- Tu te rappelles quand je me suis senti mal, hier matin, dans la salle de bains ?
- Oui ? lui répondis-je très prudemment.
- En réalité je ne voulais pas sortir parce que j'ai découvert quelque chose !
- Quoi ?
- Quand j'ai enfilé les vêtements de ton père j'ai immédiatement changé d'apparence...
- Changé d'apparence ? répétai-je avec l'angoisse d'avoir compris pendue au ventre.
- Les vêtements de ton père étaient encore imprégnés de son odeur et quand je les ai mis j'ai tout de suite changé de corps pour devenir lui. Je ne voulais pas t'effrayer d'autant plus que je l'étais carrément moi aussi. Alors je ne t'ai rien dit. C'est pour ça que je les ai lavés pendant que tu n'étais pas là.
- Tu veux dire que tu es polymorphe ?
- Si ça veut dire changer de forme à ma guise alors j'en suis un oui !
Je restai bouche bée après avoir entendu cette révélation. Ce qui me troubla le plus ce ne fut pas, à ma grande surprise, qu'il soit polymorphe, mais de savoir que derrière la porte de la salle de bains s'était trouvé mon père. Je donnerai n'importe quoi pour avoir ne serait-ce qu'une minute de plus avec lui, pour le revoir.
Sam me sortit de ma rêverie lorsqu'il vint s'agenouiller devant moi, saisissant mes mains avec convictions.
- Je t'en supplie il faut que tu me croies. C'est la stricte vérité, m'implora-t-il.
- Mais je n'en doute pas, le rassurai-je bien que mes pensées divaguaient encore. C'est logique même, rajoutai-je. C'est pour ça que tu avais les yeux de Charles Acido tout à l'heure !
- Oui ! Et d'ailleurs c'est aussi pour ça que j'ai tes yeux depuis que je t'ai rencontré.
- Tu as mes yeux ? lui dis-je ahurie.
- Oui ! me sourit-il tendrement.
Jamais je n'aurai pu faire le rapprochement entre ses magnifiques yeux verts et les miens, pas une seule seconde.
- Mais alors comment ça marche ? Comment se fait-il que tu ne prennes pas mon apparence, ni celle de Charles Acido, mais que tu prennes celle de mon père qui est mort.
Je me remémorai comme un souvenir merveilleux le premier soir où je l'avais ramené à la maison, étendant son corps sans réaction dans mon lit et le reflet scintillant de ses yeux à la lueur de l'allumette quand il s'était réveillé en pleine nuit.
- Je crois que je ne peux faire que des hypothèses pour le moment mais..., fit-il une pause pour réfléchir. Pour les yeux je ne peux pas le contrôler, ils changent d'eux-mêmes. Par contre je crois que je peux choisir ou non d'emprunter la morphologie de quelqu'un.
- Et pour papa ?
- Certains souvenirs sont très forts et la présence de ton père m'a semblé évidente. Son odeur très présente m'a prise au dépourvu comme s'il était là, avec moi. C'était la première fois que je changeai d'apparence et je n'ai pas su le contrôler.
- Alors ça veut dire que tu pourrais le refaire ? me renseignai-je les larmes au bord des yeux.
- Oh non Molly, ne me demande pas ça !
- Je t'en supplie Sam, juste une fois ! craquai-je.
- Oh Molly !
Il me prit dans ses bras et me consola affectueusement pendant tout le temps que dura mon chagrin. Chagrin... En réalité, c'était bien plus fort que ça ! J'étais dévastée d'imaginer qu'on puisse me refuser de voir mon papa encore une fois. Et si je lui donnais un vêtement de chacun des membres de ma famille pourrait-il devenir eux aussi ? Pourrai-je revoir Paul et maman ?
Toutes ces émotions violentes, refoulées depuis des mois parce que je croyais ne plus avoir assez de larmes pour les pleurer revinrent à la surface. Bien sûr que j'avais encore assez de larmes pour eux, ce que je n'avais plus c'était la force. Je m'étais efforcée pendant tout ce temps de ne pas craquer, d'avancer ou du moins de faire semblant d'avancer, de me duper moi-même en me faisant croire que j'étais assez forte.
Je ne réussis plus à m'arrêter après ça. Je repensais à tout, à leur absence, au fait que je ne reverrai jamais ma famille et à la douleur que je ressentais. Les bras de Sam me furent d'un grand secours et je n'avais pas l'intention de m'arrêter. J'étais trop malheureuse. Pourquoi n'étais-je pas morte en même temps qu'eux ? Pourquoi moi j'étais encore en vie, toute seule et qu'eux étaient tous partis ? Pourquoi ça m'arrivait à moi ?
Devant mes sanglots incontrôlables, Sam me souleva du sol pour me porter jusqu'à mon lit. Il m'y déposa, se faufila dans les draps tout contre moi et il resta là, à me consoler, jusqu'à ce que je m'endorme, ravagée par les pleurs et la tristesse.
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S.A.M
Science FictionEn 2050, le monde est soudainement ravagé par une nouvelle mutation du virus de la grippe que tout le monde pense inoffensif. Sans même qu'ils ne s'en aperçoivent, les Hommes se retrouvent victimes d'une pandémie et nomment le virus "la grippe X". P...