Juste de la compagnie, Gamine.

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« Fumer, c'est nocif pour la santé, tu sais. Le réprimandais-je. »

Il explosa de rire. Un rire si naturel avec les épaules qui rient aussi et la tête qui part en arrière, portant son rire au ciel dont les nuages disparaissaient. Et d'un coup, il paraissait bien plus jeune. On voyait encore un peu l'enfant derrière sa barbe de plusieurs jours et le reste. Une vingtaine d'année tout au plus. Pourquoi étais-je étonnée ? Les plus jeunes sont les plus susceptibles de survivre. Il me rappelait Nox. Un Nox rouquin un peu plus grand, et un peu plus souriant. Et la nostalgie et le manque et le regret vinrent frapper l'hémisphère droit de mon cerveau, et le gauche aussi tant la frappe était puissante. Un Pokémon badass comme Mew n'aurait pas survécu à une telle attaque, et bien vite mon cerveau devient plus embrouillé qu'un Saquedeneu.

Je lui souriais en retour malgré tout. Un sourire un peu triste sans doute, et un peu pathétique en vue des récents événements, comme on sourit à un enfant pour le rassurer. Comme j'aurais aimé sourire à l'enfant qui s'était fait dévorer quelques heures auparavant. Pour mon plus grand étonnement, moi qui avait toujours détesté les gosses. Je me disais que peut-être, l'apocalypse m'avait déjà changé. Puis, je repensais à ma blessure. J'allais radicalement changer.

« Tu ferais mieux de retourner te cacher, la nuit va bientôt tomber. Le prévenais-je. »

Il arrêta de rire brusquement, ses épaules se figèrent, et sa tête prit une teinte paniquée tandis que je m'éloignais. Il avait décidé de me coller aux basques. Le pauvre, pensais-je, il devait être seul depuis des jours.

« Ecoute. Je te suis très reconnaissante de m'avoir tenu compagnie pendant ma crise de larmes, et de m'avoir secouru lors de ma petite interaction avec les bouffeurs-d'organes mais il faut vraiment que tu t'éloignes de moi. »

Machinalement, je touchais mon bras, là où la morsure continuait de se faire sentir, me demandant quel danger je pouvais bien représenter. J'essayai de me rappeler les explications de Véro : combien de temps devait s'écouler entre la contamination et la transformation ? Je ne me souvenais d'absolument rien. Mon esprit était plus vide qu'un pot de pâte à tartiner un jour de Chandeleur !

« Non. »

Ces trois lettres me sortirent de mes pensées. J'étais toujours immobile en face de l'homme-enfant-survivant et ses yeux verts à la fois implorants et déterminés, soulignés de cernes et aux sourcils froncés.

« Non quoi ? répondis-je.

_ Non. Je reste avec toi, gamine. »

Comme seule réponse, je lui montrai mon bras. Il ne cilla pas.

« A quand remonte cette morsure ? demanda-t-il calmement.

_ Je ne m'en souviens plus.

_ Okay.

_ Okay ?! »

Il haussa les épaules. Apparemment, être seul semblait être pire que de passer du temps avec une future bouffeuse d'organe. Je ne savais pas si je devais être énervée qu'il ne voit pas à quel point je suis une héroïne tragique à essayer de lui sauver la vie quitte à être seule et tout, ruinant mon sacrifice ; ou si je devais être effrayé qu'il veuille à n'importe quel prix avoir de la compagnie, peu importe laquelle, avec une désinvolture palpable et probablement une brèche dans sa raison ; ou encore, si je devais juste avoir pitié de ce tendre fou, tellement innocent pour une telle décadence. Le jeune homme était intrigué par ma morsure, non intrigué du genre 'il faut surveiller ce danger potentiel et peut-être l'Ex-ter-mi-ner.', il semblait juste curieux.

« Étrange, ça à l'air de cicatriser. Ça doit faire ça normalement ?

_ Je ne sais pas. J'ai rarement eu l'habitude de me faire mordre par une bestiole antérieurement humaine. Répondis-je légèrement agacé. »

Il sourit de nouveau et m'attrapa la main dans un geste solennel.

« Je m'appelle Hellébore. Mais les gens me surnomment Hell, enfin quand ils étaient vivants. Parce que je suis un vrai emmerdeur. Et que c'est le diminutif de Hellébore. Mais bon, à présent, il semblerait que je ne sois pas le plus infernal, non ? »

Je m'y du temps avant de comprendre ce qu'il faisait. Je remarquai enfin qu'il tenait une arme dans sa main gauche, une hache, preuve qu'il avait envie de survivre et qu'il n'était donc pas complètement abrutit.

Je ne voulais pas l'entraîner dans ma chute, mais il était borné de toute évidence. Tant pis pour lui, s'il ne donnait pas grande valeur à sa sécurité, je n'avais pas à me sentir coupable. La liberté humaine, c'est tout ce qu'il nous restait après tout. (J'étais convaincu que ma prof de philo serait fière de moi à l'instanté.) S'il voulait rester avec moi, qui étais-je pour l'en empêcher ? Il savait ce qu'il risquait après tout ! Je me récitais ces arguments pour tenter de me prouver à moi-même que je n'étais pas juste une grande égoïste de vouloir tendre la main à mon tour.

Je levai les yeux, il y avait un arc-en-ciel. Je pris ça pour un signe divin qui m'autoriserait à accepter l'aide de mon prochain. (La fierté de ma prof de philo devait être en train de s'effondrer.) Je serrai donc sa main.

« On m'appelle Grenie, à cause de mes cheveux ! expliquais-je comme à l'accoutumé.

_ Bah quoi tes cheveux ? »

C'est avec tristesse que je pensais que mes cheveux devaient maintenant être de nouveau banalement châtain, et le resteraient désormais. Adieu mes cheveux verts.

Adieu la vieille moi. 

Je me réconfortai en fixant les yeux verts de mon nouvel ami.

« Bien, Hell ? On fait quoi ? »

Il haussa les épaules de nouveau. Et sortie de son sac à dos une nouvelle cigarette, me gratifiant d'un grand sourire tandis que je roulais des yeux.

« J'en sais rien moi. Je voulais juste de la compagnie. Tu choisie aujourd'hui, et je choisirais demain. D'accord Gamine ? »

Sa proposition me rappelait les enfants qui cherchaient un nouveau jeu après s'être lassé de l'ancien. Ça me réchauffait le cœur de voir qu'on pouvait toujours rester un peu enfant, et que certaine chose ne changeait jamais. Je lui pris la main, sans penser aux temps qu'il me restait, et on partit, sans penser où on devait bien aller.

Juste de la compagnie.

C'est alors, que j'entendis quelqu'un crier mon nom, et sans trop savoir ni pourquoi, ni comment, je me reçus une gifle en plein visage.

Une Cinglée parmi les ZombiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant