NORAH

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Panic Song – Green Day


    Oh, merde ! MERDE MERDE MERDE MERRRRRRRDE !!!!!


    J'ai posté la lettre déclinant l'acceptation à Brown pas plus tard que ce matin. Et c'est seulement maintenant, au beau milieu de la nuit (ou est-ce déjà le matin ? Pourquoi le temps cesse-t-il de s'écouler quand je vois Tal ?), que je comprends. Un kibboutz en Afrique du Sud : grosse erreur, GIGANTESQUE, même. À quoi je pensais ? On s'est séparés à cinq reprises au cours des trois dernières années. Dans un recoin de mon cerveau se tapissait l'espoir : 1) que Tal et moi réussirions à nous débrouiller pour que les choses marchent la prochaine fois – et quel meilleur cadre pour cela qu'une communauté dans l'autre hémisphère loin de nos familles et amis ? –, ou : 2) que nous essuierions un nouvel échec , mais que je serais la meilleure travailleuse que le kibboutz ait jamais connue. Et que, pour couronner le tout, Tal mourrait de jalousie en me voyant tomber follement amoureuse d'un sublime surfeur du Cap, qui, avec un peu de chance, aurait un prénom aussi sexy que Ndgijo, et avec lequel je m'enfuirais pour faire le tour du monde, sac au dos, abandonnant Tal dans un verger.


    Sauf que ça n'arrivera jamais. Comment une fille censément intelligente se retrouve-t-elle dans un tel pétrin, sans aucun projet de futur au seuil de l'âge adulte ? Ces dernières semaines, j'ai autant pleuré sur l'absence de Tal que sur son attitude infecte. Je me suis raccrochée à l'espoir de le surprendre en débarquant en Afrique du Sud, et pourtant, quand il s'est retrouvé devant moi, là, à Manhattan, qu'est-ce que j'ai foutu ? Je suis restée pétrifiée. Envolés tous mes rêves de réconciliation. Soudain je me souvenais seulement que je n'avais jamais été assez bien pour lui, ni assez juive, ni assez politisée, ni assez engagée. Tal n'est peut-être pas menteur et infidèle comme cette pouffe de Tris, mais à qui je voulais faire avaler ces salades ? Ce mec est – Caroline ne manque jamais une occasion de me le rappeler –, un « connard manipulateur ». Et c'est dans une Yugo pourrie, à côté d'un pauvre con à qui je me suis présentée en collant mes lèvres aux siennes, que j'ai enfin été touchée par l'illumination que ma mère, mon père et Caroline espèrent depuis mes quinze ans : ÇA SUFFIT ! Caroline avait raison depuis le début. Tal et moi avons tout intérêt à suivre des chemins différents.


    « Oh, merde ! » Est-ce que je viens de dire ça tout haut ? J'essaie de me concentrer sur Harry, mais je n'arrive pas à faire taire les paroles de Tal dans ma tête : « Elle a l'air d'une sacrée joueuse, comme ça, mais quand tu arrives sur le terrain, il n'y a plus personne pour te renvoyer la balle... »


    Miss Banquiz ! Tal a osé m'appeler comme ça devant Harry ! Quand je pense que je lui ai offert ma virginité et ma jeunesse ! En tout cas, je peux m'estimer heureuse d'une chose : si Tal est rentré d'Afrique du Sud sans prévenir personne, il n'aura pas reçu ma lettre ; je viens seulement de l'envoyer. Pour me la jouer romantique, je lui ai écrit par la poste traditionnelle plutôt que par le net. J'ai même dessiné des cœurs sur l'enveloppe ! Oh, mon Dieu, je voudrais disparaître sous terre.


    Norah, ma pauvre fille, pourquoi es-tu si faible ? Il a suffi d'une nuit, la semaine dernière, une nuit à retenir les cheveux de Caroline pendant qu'elle dégobillait dans la cuvette des toilettes, une nuit à ressentir la solitude et la confusion – les miennes, pas les siennes une armée de types attendaient devant les toilettes qu'elle ait dessoulé) –, pour que je laisse le côté obscur de mon esprit prendre le dessus. Tandis que Caroline cuvait, cette nuit-là, dans le lit qu'on tient à disposition de mademoiselle dans ma chambre depuis la maternelle, j'ai écrit à Tal. La faute à toute la caféine consommée pour rester éveillée afin de tenir compagnie à Caroline ? Aux vapeurs de ganja qui envahissaient la boite de reggae où nous avions passé la soirée. L'effet de la fumée peut-être plus dangereux qu'une inhalation directe, surtout quand il s'agit d'entraver mes capacités à distinguer délire nostalgique provoqué par l'absence de Maléfix et envie de réconciliation.


Une nuit à New York | hsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant