Chapitre 9

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Un idiot fini, voilà ce que j'ai été. Je n'avais pas réfléchi, j'avais foncé tête baissée dans un piège qu'un enfant de six ans aurait sûrement remarqué ; j'avais été assez stupide pour laisser place à mes émotions les plus noires, au lieu de peser le pour et le contre dans toute cette affaire.

Devant les portes en bois de la maison de Clément, un soupir franchit mes lèvres, tandis que je détaillais le presque-manoir de mon ami. J'avais le sentiment d'avoir tout foutu en l'air.

Cela faisait une heure que j'avais quitté la fête, et, à en juger par les voitures restantes, quelques uns des invités étaient déjà partis. À quelques pas du perron, deux de mes camarades discutaient. Dans l'ombre de la demeure, je pus distinguer un homme très grand ; je ne pouvais pas voir l'autre. Cependant, je reconnus leur voix.

Clément et Loïc étaient en pleine discussion, et je m'approchai d'eux pour connaître l'origine de cette agitation. Mes pas, lourds, résonnèrent alors sur les graviers comme un tambour mal ajusté, comme deux métaux rouillés qui entrent en contact. Les deux garçons se retournèrent et clignèrent deux ou trois fois des yeux. Loïc s'approcha de moi et me prit par les épaules :

– Thomas ! On peut savoir où est-ce que tu étais passé ?
– Quelque part dans le village, dis-je, calmement.
– Il s'est passé quoi ? Où est cette... fille ? Demanda Clément.
– Elle est partie.

Décidant que cet interrogatoire n'avait que trop duré, je priai mes interlocuteurs de se décaler, avant d'ajouter :

– Où est-il ?
– Et pourquoi Alice est-elle revenue presque en furie ?
– Où est Lucas ? Répétai-je en détachant chaque syllabe et en lançant un regard noir aux deux étudiants.
– Premier étage, troisième porte sur la gauche. Il s'est enfermé dans la chambre d'ami, se résigna Clément après un échange de regards avec Loïc.

Sans plus de cérémonie, ni même un regard en arrière, j'entrai dans la maison, avec lenteur. Une odeur de cigarette flottait dans l'air, accompagnée des diverses boissons se trouvant ça et là dans la grande pièce, qui s'était vidée au fur et à mesure de la soirée. Dans mon dos, je savais que les quelques restants m'observaient presque comme s'ils avaient pitié de moi.

Je m'en foutais complètement, et continuai mon chemin sans leur prêter plus d'attention que cela, bien que je sentais mon cœur battre plus rapidement à cause de la myriade d'iris qui me fixait, comme un millier de couteaux me transperçant de part en part.

Les escaliers semblaient me tendre les bras, aussi je tâchai de leur réserver toute mon attention. Même si j'appréciais beaucoup ce que certaines personnes avaient fait pour moi, j'avais pris l'intime résolution de me préoccuper d'un cas plus important.

Je ne voulais pas perdre Lucas, je ne le voulais plus, du moins. Je n'étais plus sûr de rien, mais Alice m'avait, en quelque sorte, ouvert les yeux. Il fallait que je prenne une décision. J'espérais, juste, en traversant ce couloir aux murs blancs, que c'était la bonne.

Mon cœur battait la mesure de mes pas, qui m'approchaient de plus en plus de mon but. Devant, je reconnus la chevelure blonde de Marie, la carrure de rugbyman de Tristan et, à ses côtés, Amandine.

Les trois semblaient parler dans le vide. La porte blanche restait désespérément silencieuse, incompréhensible, puisque seuls quelques sanglots arrivaient à percer les murs. La clameur lointaine du rez-de-chaussé montait, et couvrait les quelques mots inaudibles que la chambre pouvait communiquer.

– Lucas ! Ouvre-nous, s'il te plaît ! Nous sommes tes amis, non ? Nous pouvons t'aider. Nous savons que nous pouvons le faire.
– Putain, j'ai peur qu'il fasse une connerie... souffla, sans trop y croire, Amandine.
– Eh, mon pote, lança Tristan – ce qui me crispa au passage –, tu ne vas pas te lamenter toute la soirée et pleurer comme un gamin... Tu es plus fort que ça, non ?

Virtuellement vrai [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant