Chapitre 1: Souterrains

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Un calme presque irréel régnait aux "Chroniques des Souterrains". Seul le bruit des touches d'ordinateur qu'on pressait ponctuait le silence qui n'avait rien de pesant. Chacun était concentré sur son article, suçotant le crayon qui lui était attribué le regard au loin ou tapotant les touches des claviers, captivés. Les bureaux étaient séparés par de minces cloisons de bois qui ne permettaient de filtrer aucun son. Certains avaient obtenu la permission d'agrémenter leur lieu de travail de plantes artificielles aux couleurs tapageuses qui embellissait la pièce. L'endroit était éclairé par la lumière seule des lampes et les murs d'un blanc cassé donnaient à l'endroit un air d'hôpital. Beaucoup s'accordaient à dire que ce bureau simpliste était indigne du journal le plus prisé de tous les Souterrains et seules les coupures de presse accrochées aux murs donnaient à l'endroit un timbre personnel. "Chronique des Souterrains" avait été fondé par Peter Cunningham, l'arrière-arrière grand père de la patronne actuelle, Luisa. Étant l'ainée de sa fratrie, Luisa avait hérité de la direction du journal à la mort de son père lorsqu'elle n'avait que 20 ans. Elle dirigeait d'une main de maître les "Chroniques" du haut de ses 25 ans ainsi que l'équipe de journalistes aussi ingrats qu'impertinents. La seule qui méritait plus d'un regard était son amie d'enfance, Atlas Everwood. Beaucoup de critiques avaient eu lieu suite à la nomination d'Atlas en tant que journaliste car chacun prétendait que sa place n'était due qu'à l'amitié que Luisa avait pour elle, rumeurs qui n'avaient durées que jusqu'à la publication du premier article de cette dernière qui avait connu un franc succès. Les ragots avaient fini par laisser place à une admiration muette de la part des plus sceptiques.

Atlas était une journaliste hors pair et une femme remarquable. La première chose que l'on captait chez elle était sa beauté désinvolte, son charme connu de tous sauf d'elle-même. Ses immenses yeux bleus saphirs surmontés de lunettes noires étincelaient, pétillaient de malice et d'une intelligence palpable. Puis venait sa souple chevelure d'un noir aussi foncé que l'encre de sa plume qui formait de légère boucles vaporeuses. Son visage était emprunt d'une sempiternelle pâleur et son nez fin et rond avait une forme parfaite. Elle haïssait cette beauté qui ne montrait d'elle qu'une face superficielle et qui attirait à elle ces regards qu'elle redoutait tant. De nature timide, elle craignait le jugement de ceux qu'elle croisait et de ses amis les plus proches. C'était une habitude qu'elle tenait de son enfance. Après avoir passé quelques mois dans un orphelinat à l'âge de 7 ans suite à la disparition et la mort de ses parents, elle avait été adoptée par Sylvain et Clara Scheffer, un couple n'ayant pu avoir qu'un fils, Duncan, suite à la déclaration de la ménopause précoce de Clara. Désireuse de faire ses preuves auprès de ses nouveaux parents, Atlas avait toujours été une enfant parfaite bien que très renfermée, admirée de tous et par-dessus tout de son frère adoptif, cachant ses défauts derrière un mur de silence. Elle transmettait ses émotions et ses frustrations quotidiennes par le seul biais des articles et des nouvelles (qui avaient remplacé son traditionnel journal intime) qu'elle écrivait pour les Chroniques depuis ses 19 ans.

Comme toujours, elle écrivait en s'humectant légèrement le coin supérieur de ses lèvres sous la concentration. Elle releva très légèrement la tête en entendant le claquement caractéristique des talons de Luisa dans le couloir et attendit patiemment que cette dernière la rejoigne. La patronne se plaça devant son amie avec un sourire radieux.

- Atlas, j'ai une excellente nouvelle à t'annoncer! Je dirais même la meilleure nouvelle que "les Chroniques" aient connue depuis ma nomination au poste de directrice!

La jeune fille haussa les sourcils avec appréhension: les "excellentes nouvelles" de Luisa étaient généralement la promesse de longues heures de travail supplémentaire.

- Meilleure encore que la semaine des 168 heures de travail? interrogea-t-elle en haussant les sourcils, un sourire plein d'ironie plaqué sur son visage d'ange

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