Aliénor ne trouva pas plus le sommeil cette nuit. Elle ne voulait pas retourner dans sa chambre, de crainte d'y trouver Bérith, et avait peur de croiser un humain trop curieux dans les couloirs.
Inconsciemment, ses pas la guidèrent jusqu'à l'antre d'une sorcière.
La seule à savoir dans quelle situation elle se trouvait aujourd'hui.
Suite à son mariage officieux avec Florentin, Léopoldine s'était vue attribuer une salle réservée à ses décoctions. Un grand chaudron trônait près de la fenêtre, afin de laisser la lune le baigner de sa lumière. Des ouvrages s'alignaient d'un côté, des ingrédients peu ragoutants de l'autre. Des yeux de crapauds côtoyaient des ailes de chauvesouris, mais aussi de la betterave, du cèleri ou encore de la coriandre. On trouvait vraiment de tout, là-dedans.
Il y avait Léopoldine, aussi.
Vêtue d'une chemise de nuit confortable, elle s'affairait à hacher du... Du quoi, au fait ? Cela ressemblait à un doigt !?
-Bonsoir, Aliénor, chantonna la sorcière en se tournant vers elle, son hachoir taché de sang à la main. Quel bon vent t'emmène ?
À son air sinistre, son sourire se figea sur ses lèvres. Léopoldine, bien que son prénom soit atroce, était absolument ravissante. Ancienne prostituée et reine de la potion pour l'érection des hommes, elle était puissante. Mais surtout, elle était très amoureuse de Florentin.
-Un problème avec le démon ? fit-elle doucement.
Si Léopoldine savait tout cela... c'est parce que des jours plus tôt, elle avait cherché à pactiser avec un démon, afin de sauver son époux. Condamné à disparaitre en raison d'un sortilège, le Marquis d'Aresac était aux portes de la mort quand elle avait pris cette décision.
Aliénor s'en était aperçue, et était intervenue. Elle avait vendu son âme à la place de la jeune sorcière. Car sans cela... Le démon en question n'aurait jamais accepté. Bien qu'à la base un autre ait été appelé, c'était le Duc de Bérith qui s'était imposé. Or, pour lui, l'âme d'une louve-fée était la chose la plus précieuse...
Ils avaient donc passés un pacte : en échange de son âme, il l'aiderait à vaincre Oncle Oscar. Le souci, c'était qu'Aliénor avait bien l'intention de garder cette partie de son être.
-Ouah, fit Léopoldine au terme de ses explications. Il me surprend, ce Duc de Bérith.
Assise sur son plan de travail –en fait, le doigt appartenait à l'un des cadavres ressuscités par mégarde par Erik-, elle battait des pieds dans le vide. Installée à même le sol, Aliénor contemplait les flammes sous le chaudron d'un air contrarié.
-Pourquoi cela ? s'enquit-elle, face à la surprise de la sorcière.
-Ma foi... C'est un démon. Il aurait pu insuffler en toi un désir ardent et te prendre à ce moment-là.
Heu... Elle cligna plusieurs fois des yeux, avant de réaliser. Effectivement. Il aurait très bien pu faire cela.
-Il préfère plutôt te faire la cour... Bon, de façon démoniaque, mais c'est très surprenant.
-Tu l'as dit toi-même, c'est un démon, Léopoldine. Il doit s'amuser de la situation. Il doit faire durer le plaisir de cette façon.
Elle réfléchit.
-Effectivement, c'est une possibilité.
-Dis-moi... Il n'y aurait pas un moyen de... Je ne sais pas... Rompre le pacte ?
-Ouuh... Tu joues à un jeu dangereux, Aliénor ! Surtout que le Duc de Bérith n'est pas un enfant de chœur !
La mare de sang, dans la forêt, lui revint.
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4. La Parade du Cuistre
Historische RomaneAliénor de Millicent marche sur des charbons ardents. Pas seulement parce que son oncle démoniaque veut détruire sa famille, pas seulement parce que sa sœur se marie. Non, elle se trouve aussi prise entre un Duc Infernal féru de visites nocturnes, e...