Foutu pour mordu.

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Le monde peut-il s'arrêter de tourner ? Ou est-ce juste moi qui perd la boule ? J'avais cessé de compter les minutes depuis la morsure, ça me donnait le tournis. Tout me donnait le tournis. Ne serait-ce que de penser au tournis...

J'avais fini par me trouver un endroit calme où mourir, sous un arbre, tranquille, mais la mort mettait du temps à venir, la paresseuse. Si bien que j'avais fini par m'endormir. 

Je fis un rêve bien étrange, et mon réveil fut bien pire.  Dans mon rêve, des hommes déguisés en zombie me pourchassaient, à mon réveil un zombie qui fut un homme rampait à moi. Je lui explosai le crane d'une pierre croisant mon poing par hasard. 

Je me sentais bien. Vivante. Est-ce qu'on se sentait plus vivant avant de mourir ? Était-ce la vie qui s'émerveillait en moi pour la dernière fois ? Je regardai mon bras, la morsure semblait se cicatriser. Ou peut-être étais-je devenu complètement dingue. Devenir dingue me semblait pas être la pire des choses.

J'entendis crier, et sans même y penser je me retrouvai à courir, à courir en direction du cri. Un gosse, il y avait un gosse, au beau milieu d'une horde. Bordel. Plus il criait, plus il en attirait. Et je ne savais pas comment lui venir en aide. Pouvais-je aider qui que ce soit ? Oui, je voulais le croire, ne pas vivre en vain. Ne pas mourir pour rien. 

Je me mis à crier à mon tour, pour attirer ces foutus bouffeurs d'organes vers moi. J'étais déjà infectée, autant que cela serve à quelque chose. Je courais donc dans le sens opposé à pleins poumons, en hurlant jusqu'à ce que mes jambes ne puissent plus me porter. Le tournis revenait me faire danser, et mes pas se confondaient, et ma respiration se faisait râle, et je ne m'étais jamais sentie aussi bien. Vivante.

Je traversais les voitures abandonnées sur la route déserte. Je me débrouillais bien pour éviter les mâchoires folles et les pare-brises des voitures, jusqu'à ce que l'une d'entre elle m'aspire, avant de refermer la portière sur moi, et une main pressa ma bouche. Une main chaude, de vivant, que je m'empêchais de mordre, de peur de la contaminer. Je ne sais trop combien de temps on resta ainsi, l'un contre l'autre dans cette voiture, en silence. Le temps, c'est une chose bien fugace, bien traître. Les anges ne passe plus, comme le sable.

La horde devait être loin maintenant. Je me libérai de l'emprise de mon sauveur, et sorti de la voiture sentant un peu trop l'œuf pourri et le parfum bon marché à mon goût.  Une fois dehors, la tête sur les épaules, le sang battant dans mes tempes, je me mise à courir, à courir encore. Je courais souvent ces jours-ci. C'est là tout ce que je pouvais faire.

Ma course folle n'avait servie à rien. Le gosse avait été dévoré. Dévoré. L'impuissance me retourna violemment l'estomac. L'homme de la voiture était sur mes pas, une cigarette au bec, il se tint debout à côté de moi. Je pensais un peu trop, et je ne voulais pas, je ne voulais pas finir comme ça. Maintenant plus que jamais, je voulais vivre.

"Était-ce un ami à toi?" me demanda t-il d'une voix très douce.

Je tombai sur le sol. Non, c'était un inconnu, c'était le monde entier, c'était la fin. Jamais le désespoir ne m'avait sembler être la seule émotion encore possible. L'homme se mit en tailleur à côté de moi.

  "Je voulais juste aider, lui confiais-je entre deux sanglots.
_ C'est comme ça qu'on perd les gens parfois gamine, en essayant de les sauver."
Et il s'alluma une nouvelle cigarette. Et je versai une nouvelle larme. Et le monde continuait de tourner.  

C'était vraiment une journée de merde.

Une Cinglée parmi les ZombiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant