Chapitre IX: Dragonfly

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Les âmes, libellules du monde
Victor Hugo

C’est un bruit qui oscille entre le vrombissement d’un moteur et le battement d’aile d’un oiseau. C’est pas possible ! On ne peux pas rester cinq minutes en paix, tranquillou, sans que quelqu’un ne vienne nous déranger !

Je me rends alors compte de l’endroit où je suis et surtout de la personne avec qui j’y suis. Je me redresse d’un bond, manquant de faire tomber Will, qui continue de dormir comme une bienheureuse, allongée là, sur notre banc, comme si de rien n’était.

Je la regarde dormir environ trente secondes avant de me rappeler du bruit qui m’a réveillé. Je regarde autour de moi et aperçois une énorme libellule en vol stationnaire, environ un mètre au dessus de ma tête.  Elle doit faire pas loin de dix centimètre, ce qui est énorme pour une libellule.

Je me demande si ce n’est pas Dario qui s’est fait changer en insecte après avoir à nouveau essayé de draguer une fille et que cette fille se soit en fait révélée être une fée déguisée. Ce serait bien son genre…

Mais alors qu’elle (la libellule, pas la fée, ni la sorcière...) se rapproche de moi, je remarque ses yeux. Après un examen minutieux, je comprends que ce ne sont pas des yeux. «Les yeux qui n’étaient pas des yeux» Ça sonne bien comme titre de film d’horreur, non ? Ce qui lui sert en tout cas d’appendices visuels sont deux petites caméras.

Mais qui dit caméra dit drone. Et qui dit drone dit forcément pilote. Et qui dit pilote dit caramel.

D’accord, qui dit pilote ne dit pas forcément caramel, mais moi, ça me détend de manger des caramels en pilotant un drone.

Pour en revenir à notre histoire, il y a un type qui viens de nous filmer, Will et moi, en train de piquer un petit roupillon dans les bras l’un de l’autre. Je ne le sens pas, mais alors pas du tout. J’ai peur pour moi, mais j’ai surtout peur de ce qui peut arriver à Will de ma faute.

Je commence alors à parler à la machine, surtout pour me défouler puisque je ne pense pas qu’elle puisse me répondre:

-Qu’est-ce que tu me veux ? Tu cherche des ennuis ? Les drones n’ont rien à faire dans l’enceinte de ce parc. C’est formellement interdit.

Et là, à ma plus grande surprise, le drone me répond avec la voix chuintante d’un robot :

-Un peu plus de respect envers tes aînés, veux-tu?! Quant à ce que je veux, c’est bien simple : dis-moi où est Till.

Je sens mes poils se hérisser sur mes avant-bras. Qu’est-ce que tout le monde veut à Till ces derniers temps?!

-Pourquoi Till ? Et pourquoi maintenant ? Et que se passera-t-il si jamais je refuse ?

-Ça ne te regarde pas. Ça ne te regarde pas. Plus aucun de tes amis ne sera en sécurité nulle part.

Je ne reviens pas du ton qu’il a employé pour me dire ça, comme s’il me parlait du temps qu’il allait faire demain, et pas du fait qu’il vient de menacer tous ceux qui me sont chers.

Je décide de lui répondre : de toute façon, il le saura, autant lui dire que ça se finisse plus rapidement :

-Il est dans sa chambre. Ça vous va ?

-Oui, pour l’instant ça me va. Mais si jamais j’ai encore besoin de toi dans un avenir plus ou moins proche, je te le ferai savoir, ne t’inquiète pas.

Comment ça, il me rappellera s’il a encore besoin de moi dans un avenir proche ? Qu’est-ce que ça veux dire ? Si je lui ai répondu, c’est parce-que je sais qu’il ne peut rien faire à Till tant que celui-ci reste dans l’enceinte de l’école. Je compte bien qu'il me fiche la paix pour le restant de mes jours.

Qu’un drone ait réussi à passer les filets de la sécurité est assez étonnant en soi, mais bon, ce n’est qu’un drone:

C’est petit, relativement peu bruyant et celui là est déguisé en libellule, ce qui le rend encore plus difficile à tracer, même si normalement des caméras spécialisées sont sensées empêcher cela.

Il faudra d’ailleurs que j’en parle à Till. Je ne veux pas qu’on puisse m’accuser de faire de la rétention d’information parce-que je ne lui ai pas avoué que quelqu'un le cherchait.

Sans oublier d’en parler à ma mère, qui saura faire ce qu’il faut pour que cela ne se reproduise plus, sans alerter la presse et le monde extérieur.

Mais si un drone a pu rentrer dans l’établissement, sûrement en passant par la voie des cieux, je vois mal quelqu’un emprunter le même chemin. La zone est tout de même interdite de survol, et les Portails auront tôt fait d’arrêter quiconque déciderait de faire du mal à mon ami.

Sans oublier que pour rentrer dans les dortoirs, il faut tout de même passer un scanner rétinien pour ouvrir les portes du rez-de-chaussée. Notre rétine ouvre toutes les portes du bâtiment

Je décide magnanimement de revenir à la réalité et d’accorder encore un petit laps de mon temps à ce drone louche et à son pilote :

- Merci de nous laisser tranquille, maintenant que cette histoire est terminée.

-Oh, détrompe-toi petit, cette histoire n’est pas terminée. Elle ne fait que commencer.

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