Chapitre 1: La redescente

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L'hôpital est vide, surtout à une heure aussi tardive. Mon arrivée semble réveiller tout le monde, comme si une vague de mouvement balayait soudainement les couloirs de l'hôpital.

Les chirurgiens en pause me regardent passer avec des yeux ronds, un gobelet de café à la main, tandis que le reste des médecins suivent le mouvement, et un homme surgit soudainement dans mon champ de vision, avant de me demander, le souffle court:

"-... Quel est son état?" Ce n'est qu'à l'entente de cette question que je réalise qu'il parle aux ambulanciers.

Ceux-ci se pressent et lui tendent un rapport; papier que je connais bien; une feuille jaune sur un carton, et lorsque le médecin termine de parcourir la feuille des yeux, il s'adresse enfin à moi.

Moi, prisonnière de mon enveloppe corporelle, avec ce masque transparent sur mon visage.

"- Arythmie cardiaque." Prononce le docteur, les yeux rivés sur mon dossier. "- A séjourné dans ce même hôpital il y a à peine un mois.

- ... Deux... Mois..." J'articule, et le médecin se penche:

-... Deux mois, oui. Evite de parler, d'accord? On va s'occuper de toi, ça va aller."

S'ensuit tout un discours bourré de jargon médical que je finis par connaitre par cœur et on me transfert dans une des chambres de l'unité des soins intensifs.

Le transfert du brancard au lit est douloureux, mais je sers les dents et finalement l'atterrissage n'est pas plus dur que ce que mes bronches me font subir en ce moment.

"- ... Anticoagulant, s'il vous plait." Dit le médecin, avant de s'asseoir auprès de moi tandis que les infirmiers s'affairent autour de moi, et je vois plusieurs poches sur leur chariots rouler jusqu'à mon lit.

"- ... Je vais pas... Faire d'embolie, docteur." Dis-je, articuler devenant de plus en plus difficile, mon souffle se faisant de plus en plus rare.

Le médecin m'a retiré mon masque pour la mise en place, et me le place à nouveau sur le visage avant de me sourire:

"- Par précautions, je préfère, Kaitleen." Me dit-il avant de griffonner quelques mots sur ses feuilles et me dire doucement: "- Nous vous administrons le même traitement que la dernière fois, je lis sur votre rapport médical que ça avait bien marché, et on ne change pas une équipe qui gagne."

Il me sourit à nouveau avant de se relever, et je hoche la tête. "- Gardez le masque jusqu'a ce que vous sentiez que votre apport en air s'est régulé, d'accord?"

Je lève le pouce en l'air en guise de compréhension, et le docteur se relève pour quitter la pièce non sans m'avoir indiquer les boutons d'urgences avant de disparaitre.

Mes yeux se baladent sur les murs et le mobilier; c'est tout ce que je peux faire, dans cet état; je dois éviter tout effort inutile pour que ma respiration et mes poumons puissent se calmer.

Mon regard se posent sur la vitre qui sépare ma chambre du couloir, et j'aperçois mes parents, de l'autre côté, qui me regardent, ma mère, le visage marqué, et mon père la tenant par les épaules.

Elle lève le bras pour secouer un objet devant la vitre, qui me fait sourire sous mon masque: Mister Bear, "l'ours de l'hôpital", comme j'aime à l'appeler, une peluche que j'ai reçue lors de mon tout premier séjour et qui me suit désormais à chacune de mes hospitalisations.

J'hoche la tête et lève un peu la main pour signifier à ma mère que je suis reconnaissante qu'elle l'ait amené.

Je vois alors le médecin les aborder, la scène se déroule comme un film silencieux devant mes yeux, et mes parents me jettent un dernier coup d'œil, un regard plein de tendresse, avant que ma mère ne m'envoie des baisers et ne s'en aille avec le médecin.

Ça, ça signifie que je dois me reposer, maintenant.

Mon cœur reprends ses battements normaux à mon réveil, et l'étau qui l'enserrait a disparu.

Le masque à oxygène a un peu glisser de mon visage, et je le réajuste avant de me rendre compte que le débit d'air est moins fort qu'à mon arrivée, ce qui ne me dérange pas, je n'ai plus besoin d'autant d'inspiration qu'avant.

Je reste un moment éveillée, à simplement apprécier mon souffle régulier, et la disparition de cette douleur, comme si la nuit qui vient de s'écouler n'était qu'un mauvais souvenir.

Je baisse les yeux pour remarquer que mon haut de pyjama a été déboutonné, découvrant ma poitrine.

Génial. Et personne pour me reboutonner ça.

Les électrodes qui sont collés à ma poitrine disparaissent lorsque je reboutonne ma chemise, et je me tourne sur le côté pour apercevoir l'heure affichée sur le réveil digital posé sur la table de nuit:

8:52.

Super.

Je soupire, je n'ai presque pas dormi contrairement à mes impressions.

Je tends la main pour attraper le bouton rouge qui pend à côté de la tête de lit, puis m'effondre en soupirant sur mon matelas.

Quelques minutes plus tard, à observer les carreaux du plafond blanc, la porte de ma chambre s'ouvre:

"- Ah, tu est réveillée."

Le médecin de hier soir a l'air changé, les poches sous ses yeux trahissent son sourire jovial. Il a dû dormir par intermittence dans la salle de garde.

J'ai de la peine pour lui que sa première patiente de la journée soit une adolescente insupportable comme moi.

"- Vous auriez dû dire super tu es en vie." Dis-je avant de me redresser lentement dans mon lit. Il balaie mon commentaire et poursuit formellement, son fidèle petit dossier en main:

"- Comment tu te sens?

- Ça peut aller.

- Des douleurs, ce matin?

- Non, aucune. Je me sens comme une fleur au printemps, ce qui est plutôt surprenant après la nuit que je viens de passer."

Cette fois, mon commentaire le fait rire, et il replace son stylo dans la poche de sa blouse.
J'ai envie de lui dire qu'il est beau, mais quand il s'approche de moi en glissant son stéthoscope dans ses oreilles et approche dangereusement sa main de ma poitrine, cette déclaration me reste en dehors de la gorge.

Le métal froid me fait frissonner, et je reste comme ça un moment, assise sur mon lit en tentant de réguler mes battements de cœur.

"- ... Ton cœur bat encore un peu vite." Il me dit, levant ses yeux vers les miens.

"- ... Je vous assure qu'il y a dix minutes il battait normalement. C'est à cause de vous." Dis-je, et le médecin ouvre grands les yeux, un sourire sur les lèvres:

"- ... De moi?
- C'est parce que vous êtes un peu beau."

Il sourit un peu plus, et je vois bien qu'il veut éclater de rire, mais que, professionellement parlant, ce n'est pas approprié devant une patiente.

"- D'accord, Kaitleen, tu vas sortir aujourd'hui de l'unité des soins intensifs."

Cette phrase est la meilleure chose qui m'a été donnée d'entendre depuis le début de la journée, et je lui souris:

"- Je peux prendre mon petit déjeuner, avant?"

Quelques battements de séparation ( TERMINÉE )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant