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7 janvier 2011, 3:09,Paris, Ken.

Je me retourne pour la centième fois au moins, Suga dort à côté, j'arrive toujours pas à croire qu'elle porte notre bébé. Je souffle et me lève, je roule un cône et le fume accoudé à ma fenêtre, Paris est calme à cette heure ci. Le froid ne manque pas de me griffer les yeux. Je fume rapidement pour pas trop refroidir la pièce. Je sors mon cahier de texte, peut être qu'écrire va m'aider à m'endormir. Je couche des mots, je déverse de l'encre mais rien ne vide ma tête, il paraîtrait que parfois je pense trop mais j'imagine que ça compense pour les fois où je pense à peine. Je ferme mon cahier et les yeux par la même occasion, je me laisse partir en arrière et les rouvre, je jette un regard au radio-réveil, cinq heures du matin et encore une nouvelle insomnie. Je sors une boîte de comprimé de la table de nuit pour éviter cette veillée nocturne et en avale un, j'ai besoin de dormir, je ferme les yeux quelques instants mais une fois bien confiné dans mes rêves, les mouvements à mes côtés m'en arrachent. Je soupire en constatant qu'elle n'est plus dans le lit, je me lève pour m'assurer qu'elle est toujours ici, avec moi.

-Ça va ? Je dis en entrant dans la salle de bain.
-J'ai l'air d'aller bien, elle me lance un regard noir avant de replonger sa tête dans les toilettes.

Elle me tend un élastique, sûrement pour lui attacher les cheveux pendant qu'elle crache. Elle se recroqueville sur elle même, le dos contre la porte, elle passe ses mains sur ses genoux.

-J'te déteste, qu'elle me dit.
-Ah bon ?
-J'vais mourir à cause de ce truc, elle désigne son ventre, je souris faiblement.
-Dis pas de la merde.

7 janvier 2016, 14:00, Paris, Ken.

-Ça va pas ? T'es passif, me dit Sneaz.
-Si, j'suis juste un peu crevé, je répond.

Je ne l'ai pas encore revue depuis cinq jours. C'est vrai que je ne fais pas attention aux conversations qui se font autour de moi. Je pose ma canette de Coca sur la bleta et tente de m'intéresser à ce que raconte Sneaz et 2zer. Je choppe quelques mots au passage mais ça ne capte toujours pas mon attention. D'après ce que j'ai capté, ça parle de uc' et de peura.

-Tu devrais aller la voir, soupire zer2, ça me casse les couilles de te voir désintéressé de c'que je raconte, à croire j'fais iech.
-Nan mais laisse le, t'sais Suga elle l'a charmé tah les marocains, Mo se met à rire, j'ai jamais vu un gars qui bande sur la même meuf depuis sept ans,même quand elle est pas là wesh, il ajoute.
-C'est pire qu'un charme, elle nous l'a remplacé gros.
-Fermez vos gueules, ça a rien à voir avec Suga, et pour info c'est pas sur elle mais sur ta meuf que j'bande, je répond.
-Ah l'enculé, il rit.

7 janvier 2016, 15:35, Paris, Suga.

L'heure de rendez-vous est de plus en plus proche, j'ai mal au ventre, l'horloge sur le mur m'agace, tout les bruits alentour d'ailleurs. Benji doit en être à son sixième café, il est encore plus stressé que moi, c'est sur que si je n'ai pas dégotté une place ici, son portefeuille risque d'être vide encore un moment.

-Ça a été avec Clément ? Il questionne.
-On se voit à peine pour le moment, je souffle simplement.
-C'est juste pour un petit laps de temps, et puis tu va être beaucoup trop occupée pour ressentir son absence, il essaye de me rassurer.

-Vous pouvez entrer, la petite voix de la secrétaire s'élève dans la pièce.

J'inspire et j'expire avant de me lever, je passe derrière Benji. On entre dans le bureau tapissé de fenêtres. Je serre la main que le directeur me tend et m'assois sur la chaise en cuir blanche.

7 janvier 2016, 16:00, Paris, Ken.

Je sors de la bouche de métro et marche, je tire ma dernière bouffée de beuh et écrase le mégot sous ma semelle. J'espère qu'elle est pas encore partie à Nice, j'me serais tapé cinq stations de trom pour rien. J'hésite en bas du bâtiment.

-Elle a clairement plus envie de te voir, s'esclaffe ma conscience.

Je rentre mes mains dans mes poches et grimpe les escaliers, je frappe à la porte, une petite rousse m'ouvre la porte, elle sourit en me voyant, ça fait un bail.

-Suga est pas là, elle me dit, mais vas y rentre !
-J'vais l'attendre alors.
-Ça va entre vous ?

Je fronce les sourcils.

-J'veux dire, avec vos retrouvailles et tout..
-Pas trop, mais c'est pas tes affaires ça, Tes'.

Elle soupire et roule des yeux.

-Elle devrait plus trop tarder, elle me dit, tu veux un truc à boire ou quoi ?

Je refuse poliment et m'assois sur le canapé.

7 janvier 2016, 16:30, Paris, Suga.

Benji me dépose devant mon immeuble, je le remercie encore et monte chez moi, je sors ma clé et ouvre la porte. Mes sourcils se froncent à sa vue dans mon salon.

-J'pensais t'avoir dit de me foutre la paix, je grogne.

Ken se lève du canapé et me surplombe d'une tête. Je pose mon trench-coat sur le porte manteau et me dirige vers ma chambre, Ken sur mes talons.

-Suga, il commence, j'ai pas utilisé notre histoire pour te blesser. J'avais besoin de tirer un trait sur tout ça et l'écriture me l'a plus ou moins permis, puis j'ai pas voulu l'utiliser pour la thune, de base c'était pour goleri on a mis en ligne un ceaumor ou j'parlais de nous et ça a bien marché, on s'est dit pourquoi pas faire un album, et c'est ça qui a plu, c'est l'authenticité de ce que j'raconte dans mes textes.

J'hoche la tête.

-Tu t'es expliqué, c'est bon, tu peux sortir de ma vie maintenant ?
-J'peux pas, il avoue.
-Pourquoi tu pourrais pas ?

J'ai à peine le temps de finir ma phrase que je me retrouve plaquée au mur derrière moi, les lèvres de Ken sur les miennes. Je ne le repousse pas de suite, parce que j'en ai pas tellement envie mais la voix de Clément qui s'élève dans l'appart' m'y contraint.

-Ça va pas dans ta tête, je m'énerve.
-Réagis pas comme aç, si ton mec avait pas gueulé ton zebla t'aurais pas bouger, il répond, j'te laisse, j'tiens pas à casser ton petit confort.

Il sort en claquant la porte, je souffle et sors à mon tour.

-Qu'est-ce qu'il faisait ici ? Clément demande.
-Rien, il est juste passé en coup de vent.

Risibles amours.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant