril de votre vie ? Accepteriez-vous ou déclineriez-vous poliment l'offre ? Je suppose que vous connaissez déjà ma réponse, pas la peine que je vous l'écrive noir sur blanc. Et oui, j'ai...