NORAH (épilogue)

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Fluorescent Adolescent – Arctic Monkeys





    J'ai le droit de garder la veste, j'ai le droit de grader la veste, tralalalalère. Harry m'aime, ou, en tout cas, il me trouve chouette, tralalalalère. Salvatore et moi, on est heureux ! Je donnerai ce vêtement au pressing, je ne voudrais pas qu'un détergent de mauvaise qualité l'abime, tralalalalère.


    Nous revoilà dans Jessie. La Yugo ! Tralalalalère.


    Je suis assise sur le siège passager, à côté de Harry, et ça ressemble à toute à l'heure, sauf que c'est différent. Je ne me pose plus de questions pour savoir si j'ai ou non envie de passer du temps avec ce mec, dans cette « voiture ». Pourtant, Jessie, elle, hésite encore à m'adopter. Une fois de plus, elle refuse de démarrer. Harry tourne la clé, il appuie sur l'accélérateur, il récite même quelques prières, mais non, Jessie est d'humeur chafouine. Harry lâche la clé et se tourne vers moi.


— Merde.


    Je ne peux pas retenir un rire en le voyant, avec ses vêtements froissés, ses cheveux formant des épis à cause de la pluie et des mouvements énergiques que je leur ai imposés un peu plus tôt, son regard vitreux dû à la retombée du désir et à la fatigue, sa mâchoire serrée de colère. Je lui dis :


— Tu me fais penser à cette chanson de Fluffy, You Have That Just Fucked Look, Yoko.


    Je crois qu'elle se trouvait sur la compil' de rupture que Harry avait filé à Tris. À mon avis, c'est la meilleure chanson de pré-Evan E. À l'époque, leur batteur s'appelait Gus G. Il s'est barré sur un coup de tête, parce que Lars L. avait viré le manager du groupe, qui était aussi la petite-copine de Gus G.


— Ne me quitte pas, Norah, dit-il d'un ton badin, avant d'ajouter plus sérieusement : Dev prétend que I Wanna Hold your Hand est la chanson la plus chouette qui soit parce que tout le monde désire plus que n'importe quoi : se tenir par la main.


    Celle de Harry abandonne le levier de vitesses pour prendre la mienne. Il conclut :


— Dev a peut-être bien pigé un truc.


— Je déteste les Beatles. À l'exception de cette chanson, Something. Ça, c'est une déclaration d'amour. Elle n'a même pas été écrite par John ou Paul. Non, c'est George qui l'a composée. C'était George le génie. Mais les Beatles en tant que groupe ? Complètement surfait.


    Harry libère ma main. Il me contemple comme si je venais d'avoir une attaque cérébrale, ou comme s'il état sur le point d'en avoir une.


— Je ferai comme si je n'avais rien entendu.


    Les musicos et leur amour des Beatles... Qu'est-ce qu'on y peut ? Je me penche pour déposer un baiser de réconciliation dans son cou. Puis je lui demande :


— Tu m'as vraiment écrit une chanson ?


— Ouais. Mais elle n'est pas terminée. Et en t'avise pas de reparler des Beatles avec autant de condescendance, ou je pourrais bien ne jamais l'achever.


— Est-ce que j'ai le droit de l'entendre, même la version incomplète ?


— Non.


— Non à tout jamais ? Ou non, pas maintenant ?


— Pas maintenant. Ne sois pas si impatiente.


Une nuit à New York | hsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant