Chapitre 21 : Menée par le désespoir

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-Tobio à disparu... Murmurais-je une seconde fois.

Je n'arrivais pas à y croire. Ces trois mots me faisaient l'effet d'une claque, et me rendant finalement compte que c'était de ma faute, le paysage sembla tourner autour de moi, me faisant tituber. Marlène s'apprêta à ouvrir la bouche, mais au même instant, un cri s'éleva de la forêt, faisant s'envoler quelques corbeaux. J'eus l'impression qu'une main de fer enserra mon cœur à cet instant, alors qu'un long frisson remontait le long de mon dos. Presque par automatisme, je me relevais. Un second cri se fit entendre, en même temps que le reste des adultes débarquaient dans la chambre. Sans hésiter, ne prenant même pas la peine de remettre un manteau, je m'élançais en courant vers la fenêtre, encore ouverte, que j'enjambais d'un saut. Derrière moi, quelqu'un me cria de m'arrêter, alors que mes pieds s'enfonçaient dans la neige. Une troisième fois, on cria, plus loin dans la forêt sombre, alors qu'à nouveau, des oiseaux réveillés en sursaut s'envolaient dans le ciel sombre. Tobio. Je savais que c'était lui. Je me redressais, alors que mes mains commençaient déjà à rosir à cause du froid environnant, et commençait à courir.
Je le sentais. Je savais qu'il était là-bas, droit devant moi, derrière ces centaines d'arbres. C'était une évidence. J'avais l'impression de le voir se débattre, d'entendre ses battements de cœur effrénés se synchroniser aux miens. Le vent glacé frappait sans cesse, alors que déjà, le manque de chaleur se faisait sentir. Ma gorge commençait déjà à me brûler, alors que le froid m'atteignait jusqu'aux os. Mais je savais qu'il était là. Je l'entendais, je le sentais, ce lien indescriptible qui nous liait. Ce lien qui ne se briserait qu'à la mort de l'un de nous. Cette preuve qu'il était en vie, et qu'il était toujours là. Mes pieds s'enfonçaient de plus en plus dans la neige, à cause des talons de mes bottes, m'empêchant d'avancer rapidement, en plus du fait de devoir éviter les arbres. Je m'arrêtais une seconde pour enlever mes chaussures, avant de me remettre à courir, les abandonnant sur le côté. La douleur du froid écorchant, mordant jusqu'au sang, ouvrant ma peau n'était rien par rapport à celle intérieure qui m'envahissait petit à petit. L'absence de ma moitié complémentaire commençait déjà à me ronger de l'intérieur.

-Tobio ! Tobio ! M'époumonais-je tout en continuant de courir.
Mon corps entier me demandait, me suppliait, me criait de m'arrêter, tellement j'avais peu d'aptitudes physiques.
-Angélica ! Cria Tobio en réponse.
Il était tellement loin, que sa voix était à peine perceptible. Pourtant soudainement, ma vision devint entièrement blanche, effaçant arbre, ciel et astres. Et droit devant moi, loin, très loin, apparut une grande ombre noire. Celle d'un homme ou d'une femme, portant quelqu'un d'autre, cette autre personne se débattant pour se dégager. Et même le moins futé de tous aurait facilement comprit de qui il s'agissait. J'eus l'impression d'avoir un second souffle, neuf, revigorant mon être tout entier. État-ce sa réponse ? Ou bien juste cet étrange pouvoir qui venait de se déclarait qui en était la cause ? Peu m'importait. Tout ce qu'il comptait, c'était d'accélérer, d'atteindre ma cible. Comme si des ailes venaient de me pousser dans le dos, j'accélérais. Quelque chose de profond me redonnait l'espoir, de la force.
L'ombre devant moi s'arrêta. Sans chercher à comprendre, je continuais de courir, alors que derrière moi, j'entendais des personnes m'appeler. En clignement d'yeux, aussi vite qu'elle était arrivée, cette vision disparut. Je me rendis compte que j'étais arrivée à la sortie de l'épaisse forêt. Cette fois-ci, j'apercevais Tobio. Il se débattait toujours, tentant de s'échapper.
Je sortais enfin de la forêt, les pieds totalement engourdis. Je ne savais par quelle magie je tenais encore debout. Le visage de Tobio en me voyant, s'illumina. Mon cœur se gonfla de joie, et, utilisant mes dernières forces, je tendais le bras vers lui, alors qu'il faisait de même.
-Tobio ! M'écriais-je alors que je me rendais compte que ce coin de la forêt débouchait sur une petite falaise escarpée. Et qu'ils se tenaient trop près du bord à mon goût.
-Angélica !
Ce que je craignais arriva. La personne qui le tenait se laissa basculer vers le vide. D'un bond, je réduisais considérablement notre distance, et je sentis nos mains se frôler, alors que ses yeux s'écarquillaient d'horreur. Je me sentis chuter également, mais quelqu'un passa son bras autour de mon ventre, m'empêchant de tomber à mon tour. Tobio et sa main tendue vers moi disparurent, chutant tout en bas.

-Non ! Tobio ! Criais-je de ma voix à moitié cassée.
Je crus pendant un instant qu'ils allaient s'écraser tout en bas, mais des ailes jaillirent du dos de son attaquant, et ils s'envolèrent, passant un cour instant devant la lune, puis s'éloignant tellement vite et loin, qu'ils disparurent en quelques secondes.
Une douleur inconnue me secoua tout entière, alors que la personne qui m'avait empêchée de tomber me prenait dans ses bras. Je reconnus sans peine Nathan, à travers ma vision qui devenait floue.
-Angélica, comment te sens-tu ?
-J'ai mal.
-Éloigner deux Gardiens après qu'ils se soient enfin retrouvés n'est jamais bon. Tu auras mal tant que Tobio ne sera pas de retour parmi nous. La douleur est plus forte au début, mais elle finira par s'atténuer avec les jours. Expliqua doucement Marlène, que je n'avais même pas remarquée.
Une main glacée se posa sur mon front.
-Tu n'as pas encore de fièvre, nous devons te reconduire en lieu sûr avant que ton cas ne s'aggrave. Je ferais tout pour que tu aies le moins mal possible.
Je secouais doucement la tête.
-Je dois avoir mal. Pour me rappeler de la bêtise que j'ai faite. Pour me rappeler que tout est de ma faute. Murmurais-je, la bouche pâteuse.
-Tu ne sais pas ce que tu dis, ma chérie. Je vais prendre soin de toi. Je te promets que tu reverras bientôt Tobio. Je le promets, à toi et à moi-même.
Ce fut les dernières paroles que j'entendis avant que je ne m'endorme, ou bien que je ne perde conscience

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