je l'ai dis

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-Maman, je sanglote au téléphone, ma voix tremblante, empreinte de panique et d'angoisse, c'est Angèle, elle vomit du sang ! Ça recommence ! Les larmes coulent librement, mes mains tremblent.

-Lizzy, ma mère tente de me calmer, d'abord, calme-toi, tu ne dois pas t'angoisser en présence de ta fille, cela ne fera que la rendre plus malade ! Fais-lui boire de l'eau en attendant que j'arrive ! Sa voix est remplie d'inquiétude, et elle raccroche rapidement.

   Voilà une bonne quinzaine de minutes que je tourne en rond, rongeant mes ongles d'impatience en attendant l'arrivée de ma mère. Les échos provenant de la machine de Gabe continuent de résonner sans relâche. Mon esprit tourbillonne d'une anxiété étouffante, et j'implore le ciel avec une ferveur déchirante, priant de tout mon être pour que ma petite Angèle soit épargnée de la souffrance atroce qu'elle a vécue il y a seulement deux ans.

 Les images de cette époque sombre me hantent, la fragilité de ma fille, les longues semaines passées dans l'incertitude, les visites interminables à l'hôpital, et les traitements éreintants qui semblaient ne jamais prendre fin. Elle était si jeune, si vulnérable.

Je me surprends à revoir son visage pâle et ses grands yeux innocents, contenant une détresse que seuls les enfants peuvent exprimer. Mon cœur se serre à l'idée qu'elle puisse revivre ces moments cruels. Je ne peux pas supporter l'idée de la voir à nouveau affaiblie, de l'entendre pleurer dans l'obscurité de la nuit.

 la terreur m'envahit, et je prie avec une intensité désespérée pour qu'elle soit préservée de ce cauchemar, que sa jeunesse ne soit pas assombrie par la maladie.

La voiture de ma mère s'engage  dans l'allée menant à la maison. D'une démarche fébrile, je me dirige vers elle, tandis que Gabe surgit de l'atelier, les yeux plissés d'inquiétude en la voyant sortir, sa trousse médicale en main...

-Madame Davis ? interroge-t-il, attirant notre attention à toutes les deux. Ma propre voix, tremble d'angoisse quand je réponds, "Angèle vomit du sang." La terreur me serre le cœur à l'idée que sa gastrite hémorragique ne la replonge dans la maladie, tel un funeste retour en arrière. Elle avait commencé à vomir du sang avant qu'un protocole médical ne s'ajoute à tout cela.

J'entre dans la maison aux côtés de ma mère, qui s'approche délicatement de ma fille. Ses gestes sont empreints de la tendresse propre à une mère. Quant à moi, je croise mes bras sur ma poitrine, mes ongles, désormais maculés de sang, continuent de subir le supplice de ma nervosité grandissante. Les yeux d'Angèle brillent d'inquiétude, reflétant la sombre atmosphère qui pèse sur nous tous.

-Momie, z'ai mal là ! chuchote-t-elle, pointant délicatement un doigt vers un cercle douloureux autour de son nombril. Gabe et moi observons avec inquiétude l'examen que ma mère fait à ma fille. Aucun de nous ne dit un mot, nous restons immobiles, inquiets.

-Maman, dis-je en l'observant se redresser pour s'approcher à mes côtés. Dis-moi que ce n'est pas revenu ! la supplie-je alors qu'elle pose sa main sur ma joue, me réconfortant.

-Non Lizzy, ta fille a une bonne gastro ! En vomissant, elle a irrité son estomac, ce qui a provoqué la présence de sang. Donc, pas de courant d'air pour elle, beaucoup d'eau, et essaye de lui faire boire du coca ou du jus de cuisson de riz. C'est le meilleur remède, avec du repos. D'ici deux jours, elle ira mieux, nous explique-t-elle, cherchant à nous rassurer. Gabe, pourriez-vous s'il vous plaît monter Angèle dans un endroit moins exposé aux courants d'air ?

-Non, je vais rentrer avec toi, maman, déclaré-je, répondant au regard interrogateur de ma mère. Nous avons déjà pris assez de temps à Gabe. Je précise en jetant un coup d'œil aux yeux de mon ex-petit ami, qui me fusillent du regard d'un air taquin. Gabe... dis-je en le voyant prendre le corps d'Angèle qui s'accroche à son cou pour la conduire à l'étage.

-Je vais la coucher dans sa chambre, Mme Davis. Merci d'être venue pour rassurer Lizzy, annonce-t-il, alors que mon rire nerveux fait écarquiller les yeux de ma mère. Je me retrouve seule en face d'elle, confrontée à son regard qui réclame des explications.

-Maman, dis-je en posant ma main sur mon front. Je... j'essaie... je commence à dire en baissant la tête.

-Je n'arrive pas à dire le nom de mon agresseur, termine-t-elle à ma place, suscitant ma surprise qu'elle ait deviné mes pensées. Tu nous faisais pareil quand tu étais enfant. Tu ne disais jamais qui était l'auteur des bleus que tu avais quand tu rentrais de l'école, m'explique-t-elle en posant sa main sur ma joue.

-Tu dois puiser la force au plus profond de toi, tu dois l'écrire si tu ne peux le prononcer. Lizzy, il est préférable que ce nom franchise tes lèvres. Partage-le avec Gabe, avec Jackson, exprime-le avant qu'il ne soit trop tard. Je comprends que ce que tu as enduré reste ancré dans ton esprit, que ce démon te dévore. Cependant, nommer cet homme sera ton chemin vers la rédemption, une échappatoire hors de ce long tunnel obscur qui te consomme," explique-t-elle d'une voix empreinte de sérénité.

J'ai rencontré, au fil de ma carrière de médecin, un grand nombre de femmes ayant vécu cette tragédie, Lizzy. Après un travail intensif avec un psychologue, elles ont réussi à surmonter, sans pour autant guérir totalement, le sentiment de déshonneur. qu'elles croyaient avoir engendré. ajoute-t-elle d'une voix plus résolue, plus intransigeante. La maman douce que j'aime tant se mue en une figure maternelle obstinée.

-Alors non,, je ne tolère pas ton silence face à cet individu, ni que tu acceptes de le protéger de la sorte ! Que peut-on faire pour te faire comprendre que nous voulons t'aider ? Qui te dit que, en continuant à le protéger, il ne va pas continuer à abuser de jeunes femmes en sachant pertinemment qu'il est protégé par l'une de ses victimes ?" Sa voix résonne avec une fermeté inflexible, laissant peu de place à la discussion.

-Maman, assez!

-Oh non ! s'écrie-t-elle en me saisissant fermement par les épaules. Son regard, empreint d'une sincérité poignante, pénètre au plus profond de mon âme. "Peux-tu te regarder dans une glace l'esprit libre ? Peux-tu vivre en ayant la conscience tranquille le soir chez toi, lorsque tu es en sécurité, enlacée par les bras de Gabe, tandis que cet homme se promène librement dans la base, dans la ville, peut-être à la recherche d'une jeune fille..." Elle me secoue avec une intensité qui me laisse sans voix, et Gabe, qui est revenu sans que je le réalise, nous observe silencieusement. "Peut-être à ta recherche à nouveau", glisse-t-elle sombrement, choquant mon esprit avec ses mots. L'idée que Callum puisse de nouveau s'ne prendre à moi me glace d'effroi. Je m'écarte brusquement d'elle, heurtant involontairement le torse solide de Gabe.

La douleur de ces insinuations, la souffrance d'avoir pu imaginer une telle pensée, m'envahit. Mon cœur se serre, et je me retire des regards inquisiteurs de ma mère et de Gabe, en attente d'une réponse. Tout ce que je désire à cet instant, c'est fuir à nouveau, m'échapper, et tenter d'oublier... 

Je les observe tous les deux, puis ferme les yeux l'espace d'un instant, cherchant à travers mes pensées, le cœur de la forêt. C'est là, dans cet endroit, que je trouvais refuge lorsque le malheur me tourmentait, laissant son essence m'envahir au son mélodieux des oiseaux, dont les chants doux apaisaient les tourments qui me rongeaient.

-Je l'ai dit à Jackson !, je révèle enfin, les yeux clos, me sentant réconfortée par l'étreinte chaleureuse de Gabe qui me serre tendrement contre lui.

GabeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant