Epilogue

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Trois ans plus tard

Kacey serra son sac de danse, un grimace hésitante sur les lèvres, le petit collier au pendentif soleil rebondissant contre sa poitrine au rythme de ses pas pressés. Cela lui faisait étrange de revenir ici deux fois par an, de côtoyer à nouveaux ces rues, de croiser une nouvelle fois ces gens. Elle n'avait plus l'habitude de vivre à la cité des anges depuis la fin de sa dernière année.

Elle avait déménagé, depuis. Elle avait fini son année seule, alors que Travel et Robin étaient partie. Kelvin avait arrêté les cours pour se consacrer à l'épicerie de sa mère, tandis que Kith semblait complètement disparu de la circulation. Elle avait entendu un prof chuchoter qu'il avait obtenu le droit de changer de lycée, de s'en aller. Sur le coup, Kacey s'était sentie très seule. Tout le lycée semblait regorger de l'ombre de ces cinq lycéens peu ordinaires qu'elle avait côtoyait pendant quelques mois.

Elle se rappelait de la fin de son année, et de ses heures à contempler le plafond de la salle de danse sans parvenir à effectuer le moindre pas. Elle avait mis longtemps à guérir, à s'en remettre. Puis, un jour, un homme était venu toquer à la porte de la salle en disant que c'était son ancienne professeur qui l'envoyait. Il avait visionné toutes ses danses, était tombé amoureux de ses pas. Kacey avait éclaté en sanglot sous ses yeux étonnés, et lui avait expliqué qu'elle était désormais incapable de faire ne serait-ce qu'une pointe. L'homme s'était contenté de sourire en lui tendant un fin mouchoir en tissu. Et alors qu'elle essuyait ses larmes, il avait murmuré doucement que, lorsqu'on trouvait un diamant, il fallait aussi trouver la patience de le polir. Puis, il était parti en ayant la folie de lui laisser ses coordonnées.

Et Kacey avait eu la folie de le rappeler.

Elle s'était battue avec son père pendant longtemps avant qu'il n'accepte, mais elle avait fini par déménager à Washington. Elle s'était pris un petit appartement seule et avait intégré la grande école de danse. Monsieur Parotii l'avait pris sous son aile et, Dieu, il l'avait fait encore plus transpirer que sa vieille prof de Los Angeles. Kacey avait tout recommencé à zéro, avait appris à se fixer des limites et à surpasser la douleur. Et si elle n'était pas encore danseuse étoile, elle étudiait. Elle évoluait, et elle aimait vraiment beaucoup ce qu'elle faisait.

Elle ne regrettait pas d'avoir emménagé dans la grande capital. Elle téléphonait à son père tous les jours, et lui rendait visite deux fois par an.

Et puis, elle devait revenir dans cette salle. Elle l'avait promis, même si Robin avait été absent les deux autres fois. Elle ne comprenait pas pourquoi elle continuait de s'y rendre machinalement à chaque fois qu'elle était de passage en ville.

Peut-être était-ce plus fort qu'elle.

Cependant, cette fois-là, lorsqu'elle tourna le verrou et entrebâilla la porte, son regard saisit une ombre dans le fond de la salle, sur le même fauteuil qu'autrefois. L'ombre se releva alors qu'elle entrait totalement, le ventre noué à la pensée qu'elle se faisait probablement un faux-espoir. Elle ferma les yeux une poignée de seconde, incapable de regarder la silhouette présente dans la salle et de se rendre que ce n'était pas lui.

Mais elle entendit un rire, et elle sentit un poids s'envoler de sa poitrine alors qu'elle ouvrait les yeux. Robin avait beaucoup changé, en trois ans. Ses cheveux étaient coupés court dû à l'armée, et il portait encore le pantalon treillis typique des soldats, ainsi qu'un simple t-shirt noir. Kacey put se rendre compte qu'il avait aussi pris du muscle. Son regard semblait plus posé, plus calme. Moins brûlant.

Et si l'hirondelle était toujours présente dans son cou, Kacey pouvait aussi remarquer la présence d'un petit soleil sur son épaule.

Robin n'était plus même, c'était incontestable, mais n'avait-elle pas changé, elle aussi?

-Tu es toujours aussi belle, petit Lapin, murmura alors la voix du garçon alors qu'elle continuait de l'observer sans rien dire.

Cela fait étrange de le revoir après tout ce temps. Pourtant, lorsqu'il fit un simple pas vers elle, Kacey avança sans réfléchir. Elle avança rapidement jusqu'à lui et l'entoura de ses bras. Elle posa son front contre le sien alors que Robin se penchait encore un peu plus, et qu'il l'embrassait.

Ce baiser avait goût salé, comme le dernier qu'ils avaient partagé.

-Tu m'as manqué, souffla-t-il doucement.
-Tu n'avais qu'à revenir avant, grommela-t-elle en plongeant la tête dans son t-shirt.

Robin serra le petit corps contre lui, incapable de réaliser qu'il la tenait enfin. Lorsqu'il n'avait pas eu la permission de quitter le terrain la première année, il avait cru qu'il ne la reverrait plus jamais. Travel s'était moqué de sa tête pendant les trois semaines suivantes, alors qu'ils partageaient une tente. Il s'était même senti obligé de l'écrire à son jumeau, ce pauvre débile.

La seconde année, c'était Travel qui était rentré. En revenant, il lui avait expliqué que Kith poursuivait de brillantes études en informatique. Il s'était vanté pendant des jours et des jours qu'il était le jumeau d'un génie, et leur potes du bataillon le charriait encore pour ça.

Puis, Travel avait un peu baissé la voix, et il avait parlé de Kelvin. Le garçon semblait toujours aussi enfermé sur lui-même et bien plus solitaire depuis qu'ils étaient tous partis. Lui, était resté avec sa mère, et il s'occupait de l'épicerie un jour sur deux. Il lisait, toujours et toujours. Il aidait aussi sa mère à soigner les pauvres gars de la rue. Travel lui avait confié que leur ami avait agrandi cette distance qui le retenait au monde, comme si la mort d'Elonie et le départ de ses autres amis lui avaient fait prendre conscience que tout le monde partait. Peut-être qu'abandonner un second proche dans la rue pour sauver sa peau avait détruit une part de lui qui ne reviendrait jamais. Cela avait touché Robin, et il avait fait l'effort de lui écrire des lettres tous les jours après ça. Son grand lascar avait intérêt à filer droit en attendant son retour.

Puis, après un court silence, Travel lui avait avoué qu'il avait été sur la tombe d'Elonie, et qu'il avait été voir Madame Villon, aussi. Robin avait beau lui écrire, il sentait que sa mère lui en voulait toujours un peu d'être parti si brusquement. Il lui envoyait l'argent qu'il gagnait tous les mois, mais il savait que ce n'était pas cela qui lui manquait. C'était son garçon. 

L'ancien Archer lui raconta ensuite que la petite Moira avait encore plus grandi que sur la dernière photo qu'elle lui avait envoyé, et qu'il en avait ramené une nouvelle pour qu'il se fasse une idée.
Le seul qu'il n'avait pas pu voir, c'était Kith. Il était parti étudier un peu trop loin, et Travel n'avait pas les moyens de s'y rendre. Robin avait vu que cela lui avait fichu les boules, de ne pas pouvoir revoir son jumeau. Mais quand il lui avait posé la question, son ami lui avait répondu qu'il n'en avait pas besoin. Que, d'un certain sens, la distance leur avait fait comprendre qu'ils étaient toujours l'un avec l'autre d'une certaine manière. Et Robin avait souri en se disant que ses amis avaient bien grandi. La bande de petits gars qui s'amusaient à terrasser les riches dans les coins sombres étaient bien loin.

Trois ans plus tard, il revenait enfin, avec la permission de rester à la base la plus proche jusqu'à sa première mission en Afghanistan. Il était alors rentré chez lui, avait salué sa mère et sa petite soeur. Il leur avait promis de les emmener manger chinois le lendemain soir, puis il était parti attendre dans la petite salle de danse de la plus jolie des danseuses. Il n'osait pas croire qu'il la verrait, n'osait pas espérer qu'ils se retrouveraient. Robin n'était pas romantique, et il ne croyait pas aux histoires d'amour éternelles.

Mais elle l'avait embrassé. Elle s'était réfugiée dans ses bras sans la moindre hésitation. Et il s'autorisa à penser qu'à défaut d'éternelle, certaines histoires pouvaient bien durer le temps d'une vie.

-Dis, petit Lapin... Ca te dirait qu'on aille au resto, toi et moi?  Demanda-t-il enfin, alors que la jeune-fille lui souriait.
-Qui sait? On pourrait voler un bus, souffla-t-elle contre ses lèvres alors que le jeune-homme éclatait de rire.

RobinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant