Chapitre 21 : Le hangar de Tour Resort

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Le dîner fut silencieux. Nous mangions religieusement le bœuf bourguignon, délicieux, avec des tranches de pain fait maison. Pendant ce temps, je pouvais toujours voir et analyser le photographe. Il était jeune pour le métier qu'il faisait, sans doute un ou deux ans de plus que moi tout au plus. Des cheveux roux bouclées trônaient sur une tête bien ronde, avec des oreilles un peu décollées, des yeux noisettes, et un nez très fin. Il portait constamment sur lui son appareil photo numérique, ainsi que sa sacoche qui contenait de quoi le recharger, des cartes mémoires, et des objectifs longues distances. Pour le moment, il était silencieux, tout comme moi. Auguste commençai alors à s'agacer :
« Alors, on veille les morts ? Vous êtes pourtant bavard d'habitude !
- Désolé, je répondis, c'est que le bœuf est délicieux, c'est tout. »

Nous finissions notre assiette, et pendant qu'Auguste préparait le dessert, le garçons à la tignasse rousse commença à discuter :
« Tu es un dresseur ?
- Ça se voit tant que cela, je lui répondis dans le ton de la plaisanterie.
- Moi, je suis photographe, mais tu ne le sais pas forcément quand tu me vois, m'indiqua-t'il en me montrant son appareil. »

Je rigolai un peu de ce sarcasme.
« Je m'appelle Yves.
- Et moi Todd, photographe et journaliste à la gazette "La vie des Pokemons".
- Désolé, je ne connais pas. »

En entendant cette réflexion, il fut tellement surpris qu'il bascula de sa chaise, sans gravité pour lui. Il se releva presque aussitôt.
« Ce que je veux dire, je précisai, c'est que je connais de nom, mais que je n'en ai pas lu un seul.
- Ah, tu me rassures. »

Auguste revint, l'air satisfait de nous voir discuter ensemble. Après le baba au rhum (sans alcool pour nous évidement) nous continuions de nous connaître :
« Alors tu vas participé au tournois en juin ? J'y serais aussi, pour couvrir l'événement évidement, m'indiqua Todd en me montrant à nouveau son appareil photo.
- On risque alors de se recroiser. Sur quel article travailles-tu en ce moment ? »

Il y eut un blanc, un moment de silence où Todd cherchait ces mots. Je savais qu'il me mentirait. Il m'expliqua alors être ici pour photographier les Pokemons sauvages sur cette île, rien de bien passionnant. Je préférai ne pas l'asticoter d'avantage, et je partis me coucher. Je ne savais pas à quoi Todd jouait, mais je vais devoir me méfier de lui...
Le lendemain, je partis de l'hôtel après avoir salué Auguste, et après avoir répondu à une autre de ses devinette. Je descendis rapidement le dénivelé pour rejoindre le port, portant tout mon barda. J'avais le temps avant le prochain bateau, alors je flânai un peu sur les docks. Je croisai sur mon chemin Todd, qui photographiait la mer, après tout, il avait peut-être dit la vérité la veille. Il ne me vit pas du tout, concentré à regarder dans le trou de l'appareil, et de regarder le résultat sur le petit écran incorporé. Je regardai la vie du port, ces chariots qui venaient et qui partaient dans les hangars, charger ou décharger la marchandise des bateaux de pêcheurs. D'autres bateaux venaient aussi, transportant des caisses en bois. Je n'y prêtai pas attention, jusqu'à entendre un bruit suspect, un bruit étouffé, lointain, mais un bruit de Pokemon. Je me retournai, mais plus rien, à part le bruit omniprésent des engins qui circulaient et des marchandises que l'on déplaçaient. Pourtant, j'étais sûr que dans ce capharnaüm, j'avais entendu un cri de Pokemon. Je pris alors mon courage à deux mains, et je rentrai illégalement dans les docks, passant par une ouverture du grillage qui le limitait.
Je bougeai rapidement, furtivement, trouvant des endroits stratégiques pour me poser, pour me cacher. Je marchai entre les caisses en bois, les bacs de poissons fraîchement pêchés, conservés dans de la glace. J'arrivai enfin au dernier hangar, et à ma grande surprise, je vis le logo de son propriétaire sur le devant, un "T" fusionnant avec un "R" : Tour Resort avait un hangar à Cramois'ile. Rien d'étonnant pour une personne lambda, mais moi, je savais ce qu'il en était, et en voyant cela, j'étais maintenant persuadé d'avoir entendu un Pokemon. Je rentrai alors à l'intérieur. Le hangar est tout au bout des docks, un peu à l'écart, pratiquement invisible depuis le large. Il était aussi silencieux, aucun mouvement, aucune machine qui tournait, aucune activité. La seul trace de vie que je voyais était des traces sur un sol poussiéreux, comme quelqu'un qui avait traîné une grosse caisse. Je la vis cette caisse, une énorme caisse en bois, posée sur le sol. Je l'examinai, c'était une caisse deux fois plus grande que moi, humide à sa base, et qui émanait une mélodie aigu, très faible. C'était ce son que j'avais entendu, un cri triste et étouffé. En faisant le tour, je vis d'autres caisses, plus petite, mais plus longue. Elle aussi avait leurs bases humides, et chacune laissait passé un bruit différent. L'une des caisses étaient mal fermée, j'arrivai à l'ouvrir sans trop forcé. Ce que je vis confirma mes doutes que j'avais eu depuis un moment : la caisse contenait un aquarium avec des dizaines d'Hypotrempes, qui tournaient désespérément dans leurs prisons de verres. Une autre contenait des Ramoloss, à qui on avait enlevait un bout de leurs queues.
« Tu te demandes pourquoi ces Ramoloss ont leurs queues coupées, sale petit fouineur ! »

[tome 2] La route Indigo (la trilogie de Baudet) [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant