Chapitre 6 - Partie 1

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J'étais restée une bonne heure et demie chez Charles Acido donc, en comptant le trajet, je m'étais absentée un peu moins de deux heures et demie. À mon retour, Sam avait réintégré son affreuse blouse et avait rallumé un feu. Il se tenait assis par terre avec dans ses mains un pull qu'il faisait sécher à la chaleur des flammes. Je posai le sac de médicaments sur le sol et allai me poster à côté de la cheminée pour lui faire face.

- Qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi tu es habillé comme ça ? le grondai-je.

- Les vêtements de ton père sentaient trop son odeur et je ne voulais pas que ça te mette mal à l'aise.

- Et ?

- Je les ai fait bouillir ! conclut-il tout naturellement.

Ça partait d'une très bonne intention, il était vraiment charmant mais je m'inquiétais pour sa santé.

- Tu as lavé les vêtements que je t'ai donnés ?

- Non, seulement ce que je vais porter aujourd'hui. Mon pantalon, mon T-Shirt et mes sous-vêtements sont déjà secs. Je ferais le reste plus tard.

- Sam, tu dois t'habiller tu vas mourir de froid, haussai-je le ton.

- Je suis devant le feu, tout va bien, m'assura-t-il en posant enfin ses pupilles vertes sur moi.

- Je ne fais jamais de feu la journée, lui fis-je remarquer.

- Pourquoi ?

- Parce que je n'ai pas assez de réserve de bois pour me permettre de chauffer jour et nuit.

- Je t'aiderais à fendre, me promit-il gentiment.

Je soufflai face à toutes ces gentillesses dont il me gratifiait et il se releva, un large sourire illuminant son visage.

- C'est bon ! claironna-t-il. Tout est sec.

- Alors va vite t'habiller !

Il ramassa ses affaires et fila jusqu'à la salle de bains. Il en sortit à peine une minute plus tard tout mignon. Le voir dans les habits de papa ne me fit pas autant d'effet que je l'aurai pensé. Ce que je voyais surtout c'était Sam. Il portait un pull bleu qui épousait parfaitement les lignes de son corps et un jean qu'il avait dû retrousser aux jambes. Il paraissait tout de suite moins malade dans cette tenue.

- Tu vas mieux ? m'enquis-je auprès de lui.

- Beaucoup oui, ce n'était pas grand-chose.

À peine eut-il fini sa phrase qu'il fut interrompu par une toux abominable. Je pris sur moi pour ne pas en faire un cas et ne pas l'inquiéter.

- Je t'ai ramené des médicaments, me contentai-je de lui dire.

- Où les as-tu trouvés ?

- Chez un ami ! balayai-je l'information.

Je n'avais pas réellement envie de m'étaler sur ce qu'il avait fallu que j'endure pour les obtenir, mais ça valait la peine à mes yeux. Il prit ce que je lui donnai et il insista pour m'aider à préparer le déjeuner. Je voulais par-dessus tout lui faire plaisir et voulus lui préparer le lapin que m'avait donné Monsieur Acido agrémenté de quelques épices. Le rongeur finit donc embroché sur une pique et rôtit au-dessus du feu. Rien qu'à l'odeur je savais déjà qu'on allait se régaler.

Je fis les choses bien et mis même la table pour que nous mangions convenablement. Nous ne mangeâmes pas comme des ogres, préférant en garder pour les repas à venir. Après quoi, comme promis, Sam insista pour que nous sortions fendre du bois. Il me fut d'ailleurs d'une aide précieuse dans cette tâche et en un après-midi, j'étais l'heureuse propriétaire d'une pile de bois gigantesque.

À notre retour à la maison, éreintés et sales, nous nous écroulâmes tous les deux sur mon lit. Au début il était juste question de se poser quelques minutes mais, sans nous en rendre compte, nous plongeâmes dans un profond sommeil.

À mon réveil, au milieu de la nuit, j'étais tendrement pelotonnée dans ses bras tandis qu'il m'enserrait avec amour, sa joue posée sur le sommet de mon crâne. Inconsciemment, nous avions laissé notre esprit faire ce qu'il avait envie de faire sans aucunes restrictions de notre part, sans convenances pour le freiner.

J'aimais beaucoup Sam. Je ne le connaissais que depuis une journée mais j'avais déjà une foule de sentiments à son égard. Il était beau, gentil, prévenant, totalement désintéressé et si parfait que je peinais à croire qu'il existe. Je ne voulus pas me défaire de son étreinte, trop contente de sentir la chaleur de son corps réchauffer le mien. Il me sentit bouger et resserra ses bras autour de moi avant de finalement ouvrir les yeux.

Le feu n'était plus qu'un amas de braises rougeoyantes qu'un simple morceau de bois ferait aisément repartir. Je ne montrai pas à Sam que j'étais réveillée. Je gardai les yeux fermés et le sentis se glisser hors du lit avec la plus grande délicatesse possible. Ouvrant minutieusement un œil, je le vis prendre une bûche qu'il déposa sur les braises.

Je l'observai méticuleusement et ne me lassais pas de ce que j'avais sous les yeux. Sam était un cadeau, c'était le destin qui l'avait envoyé dans mon jardin sinon qui d'autres ? La nuit commençait à tomber. Nous n'avions fermé ni les volets ni la porte et pourtant, je me sentais plus en sécurité avec lui en pleine nuit que seule en plein jour avant sa venue dans ma vie.

Il ramena de la cuisine une casserole d'eau qu'il déposa sur les flammes naissantes et se mit à tousser. Mon cœur se serra à l'écoute de ce son détestable.

- Tu es inquiète, dit-il à haute voix sans se tourner vers moi.

- Comment tu savais que j'étais réveillée ? lui répondis-je toujours couchée.

- Je t'ai sentie bouger ! J'imagine que quand une femme fait semblant de dormir c'est qu'elle n'a pas envie de parler. Je n'ai pas voulu te forcer.

Pour la première fois, je le sentis peiné, déçu, à tel point qu'il n'avait pas encore osé me regarder, les yeux rivés sur les petites volutes de fumée.

- Si j'ai fait quelque chose de mal tu dois me le dire ! me fit-il remarquer Est-ce que mon attitude était déplacée ? Je n'aurais peut-être pas dû partager ton lit !

- D'où tu sors tout ça ? m'étonnai-je en me redressant. J'aime te sentir près de moi, au contraire. Je crois même que je t'aime beaucoup, avouai-je.

Il eut pour toute réaction un petit sourire en coin.

- Si je suis inquiète, poursuivis-je, c'est parce que j'ai peur que tu aies attrapé la grippe X.

- Tu penses que c'est possible ? demanda-t-il sans pour autant paniquer.

- Et ben..., réfléchis-je. Tu ne te rappelles pas avoir été vacciné par la Déveine alors...

- Pourquoi parles-tu toujours de la Déveine comme d'une bonne chose alors qu'elle a pratiquement éradiqué toute l'espèce humaine ? me coupa Sam.

- Je n'en parle pas comme d'une bonne chose. Mon petit frère Paul est mort de la Déveine ! lui appris-je la voix tremblante. Je dis juste que c'est le seul rempart contre la grippe X.

- Et quel est le rempart contre la Déveine ?

- Aucun ! Une fois qu'elle est en nous il n'y a plus qu'à prier pour qu'elle ne nous achève pas.

- Si jamais ça devait t'arriver..., commença-t-il hésitant. Je crois que je ne pourrais pas vivre sans toi.

- Je crois que je ne pourrais plus vivre sans toi non plus.



S.A.MOù les histoires vivent. Découvrez maintenant