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26 février 2016, 09:00, Paris, Ken.

Son petit corps frêle contre le mien me réchauffe. C'est ce que je préfère dans le fait de regarder un film avec elle, c'est qu'elle est blottie dans mes bras. On a à peine dormi, on a passé la nuit à regarder des films, on a passé la nuit à s'embrasser. Rien de bien méchant. Je me suis arrêté juste au creux de ses seins, j'ai pas voulu aller plus loin. J'en avais pas besoin. J'avais juste envie d'elle, près de moi.

Sa respiration est devenue régulière, elle s'endort. C'est ironique qu'elle vienne chez moi pour chercher du réconfort quand on sait que j'lui ai causé pas mal de torts.

Moi aussi, mes yeux sont mi-clos, j'éteins l'ordinateur et le pose comme je peux sur le sol. Suga s'est collée un peu plus à moi, je pose mon menton sur le haut de son crâne avant de fermer les yeux entièrement.

26 février 2016, 20:00, Paris, Ken.

J'ouvre enfin les yeux, je cligne plusieurs fois pour m'adapter à la lumière de la pièce que je viens d'allumer. L'horloge indique vingt heures, Suga n'est plus à côté de moi, elle a sûrement dû rentrer.

Je me lève et marche jusqu'à la cuisine.

-J'pensais que tu te réveillerais jamais, elle me dit.
-J'pensais que tu serais partie.
-J'ai plus envie de partir, j'suis bien là, avec toi.
-C'est pas bien, tu le sais.
-Comme si tu t'en souciais.
-Non, mais j'me soucie de toi, tu va regretter quand tu vas rentrer et que tu verras...
-Ta gueule. Là j'suis avec toi, on oublie tout le reste, on s'en branle.
-Susu..
-Nek.
-Tu me tortures.
-T'as raison. Excuse moi, j'devrais pas t'aimer.
-Ah parce que tu m'aimes ?
-Depuis le temps.
-Je pensais que t'avais arrêté.

Elle ne dit rien, elle pince juste ses lèvres. J'appuie sur le bouton de la machine à café, toujours en silence qu'elle finit par briser.

-T'as arrêté toi ?
-J'aurais dû.
-Pourquoi tu l'as pas fait ?
-J'sais pas.

Je récupère ma tasse remplie et prend une gorgée du breuvage amer. La nuit commence à tomber, Suga a décidé de rester encore cette nuit. J'ai peur de déraper. Oh, et puis tant pis, si ça dérape, elle l'aura voulu, elle aussi.

27 février 2016, 17:00, Paris, Suga.

Je termine de prendre ma douche qui a été plus longue que prévue à cause de Ken.

J'enfile mes vêtements, quant à mon hygiène, je fais le nécessaire en ajoutant du rouge à lèvres.

Benji a insisté pour que je participe au shooting de ce soir, j'ai accepté, ça fait un moment que j'vais plus bosser.

-J'vais y aller, je souffle.
-J'te ramène ?
-Ça ira, c'est pas une bonne idée.

Ken s'approche de moi, il m'embrasse rapidement, j'ai absolument pas envie de partir et de le laisser derrière moi, mais je ne veux pas non plus rester avec lui.

-Tu reviens après, il me questionne.
-Non. J'ai besoin de voir Clément et de tout mettre au clair.
-Pourquoi tu restes pas avec moi ?
-Parce que j'serais jamais vraiment heureuse avec toi.

Il arque légèrement un sourcil et se mord la lèvre, j'avance vers la porte d'entrée, mes pieds luttent contre mon cerveau pour rester là, mais ils finissent par céder et me laisser quitter l'appartement.

Mes yeux me piquent, j'ai la gorge nouée en plus d'un goût amer et j'ai une furieuse envie de niquer des mères.

J'ai préféré mentir à Ken pour ne pas qu'il s'imagine que je vais tout laisser pour sa belle gueule.

On est trop divergents pour s'entendre correctement, j'sais très bien que si je me remet avec lui, ça va être comme avant. Et puis, y a Clément, malgré tout, j'ai des sentiments, même si ce ne sera jamais autant.

Benji est déjà adossé contre le mur de mon bâtiment, j'ai aucune idée depuis combien de temps il attend mais il a l'air impatient.

-T'es enfin là, il souffle en se décollant du mur.
-J'étais chez Ken.
-Tu faisais quoi là-bas ?
-Rien qui ne te regarde.
-Me dis pas que t'as couché avec lui.
-Ça, c'est pas tes affaires.
-Bref, on y va, il déverrouille son Audi.
-Ça va durer longtemps ? Je m'engouffre dans le deux places.
-Trois, quatre heures au max.
-C'est pourquoi ?
-Une collection printemps/été.
-Avec moins trois degrés ?
-T'en fais pas, ta petite diva intérieure va pas se les geler, il roule des yeux.

Je croise les bras sur ma poitrine, il sait que je déteste qu'on me prenne pour ce que je ne suis pas. On arrive enfin devant le lieu de shooting.

-Viens, Meg approche directement de moi, j'ai reçu des nouvelles palettes, j'ai trop hâte de les tester sur toi !

Je m'installe sur le tabouret, toujours dans le même mutisme que durant le trajet.

-Tu va mieux, elle me questionne.
-Mieux ?
-Benji a dit que t'étais malade, c'est pour ça que t'es pas venue nan ?
-Ah oui, oui ça va mieux.
-Souris, elle me demande avant de donner quelques coups de pinceau, Benji t'as parlé du shooting avec Nekfeu ?
-Pardon ?
-Nan, rien.
-J'vais le virer c'est pas possible, je m'écrie.

Elle termine mon maquillage, j'enfile les vêtements que je vais devoir porter et part à la recherche de mon autiste d'agent.

-C'est quoi ton putain de problème ?
-Excuse moi ?
-Le shooting avec Nekfeu, t'aurais pu me consultée !
-T'aurais refusé.
-Justement !
-Justement, tu ne peux pas te le permettre. C'est juste quelques clichés pour un magazine,c'est bien payé, le photographe appelle les mannequins, on en reparle après.

Je soupire et fausse mon plus beau sourire pour rejoindre la horde de squelettes devant l'objectif.

Le shooting se termine sur les coups de vingt trois heures trente, j'suis complètement fatiguée. Je troque le maillot de bain contre mon pantalon de jogging et mon sweat-shirt puis sort de la cabine, Megan me démaquille rapidement.

Je check mon iPhone, Eli m'a envoyé une dizaine de messages, merde, son anniversaire.

-Meg, tu peux me faire un maquillage de fête, léger, mais rapide, ça urge !
-Assieds-toi, elle me commande.
-T'es la meilleure.
-Oui, il paraît, elle se met à rire, et moi avec.

J'ai pris le premier métro pour le quinzième, j'espère qu'elle ne m'en voudra pas trop..

Son immeuble est étrangement calme, j'espère qu'elle est quand même la. Je monte rapidement et frappe à la porte, la métisse ouvre la porte et fronce les sourcils, prête à la refermer.

-Bon anniversaire, j'suis désolée, je m'excuse.
-Tu parles, elle se pousse pour me laisser entrer.
-El, j'avais un shooting, ça m'est sorti de la tête.
-Excuse moi, c'est vrai, Énes Collins n'a pas une seconde de sa vie minable pour se rappeler de l'anniversaire de sa meilleure amie, celle qui l'a accueillie quand ça allait pas.
-Minable vie ? Et j'm'en suis rappelé ! J'suis là, non ?!
-Il est passé minuit, retente ta chance l'année prochaine. Et ouais, minable vie. Ton mec te trompes devant tes yeux, mais t'es trop naïve pour le remarquer, tu trouves rien de mieux à faire que de te faire fourrer par le plus gros connard de Paris, tu vends ton corps et ton image pour te faire de l'argent, honnêtement, tu me fais de la peine. T'oublies même ta famille, elle crie.

-La prochaine fois, nique bien ta mère.

Risibles amours.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant