Je gardais ton visage en mémoire. Je gardais cette photo de nous près de mon coeur. Je ne savais pas qui tu étais, ni où tu vivais, mais un jour je me souviendrais, un jour je braverais mon amnésie. Un jour je te reverrai.
Je recommençai et recommençai jusqu'à l'agacement. C'était épuisant, mais contrairement à ce que je pensais, j'avais fait de gros progrès. J'arrivais à dire des mots simples entièrement sans bégayer.
Pour les phrases simples, ce n'était pas encore ça par contre. Je soupirai de soulagement quand la séance de diction fut terminée.
Malgré les encouragements de la thérapeute, je n'aimais pas parler. Je n'aimais pas ma propre voix. Trop aiguë sur certains mots, trop grave sur d'autres. Je ne contrôlais pas les fluctuations de mon ton. La frustration se mêlait vite à une colère sourde.
Énervant. Épuisant.
Soudain, je repensais à Julien. Après notre dernière rencontre dans le parc, je ne lui avais plus adressé la parole. Même les textos étaient impossibles à envoyer. Je ne pouvais jamais cliquer sur la touche pour qu'il reçoive mon message.
Mais lui non plus ne m'avait pas donné de ses nouvelles. Peut-être que je n'étais plus aussi bien qu'il l'espérait. Peut-être que j'avais trop changé. Peut-être qu'il n'aimait pas cette fille que j'étais devenue... Pourtant je préférais la fille d'aujourd'hui plutôt que celle d'avant l'accident.
- Je... Je voudrais ap-prend-re la langue d-des signes.
Fatima ma thérapeute qui exerce depuis une vingtaine d'années me regarda avec surprise.
- Tu arrives de mieux en mieux à parler Mélanie ; tu n'as pas besoin de te tourner vers un autre moyen de communication.
- Non ce n'est p-pas pour ça, dis-je avec embarras. Je... J'ai rencontré un hom-me sourd et c-comme je bégaie enc-core il n'arrive p-pas à lire sur mes lèvres.
Elle fit un grand sourire révélant ses dents blanches qui contrastaient avec sa peau mate.
- Intéressant, intéressant... Tu m'en dis plus ? demanda-t-elle, curieuse et amusée.
- Non !
Nous éclatâmes de rire. Un rire que je n'avais pas eu depuis longtemps. Des mois.
- ça fait plaisir de te voir sourire. Après un coma, beaucoup se questionnent sur le pourquoi ils sont encore en vie. Pourquoi moi ? Tu devais sûrement avoir ce genre de pensée aussi. Mais ce jeune homme semblerait t'avoir changé, dit-elle avec un sourire sincère.
Fatima devait se rapprocher le plus de ce que je pouvais appeler une amie. Néanmoins, elle faisait son travail. Donc cette situation était différente d'une véritable relation amicale.
Soudain, elle se leva et sortit d'un de ses classeurs des papiers.
- La langue des signes comme le dit son nom est une langue. Et quelle est la première chose que tu apprends dans une nouvelle langue ?
Elle montra une feuille où étaient inscrites les lettres de l'alphabet français avec en dessous de chaque lettre une main faisant des signes.
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- T-Tu vas m'aid-der ?
Mon étonnement la fit sourire.
- Bien sûr ma chérie, mais il faudrait qu'on se voie en dehors de tes séances d'orthophonie.
Peut-être que finalement j'aurais trouvé ma première amie de cette nouvelle vie.
J'avais commencé à apprendre la langue des signes française (LSF) au lycée (il y a 5 ans) et depuis j'ai abandonné... Pourtant j'aimerais bien signer (et comprendre ce que signent les gens dans le métro xD).
Je ne connais personne de sourd et/ou muet dans mon entourage et j'ai une motivation de merde donc difficile d'apprendre une nouvelle langue dans ces conditions. Bref, cette histoire me donne envie de reprendre doucement l'apprentissage de la langue des signes :)
