Like a Rolling Stone – Bob Dylan
C'est d'une grossièreté de raccrocher au nez des gens. J'en reviens pas. D'ailleurs, je refuse de croire que cet appel a réellement eu lieu. Je dois être tellement fatiguée que j'ai des hallucinations. Ouic'est ça.
Je vais aux toilettes, j'asperge mon visage d'eau froide pour me réveiller, je passe mes doigts dans mes cheveux pour les ébouriffer ce qu'il faut, c'est-à-dire suffisamment pour que ce soit joli sans donner l'impression que je me soucie de mon apparence, et enfin je plonge une main dans mon soutif pour arranger mes seins. Salvatore détourne le regard.
Quand je retourne à ma table, un monceau de nourriture m'attend : le bol de bortsch brulant (meilleur que celui de ma bubbie, mais je ne lui avouerai jamais en face), une demi-douzaine de pirojkis à la viande, du saucisson. Les blinis vont sans doute arriver d'une minute à l'autre. Eh oui, j'ai très, très faim, et je me sens terriblement carnivore. Je pourrai toujours garder les restes pour la Sorcière de Veselka ou un autre SDF. Je fonds sur le repas comme si je sortais tout juste de prison. Le bortsch doit dégouliner sur mon menton quand je relève enfin le nez pour faire une pause dans mon orgie. Il est là. Merde. Message pour Merle Haggard : les miracles arrivent.
Je me sens toujours humiliée, mais je me rappelle aussi que j'ai un nouvel horizon depuis que j'ai décidé d'embrasser une carrière humanitaire au service des Nations unies. Je suis immunisée contre l'envie de me jeter sur lui maintenant que je me suis engagée dans une vie de solitude et de célibat. Ce ne sera sans pas si terrible que ça. Adieu MST et angoisses dues à un préservatif déchiré. L'abstinence sexuelle, l'absence même de pensées coquines, de désir me permettront sans doute d'atteindre un état supérieur d'illumination, comme le Dalai Lama. Oui, tout est pour le mieux. Une nouvelle existence m'attend. Harry peut se détendre. Je ne lui sauterai pas dessus. Il ne parle pas tout de suite, s'assied, beurre un morceau de pain et l'enfourne avec la même frénésie que moi. Entre deux bouchées, il demande :
— La vache ! Tu as commandé à manger pour combien de personnes ?
Il prend une gorgée de Coca dans mon verre, rote, puis me répète les derniers mots que je lui ai balancés :
— « Absout » ? Ça veut dire quoi, putain ?
Son ton est agressif, mais il a de nouveau ce sourire ironique aux lèvres. Je suis déterminée à bouder, même si, pour être honnête, je rêve de le lécher partout. Je n'en reviens pas qu'il soit là. J'ai envie de lui faire des trucs vraiment cochons. De faire des trucs cochons avec lui. Je tente de paraître blasée :
— Ça veut dire : on s'est rencontrés dans des circonstances zarbis, on a partagé des moments zarbis, mais ce n'est pas parce que je me suis ridiculisée que tu es obligé de jouer au chic type et de pousser plus loin l'expérience. De toute façon, on ne se connait même pas, on n'a jamais été réellement présentés...
Harry m'interrompt en me tendant sa main, grasse de beurre.
— Je m'appelle Harry. Je suis originaire d'un quartier charmant, nommé Hoboken. Fluffy était mon groupe préféré jusqu'à ce soir. J'écris des chansons. Je viens de me faire larguer par une connasse, mais je suis en train de m'en remettre. Et toi ?
Je lui serre la main tout en réprimant, avec difficulté, un sourire dont il n'est pas digne.
— Je m'appelle Norah. Originaire de ce putain d'Englewood Cliffs, qui n'a rien de charmant. Fluffy était aussi mon groupe préféré jusqu'à ce soir. J'adore les chansons. J'ai largué un connard, puis je me suis fait larguer par lui, et cette spirale infernale dure depuis longtemps, mais je suis également en train de m'en remettre.

VOUS LISEZ
Une nuit à New York | hs
Fiksi PenggemarHarry et Norah n'ont rien en commun. Sauf un premier baiser, censé durer cinq minutes. Et qui va se prolonger toute une nuit. Une seule nuit? cette oeuvre n'est pas de moi, je ne fais que la réécrire avec Harry comme personnage principal, les vrais...