Maintenant, je sais

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Gringe ne se rendait pas vraiment compte de ses gestes, les grammes d'alcools qui lui flottaient dans le sang avaient de nombreux avantages.

Il ne réfléchissait plus en boucle à "Les gens vont nous rejeter, on va se moquer de nous, on va même peut-être se faire siffler, ou pire, frapper, ils ne nous accepterons pas". Il était définitivement bien trop entamé pour que de telles pensées soient encore présentes. Mais il n'en était pas encore au stade où il embrasserait le premier venu en public. Il avait quelques attentions envers Orel qui pouvaient prêter à confusion, mais rien de bien méchant.

Ils avaient juste envie de s'amuser au fond, non ?

Il hurlait à pleins poumons des paroles qu'il ne connaissait pas vraiment, souriait à des gens qui ne le regardaient même pas.

Orel avait un grand sourire plaqué au visage et avait renversé le contenu de son énieme verre sur Ablaye.

Enivrés et heureux.

*
*   *

- Oh Claude, tu tombes bien, je me posais une question, dit Skread en tirant le concerné vers lui.
- Putain t'es pas bourré.
- Normal j'ai presque rien bu. Mais c'est pas...
- ÉCOUTEZ ÇA, IL EST MÊME PAS BOU...

Skread plaqua une main sur le bouche de Claude pour qu'il la ferme.

- Tu me jures de me dire la vérité ? dit Skread, soudainement sérieux.
- J'ai l'air d'être un mytho ? se moqua Claude.
- Est-ce qu'il se passe quelque chose entre Gringe et Orel ?

Claude se ferma brusquement et perdit immédiatement son sourire. Qu'est-ce qu'il était sensé dire ?
Comment cet enculé avait deviné ?

Il ne pouvait pas mentir à son pote, mais il ne pouvait pas balancer ses potes non plus. Pas besoin de se prendre la tête plus longtemps, il avait trouvé la solution : ne rien faire.

Il s'éloigna donc, comme si de rien était, chopa Gringe par le bras, l'emmena rapidement dehors en priant pour que Skread ne les ait pas vus.

- Qu'est-c'tu fous ? articula difficilement Gringe.
- Skread a cramé.
- Cramé quoi ?
- Pour Orel et toi.

Gringe eut l'impression qu'on lui retira d'un coup tout l'alcool qu'il contenait depuis quelques heures.

Pardon ?

- Qu'est-ce que tu lui as dit ? Comment il le sait ?
- J'ai rien dit, il m'a demandé si il y avait quelque chose.
- Et ?
- Je suis venu te chercher.
- Putain qu'il est con.
- Mais j'allais pas lui...
- Gna gna gna je peux pas lui mentir mais nique ta race ouais, que tu partes ou que tu lui dises "ouais ils s'enculent vite fait quoi", c'est la même putain de chose !
- Gringe, calme-toi
- COMMENT VEUX-TU QUE JE ME CALME ?! hurla-t-il.

Les quelques personnes sorties pour fumer en dehors de la boîte se tournèrent un instant vers eux, puis retournèrent à leurs occupations, en voyant que ce n'était pas une bagarre ou quelque chose du genre.

Gringe tenait l'arète de son nez entre son pouce et son index et fermait les yeux. Il avait troqué son sourire débile de mec allumé contre une sobriété nerveuse.

Claude jouait pensivement avec le curdent présent entre ses lèvres.

- Va lui dire de venir ici, siffla finalement Gringe.
- Comme tu veux ! répondit Claude en haussant les épaules.

En rentrant dans la boîte, il chercha des yeux Skread, mais il ne trouva qu'Ablaye.

- Il est où Skread ? cria Claude par-dessus la musique.
- Avec Orel, là-bas ! dit Ablaye avec un geste du menton dans leur direction.

"Je suis foutu", pensa-t-il en n'osant même pas imaginer de quoi ils pouvaient discuter.

Skread parlait sérieusement à Orel en cherchant son regard, en lui souriant tout de même. Quant à lui, Aurélien était figé, bras croisés, regard dans le vide.

- Skread ? osa Claude en s'approchant. Gringe aimerait te parler, il est à l'extérieur.
- Ok. Viens aussi Orel, dit Skread, ah et Claude, va chercher Ablaye.
- Super. La belle affaire.
- Pardon ? demanda Skread.
- J'y vais j'y vais, soupira Claude.

*
*    *

- Mais je vois même pas pourquoi tu t'énerves !

Skread commençait de hausser la voix, ce qui était rare.
Il y a quelques minutes, le groupe de pote s'était déplacé sur le parking, à l'arrière de la boîte, histoire d'être tranquille, et ça faisait 5 bonnes minutes que Gringe pétait un câble.

Orel n'était pas vraiment en mesure d'évaluer les dégâts, il n'avait de loin pas décuvé et il ne savait pas quoi faire pour que Gringe se calme.

Skread essayait de le rassurer, en vain.

- Écoutes, tu veux qu'on aille dire ça à qui ? À personne, on est potes, c'est même sûrement mieux que vous puissiez au moins le dire à quelques personnes et...
- Il est complétement torché, chuchota Claude à Ablaye.
- Qui ça, Gringe ?
- Ouais, regarde-le...
- Arrête de me dire "c'est pas grave" ou j'sais pas quelle connerie ! On dirait qu'on doit s'excuser pour ça ! Mais on y peut rien, on a pas choisi ! Hein Orel ?! cria encore Guillaume.

Les dernières paroles de Gringe résonnait dans la tête d'Aurélien. "On y peut rien, pas choisi, connerie..."
Il disait n'importe quoi.

- Dis quelque chose, putain ! dit-il en se tournant vers lui.

Il se calma en voyant l'air abattu d'Orel, et posa sa main sur son épaule.

- Est-ce que tu regrettes ?
- Pardon ? dit Guillaume surpris.
- Répond-moi, s'il-te-plaît.
- Je pense pas que ce soit l'endroit adapté pour...
- Ok, j'ai compris, te fatigue pas.

Gringe le regardait, la bouche entre-ouverte, surpris de la tournure que prenait la situation. Il n'arrivait pas à mettre ses pensées à l'endroit.

Skread, Ablaye et Claude ouvraient de grands yeux. Un malaise planait dans le parking.

- Fallait juste le dire plutôt.
- Mais de quoi tu parles, enfin ?
- De nous. Si ça te fait chier au point de hurler tout seul pendant un quart d'heure, on arrête là.
- Aurélien. Stop.
- J'en ai assez entendu ce soir. À plus les gars.

Gringe voulait hurler et le retenir. Mais il restait là, il admirait sa connerie, regardant Orel s'éloigner.
Les trois autres faisaient de même, bras ballants, bouches ouvertes.

- Tu devrais peut-être... commença Claude.
- Je sais, dit Gringe en partant dans la même direction qu'Aurélien.

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