Chapitre 14: le fantôme de la bibliothèque (CORRIGÉ)

293 23 1
                                    

Ma seule distraction du week end, puisqu'il faut écarter le loisir de tester les internes; et Hailis étant parti, je ne peux me faire la main sur personne d'autre, se résume en un mot:

Bibliothèque.

Pas que j'adore lire, ni que je me rende là bas pour m'instruire et poursuivre les études que mon cœur a interrompu, mais tout simplement parce que ça me donne l'impression d'être moins seule dans la galère.

Les autres patients, ceux qui trainent entres deux rayons en peignoir de chambre ou avec leur chariot à la main, ou encore les vieux qui s'endorment sur les canapés et les futures mamans qui sillonnent tranquillement les rayons de maternité, semblent tous se soutenir les uns les autres, comme conscients que si on se trouve là, c'est que ça ne vas pas si bien.

Généralement, quand je me rends à la bibliothèque, je laisse ma main glisser sur une rangée de reliures de livres jusqu'à m'arrêter à n'importe quel ouvrage et le lire; ensuite, je me donne l'obligation de le finir, sinon je peux pas sortir d'ici, sauf en cas d'urgence - Toilettes, ou que mon cœur n'apprécie pas la lecture - glissant mes doigts sur les reliures; et les microbes qui vont avec; de la rangée Médecine Étrangères et vertus des plantes, je tire un livre qui traite de remèdes Russes Ancestraux.

Tant que ça ne me demande pas de boire des litres de vodka pour faire passer ma douleur, ça me va.

Je me laisse ensuite tomber dans un siège en cuir et fait semblant de lire tout en regardant l'horloge toutes les deux minutes, au cas où une heure intéressante arriverait; j'ai classé mes heures intéressantes comme étant l'heure du déjeuner, du diner et du souper, puis celle des consultations, la semaine parce que je peux parler avec Hailis.

Mais Hailis n'est pas là.

Quand cette pensée me traverse l'esprit, je me surprend à fixer le plafond en me demandant ce qu'il fait, en ce moment.

Qu'est ce qu'il porte, comme habits, quand il n'est pas à l'hôpital? Les mêmes que ceux qu'il a sous sa blouse d'interne?

Des rires interrompent ma parenthèse et je me concentre sur mon livre sans vraiment le faire, alors que le crissement habituel des roues d'un fauteuil résonne depuis le fond du couloir, vers les deux portes de l'entrée.

Puis, plus un bruit. Soit les roues se sont engagées sur le moquette de la bibliothèque, soit la personne a fait marche arrière.

Je penche pour la deuxième solution quand je vois ledit fauteuil et son occupant suivi d'un second fauteuil s'engager dans mon allée.

Deux garçons, d'à peu près mon âge, sont assis dans leurs fauteuils roulants, et mon regard ne peut s'empêcher de descendre en coup de vent sur le moignon qu'il leur reste au dessous du genoux gauche pour tout les deux.

Probablement des amis rencontrés dans le même service.

Je me souviens que ma mère avait souvent tenté de me mettre sur la voie de l'Amitié-Paire avec une autre personne souffrant d'arythmie cardiaque, mais la seule que j'avais rencontré pendant mes longs séjours ici était une femme âgée qui était morte peu après son arrivée, et avec qui j'avais pu échanger deux ou trois mots, pas plus, de plus elle devait toujours reprendre son souffle, ce qui faisait que nos conversations duraient sur la longueur et m'ennuyaient.

Après ce décès, je m'étais dit que plus jamais je ne tenterais l'Amitié-Paire.

Mais avec les deux garçons situés dans l'allée, ça n'était pas la même chose.

Je replonge dans mon livre sans vraiment le faire, écoutant leur conversation d'une oreille:

"- Pourquoi tu demandes pas à ta mère?
- Elle voudra jamais. Elle dit que je suis intellectuel et que pour moi, ça marchera pas. J'ai pas un esprit de déduction directe, moi.

Quelques battements de séparation ( TERMINÉE )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant