Chapitre 26 : Déployer ses ailes

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-Deux jours plus tard-

Dans la salle à la lumière clignotante, le garçon couché eut un sursaut de vie. Deux yeux bleus percèrent soudainement la nuit, et il inspira brusquement une grande bouffée d'air. Un sentiment de panique suite à l'oubli de ses souvenirs commença à le faire tressaillir, mais il respira calmement, chassant les quelques idées noires qui troublaient son esprit. Il n'avait pas perdu la mémoire, il fallait juste qu'il se calme. C'est du moins ce dont il se persuada, et en restant immobile, mais en gardant les yeux ouvert, il fouilla son esprit. Petit à petit, les informations revinrent. En se rappelant d'où il était et du danger qui s'approchait d'Angélica, il se redressa brusquement, mais se prit la vitre du tube qui l'entourait de plein fouet. Il n'était pas claustrophobe, mais une légère panique le prit en voyant qu'il pouvait à peine bouger. Puis il se rendit compte qu'en se cognant, il l'avait déplacé. Aussi, d'un simple mouvement il fut libre. L'obscurité parfois troublée par la lumière clignotante installait une étrange ambiance, angoissante et malsaine. Après avoir poussé l'espèce de vitre, il se releva, se frottant le nez. Puis il se rendit finalement compte qu'il était libre. Il n'avait aucune chaîne, rien. Aussi il sortit précipitamment de son lit et voyant que ses jambes le portaient parfaitement bien, il s'élança vers la porte. Il était pieds nus, mais vêtu d'un jean et d'un haut simple. Se souvenant qu'ils étaient en plein hiver, il retourna chercher la petite couverture avec laquelle il s'entoura les épaules. Ce n'était pas grand-chose, mais c'était mieux que son t-shirt à manches courtes.

Il posa la main sur la poignée glacée qu'il actionna, et cette dernière céda, lui déverrouillant la porte. Un long frisson remonta dans son dos, puis sans attendre, il se mit à courir.

Le couloir lui aussi était silencieux et sombre. Seules quelques lampes approchées au mur éclairaient de temps en temps les murs peints en bleu foncé. Le sol était glacé mais cette sensation lui rappelait qu'il était encore bel et bien vivant. Il manquait de trébucher à chaque pas, ses jambes étant restées inactives un moment. De temps en temps il commençait à chuter, mais se rattrapait au pas suivant. De la buée sortait de sa bouche à chaque expiration, à cause du froid régnant. Il devait courir sans s'arrêter, sortir, s'échapper de sa prison à tout prix. La couverture qu'il traînait avec lui se faisait de plus en plus lourde, et après avoir une nouvelle fois évité sa chute de peu, il la lâcha, et se remit en course. Le froid ambiant saisit immédiatement sa peau, lui provoquant la chair de poule. Il traversa de nombreux couloirs désert, mais en plein milieu d'un, il tomba sur une femme et un homme en blouse. Ils semblaient étrangement jeunes, à peine moins que lui.

-Hé ! Mais, qu'est-ce que tu fais là ?!

Sans prendre le temps de répondre, le garçon en fuite accéléra. Il inspira un grand coup, ferma les yeux, prit une impulsion... et sauta. Il passa à toute vitesse au dessus de leurs têtes, manquant de peu de se prendre le plafond.

-Qu'est-ce que...

Ce n'était pas la première fois qu'il utilisait une telle technique. A première vue, les Gardiens n'avaient aucun pouvoir défensif ou quoi que se soit. A première vue. Au point culminant de son saut, il ouvrit à nouveau les yeux. Il atterrit au sol un peu plus loin, et n'attendit pas plus de réactions pour se remettre à courir. En se redressant il sentit une légère douleur se propager dans sa jambe gauche, et il jura intérieurement. Il n'était pas suffisamment en forme pour faire ce genres de choses visiblement. 

Durant toutes les années qu'il avait passé en attendant le second Gardien, Tobio avait eut le temps de développer ses pouvoirs, et surtout, il avait apprit à les détourner. Lorsque les Gardiens rentraient en contact avec les Ames, leurs corps devenaient plus légers, parce qu'ils voyageaient dans une sorte d'autre monde, où il voyait les morts comme s'ils avaient encore une enveloppe, un corps, en général celui qu'elles avaient avant leur décès. Cependant, lorsqu'il réglait une histoire de ces dernières, son réel corps à lui était toujours présent dans le véritable monde. Aussi, si en plein saut il arrivait à se transférer dans l'autre monde, il pourrait être beaucoup plus léger. C'est exactement ce qu'il avait fait lui permettant de sauter deux à trois fois plus haut que la normale. Seulement cette technique était très complexe. Sa difficulté résidait dans le fait qu'il n'avait plus de contrôle sur son enveloppe corporelle lorsque son esprit était ailleurs. Hors, d'une telle hauteur, il fallait parfaitement se réceptionner, surtout si l'on était en fuite. Une synchronisation parfaite était donc obligatoire, afin de revenir au monde réel au bon moment : pas trop tôt, pour éviter de perdre de la hauteur, mais pas trop tard, pour éviter tout danger. Le nombre d'os cassés et de foulures qu'il avait eut en s'exerçant était considérable. Mais c'est comme cela que Tobio avait grandit. «Transformer le poids des Âmes en ailes lui permettant un jour d'atteindre le ciel.» C'était la phrase qu'il avait écrite, une philosophie, un fil rouge qui l'avait empêché d'abandonner.

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