4 ans

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     J'accompagne Jackson le regard neutre. Dans peu de temps, il va monter dans le bus qui va le conduire vers une contrée dont je ne sais rien, ni le lieu où il sera déployé durant deux mois. Ces soixante jours de mission sont trop courts pour que nous puissions entretenir une correspondance et cela me meurtrit intérieurement. Je souffre de le voir partir sans jamais avoir de ses nouvelles, mais je sais que cela n'est pas de sa faute, que s'il pouvait ne serait-ce qu'un instant me contacter, il le ferait.

Contempler Jackson vêtu de son treillis me fait frissonner. Ses doigts se resserrent sur ma main. Nos regards se croisent, un léger sourire sur ses lèvres me rassure, mais je me retrouve une fois encore plongée dans le passé... même endroit, même lieu, même adieux. Les au revoir sont arrivés. Je déteste cela. Ce bref mais insupportable instant qui nous déchire de l'intérieur, qui nous arrache à notre vie, nous mettons en suspend le temps que nos soldats nous reviennent sains et sauf. Je fixe mon meilleur ami qui place son paquetage dans la soute du car. Les larmes commencent à affluer aux bords de mes cils, d'un geste vif, j'essuie lamentablement les fugitives qui ont réussi à s'extraire. Malgré ma promesse de ne pas craquer aujourd'hui, je ravale difficilement ma tristesse qui me ronge en cachant mon état à Jackson qui lui, fixe Clem qui vient nous rejoindre.

-Hey, murmure Jackson en qui s'approche de moi tout en me tendant ses deux mains que je saisis pour m'enlacer de ses bras brisant mes derniers remparts de protection pour ne pas pleurer. J'appuie notre accolade, je veux garder sur moi la chaleur de son torse, imprégner dans ma mémoire le son de sa respiration. Allez, lâche-toi Miss Bennett ! Sa voix est douce, rassurante. La caresse de sa main dans mes cheveux et son menton posé sur ma tête ont raison de moi. En peu de temps, mes larmes fusionnent avec sa veste. Je suis désolé de ne pas être là pour toi aujourd'hui. Clame-t-il.

-Arrête Jackson, expliqué-je en resserrant mon étreinte contre lui. C'est juste que j'apprécierai que ce jour ne me rappelle plus ce qui s'est passé il y a quatre ans. Ton départ ajouté à ça, me fout le bourdon Jack. Ajouté-je la voix tremblante.

-C'est l'heure, magnez-vous les gars ! Crie Clem en approchant de nous d'un regard compatissant à mon égard.

-Miss Bennet, je t'aime. Précise Jacks en déposant un long baiser sur mon front avant de se retirer et laisser la place à Clem qui me prend dans ses bras.

-Je te demande pardon de mon comportement au gymnase. Je ne voulais pas faire cela mais... dis-je en posant mon regard dans le sien, Gabe a le don pour me mettre dans un état où je ne peux plus me contrôler. Avoué-je en croisant mes bras sur ma poitrine.

-Tu es pardonnée Li, me rassure t'il en me regardant. Un petit conseil, la prochaine fois ne te laisse pas contrôler et accepte ce qui doit se passer. Ajoute-t-il en rigolant avant de disparaître dans le bus.

J'observe Jackson me sourire tendrement, sa main posée sur la vitre. Je ferme les yeux le temps de ne plus voir le bus s'engouffrer sur la route. En me tournant pour rentrer à la maison, tout mon corps se stoppe à la vue des trois personnes qui me font face... Callum, Gabe et Lisbeth. La voix criarde de cette salope me perce les tympans. Le regard de Callum m'enveloppe d'une froideur abyssale et celui de Gabe ne m'apporte rien car ses yeux sont baissés se promenant sur le trottoir. Un lieu que cette mijaurée et lui connaissent à la perfection... car c'est sur celui-ci que cette fille offre son corps vulgairement à qui veut fusionner avec son entre-jambe ! J'avais ouïe dire certaine chose sur Lisbeth bien avant de connaître Gabe, tout a été confirmé à plusieurs reprises. Justine et moi l'avons vu se faire culbuter par des soldats en permission ou de passage sur la base. De les voir là, ensemble, des souvenirs douloureux affluents dans ma mémoire.

Flashback

Quatre ans plus tôt

Je marche, rêveuse, j'ai eu les résultats de mon entrée à la fac de médecine et je suis reçue. Je me vois déjà vêtue de ma blouse blanche auscultant avec plaisir mes patients qui seront tous si petits. Je veux devenir pédiatre. A cette idée, je souris bêtement en prenant le chemin de chez Gabe.

Je repense à la nuit qu'il m'a offerte sous les étoiles. Les émotions qu'il a réussies à me transmettre m'ont entièrement émoustillée. Nous avons fait l'amour différemment. Une fusion de nos âmes pour toujours et à jamais. Gabe m'avait procuré une douceur encore plus intense que ma première fois. Je frissonne à la seule pensée de lui avoir donné ce qu'aucun autre ne pourra jamais obtenir. J'aime à croire qu'il sera le seul et unique homme de ma vie. Quand il m'a juré d'être toujours présent pour moi et d'être le père de mes enfants, j'ai failli exploser dans un fou rire incontrôlable, mais le regard qu'il m'a lancé m'a fait réfléchir. J'ai pu distinguer dans ses prunelles une lueur de vérité, une flamme qui ne brûlait que pour moi.

Ce soir nous ne devions pas nous retrouver car demain il doit être de bonne heure à un entrainement et mes grands-parents repartent dès l'aube, mais j'ai besoin de le sentir me toucher par ses lèvres et qu'il me rassure par ses mains. Un contact de cinq minutes me suffit amplement, j'ai besoin de lui pour vivre et avancer.

La lumière éclaire parfaitement sa maison, je monte les quelques marches qui me mènent à sa porte d'entrée entre-ouverte... étrange. Un sentiment d'angoisse s'empare de mon être quand j'entre et qu'une odeur marquée d'un parfum entêtant s'immisce dans mes narines. Je connais cet effluve, cette fragrance qui me fait fuir à chaque fois qu'elle est présente. Je dois me faire des idées, il ne peut pas me faire cela, ne juge pas avant d'avoir vu me sermonné-je.

-Gabe, oh oui Gabe, baise-moi ! Ces cris hurlés par cette voix féminine me donnent la nausée, je ne peux pas le croire. Je suis dans un cauchemar, je vais me réveiller. Je monte les escaliers sans bruit posant mon regard sur un soutien-gorge puis un string. Plus fort ! Demande-t-elle d'une voix rauque. Mes larmes coulent, je ne réagis pas, je ne veux pas admettre ce qu'il se déroule derrière cette porte que je reste là à fixer.

Je pousse délicatement cette barrière qui va me détruire quand mes yeux vont découvrir ce qui se joue réellement. Je les observe, nus, les jambes de cette fille autour des hanches de Gabe qui la pénètre. Son regard rencontre le mien, il me sourit sans honte, il ne cesse même pas sa partie de jambe en l'air dès qu'il aperçoit mon regard des plus meurtrier. Cette pouffiasse se met à rire à son tour suivi par Gabe.

Je ne peux pas rester ici, cela m'est insupportable, j'en ai l'estomac retourné alors je fais la seule chose qui me parait possible, je détale à toute allure sans me retourner, claquant la porte au passage. Une fois arrivée sur le perron, je ne prends pas à droite pour rentrer chez moi, je ne pourrais pas affronter le regard de mes parents, je m'engage sur le chemin opposé et fonce jusqu'à l'orée de la forêt où je vide le contenu de mon estomac. Je n'arrive toujours pas à croire que c'est réel, Gabe avait été si sincère il y a deux nuits de cela sur la colline, si honnête avec moi. Pourquoi a-t-il fallu qu'il gâche tout ? Comment peut-il me faire ça ? Pourquoi me tromper avec Lisbeth ?

Fin du flashback     

GabeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant